Le temps est agréable, le vent s'est levé en ce début de soirée et il fait bruisser les petites feuilles des oliviers. Il descend sur quelques tiges de lavande et emporte leurs essences. Au passage, il fait frémir quelques brins de romarin avant de nous rejoindre en passant par l'ouverture de la salle de banquet. Les senteurs portés par cette brise rafraîchissante entre dans les salons. Beaucoup d'hommes et de femmes sont présents. Les parfums manquent de choir dans l'eau d'un des bassins où un couple d'androïde s'effeuille. Evitant ces corps qui s'emmêlent, l'onde de fraîcheur passe entre quelques coupes de vin. Elles se heurtent, s'entrechoquent et chacun se félicite, se congratule et flatte son ego pour les réussites de cette année.
Je regarde mon verre encore et j'ai cette drôle de sensation, ce vertige qui me saisit. C'est comme lorsque votre attention se fixe sur un point de détail. Là ce sont les lèvres rouges et criardes d'une sénatrice enkilosée par la bourgeoisie. Elle parle en mâchant son pain. Je n'entends pas ce qu'elle dit tant le brouhaha ambiant est insupportable. Rires, messes basses, quolibets allaient bon train. La brise a laissé place à une sorte de flatulence de l'esprit. Nous étions à quelques mètres de l'hémicycle ou le destin de Rome se jouait. L'apéritif précédent un banquet venait d'être servi. Les sénateurs avait invité les différents prêtres de la ville dans le but. Bien entendu, ils souhaitaient simplement s'assurer leur réélection. Déjà quelques prêtres de Jupiter négociait convaincu que les rumeurs n'étaient pas fondés et que, comme chaque année, il serait les grands arbitres des nominations à venir.
Sur le plateau qu'un androïde portait, une coupe bascula et se renversa légèrement. Désolé, il s'éclipsa avec précipitations par une porte dérobée. J'en profitai pour quitter la pièce. Quand la porte se referma derrière moi, le calme me frappa. J'étais dehors, sur l'une des grandes terrasses, j'inspirai profondément pour retrouver les senteurs de ma Méditerranée.
-- Par les seins de Venus, qu'ils sont abjectes ! Je marquai une pause... ... Euh non Venus, je parlai d'eux pas de tes seins.
Tout en m'approchant du garde-fou en roche sculpté, je ris de ma propre bêtise trop heureux d'avoir pu m'absenter quelques instants. Cela ne durerait pas. J'étais le Grand-Prêtre de Venus. Cela ne m'ennuyait pas, ce pouvoir impliquait de grandes responsabilités dont j'étais fier. Mais à part en ramenant la femme d'un sénateur dans ma couche, il ne risquait pas de se passer grand chose pour moi ce soir. C'était aujourd'hui la dernière séance sénatoriale avant les grandes festivités. Une semaine de vacances pour les sénateurs pensaient la Plèbe. La ville de Rome s'étendait à mes pieds. Quelle merveille.
Au loin, le soleil terminait sa descente pour se plonger dans notre Mer. Mais avant cela, il y avait toute cette foule, tout ce peuple plein d'attentes, d'espoirs. Je regardai les remparts où les soldats de Pluton montait la garde. Cela faisait quelques mois que les attaques étaient moins violentes, moins nombreuses. Du coup, évidemment, les adeptes de Minerve souhaitait relancé une expédition. Je ne savais pas quoi en penser.
Le romarin est toujours plus parfumé dans les jardins du voisin.
Derrière moi, la porte s'ouvre, les médisances de cette caste sociale m'assaillent les oreilles. Je me sens agressé par tant de bienséance et de félicitations hypocrites. Je referme les yeux mais leur image efface celle de la ville. Rouvrant les yeux sur l'horizon, je lance une phrase sonnant comme une énigme à l'envahisseur de mon espace .
-- Le calme est hors de nos moyens pécuniers.
Sans doute philosophera-t-il dessus. J'aurais peut-être du me taire en fait.