
"Je ne vous attendais plus..."
Le vent souffle dans les rues de Rome, ce matin. Le ciel est bas, palette de couleur allant du blanc cottoneux, au gris lourd et chargé d'humidité. Il neige rarement, par ici. Seulement le mordant du vent nous rappelle que parfois, de fins flocons peuvent sévir en ville et dans les rases campagnes. C'est d'ailleurs ce qui menace d'arriver dans les prochaines heures, aux vues de ce ciel a la couverture nuageuse épaisse. Mais ce n'est pas ce qui va empêcher Spirius d'étaler "sa marchandise" au grand air, et à la vue de tous. Il en laissera certains en cellules, et d'autres sur l'estrade centrale. Ceux qu'il aimerait vendre, car leur présence en ses murs à trop durée, où simplement car ils lui rapporterait beaucoup d'argent...
Lucretia fait aujourd'hui partie des esclaves exposés sur l'estrade. Spirius ne comprend pas. Il ne comprend pas qu'on ne lui ai pas acheté cette androïde plus tôt. Elle est jolie, douce, et loin d'être rebelle... Alors qu'attendent tous ces mécréants pour sortir leur bourse ? Jugent-ils que le prix de la créature est trop élevé ? Une chose est certaine, il ne souhaite pas qu'on marchande le prix. C'est une perle rare. Et les perles rares, ça a un coût.
Assise sur le bois froid de l'estrade, la frêle créature tremble. Il faut dire qu'ils sont peu couverts, malgré la saison. Une simple toge blanche au départ, devenue grisâtre de saleté couvre les corps, de ses brins de laine savemment entrelacés. Et c'est insuffisant, lorsque la bise glaciale traverse la cour du marché aux esclaves, mordant les corps de son froid sec. Ramenant ses jambes galbées tout contre elle, Lucretia tente de se réchauffer, frottant la paume de ses deux mains sur sa peau cuivrée, dans un bruit désagréable de chaines qui s'entechoquent. Il faut dire qu'elle retenue au sol de l'estrade par deux épaisses menotes de fer qui entament presque la peau de ses fins poignets, tant elles sont lourdes à porter. Mais elle commence à en avoir l'habitude, depuis le temps qu'elle "fréquente" le marché de Spirius...
Aujourd'hui est un jour comme les autres... Les Romains passent, observent, tâtent la "marchandise", pour au final ne pas acheter. Lucretia se lève lorsqu'on le lui demande, subissant le courant d'air sans rien dire, subissant les regards, les mains inconnues qui parcourent son corps, avant de se rassoir, lorsque l'inconnu disparait. Elle même peine à comprendre pourquoi elle est encore ici... Que fait-elle de si mal, pour que personne ne daigne prendre possession de sa personne ? Tout ce qu'elle rêve c'est de pouvoir sortir d'ici. Et elle a bien compris qu'elle serait sa condition une fois sortie d'ici... Enfin, elle croit avoir compris. Car elle ignore tout de ce monde, et de ses violences.