AGRESSION NOCTURNE
Sombre, maussade, comme l'esprit d'Otho ce soir. Il avait perdu un homme. Ses hommes n'avait rien d'exemplaire, tous aussi butés, pénibles, caractériels, certains plus criminels que soldats, toujours ce besoin de défier l'autorité et Otho qui les tenait en laisse d'une main de fer. Le seul à aimer ces hommes, le seul à faire la sale besogne d'hommes irrécupérables, jusqu'au moment où le retour n'était plus possible. Le centurion à la quarantaine bien plié abattait sous ses pieds les pavés d'une ruelle dégueulasse des bas fonds, rentrant chez lui, dans son antre de fouteurs de chaos... Le seul endroit où il se sentait bien, au milieu de la sueur, de l'alcool, des voix fortes, des rires graves et des jeux masculins , en attendant une possible grosse mission, à écoper le temps perdu dans des pseudos missions en lien avec Rome. Sa soif d'aventure et de conquête n'était en rien enrayer mais avec le temps, la patience était une chose qu'il avait passablement acquis, et seuls les dieux pouvaient savoir à quel point il en avait besoin avec les lurons déjantés qu'il gérait. Et il y avait eu Bortellius...Un de ces premiers hommes arrivés il y avait environ quatre ans, quand il avait pris en main cette centurie devenu le clapier à bouffons de l'armée et avait remonté le niveau de manière drastique.
Il avait fait venir un subordonné, agé de dix ans et déjà reconnu pour son coté brutal et radical dans une autre centurie, débarrassant de même un autre centurion qui ne pouvait plus le gérer. Il était presque devenu un ami, même si Otho avait du garder la notion de hiérarchie entre lui et l'homme qui prenait vite ses aises... A de nombreuses reprises, Bortellius avait franchi les limites de l'acceptable en terme de moralité mais cette fois-ci n'était pas passé. Cette fois-ci il avait eu la lourde charge d'amener son soldat, alourdis de fers à l’exécution, après une peine d'un mois... Peine à la fin de laquelle, la sentence était tombé. Au vue de récidives et déviances violentes de l'homme et son arrogance à tout avouer avec le sourire, la justice avait été coupante : la mort... combat à mort dans les bas fonds, histoire de mêler l'utile à la cruauté. Bortellius lui avait déclaré qu'il préférait mourir en se battant que décapité comme un vulgaire porc. Telle était la mentalité de la plupart de ses gars... Et il n'était pas mieux.
Bortellius était mort. Le pas lent , le regard sombre, il redescendait vers son secteur. Abusé de la vie? Ecoeurée mais il se disait aussi que Bortellius avait été trop loin cette fois. Il n'était pas un dieu. Aucun n'était intervenu d'ailleurs. Le libre arbitre de l'homme. Il parait que les dieux laissent aussi l'homme se débrouiller avec son comparse...Même si l'enfoiré qu'avait torturé Bortellius en sauvage dans une rue il y a quelques nuits de ça le méritait, son acte n'était pas excusable. La nuit était tombée. Il avait été a jeté le corps avec les autres déchets corporels, car tel était le destin de ces hommes répudiés... la honte et l'errance éternelle. Inadmissible. Otho enverrait des hommes pour récupérer le corps quand tous ces badauds seraient partis... Le vent était frais. En uniforme, armure lourde et solide, mais pas autant que tout ces centurions réglementaires, usée par les épreuves et toujours pas changé, le tissu rouge bavant un peu sur ses biceps , marié à l'ocre du dessous, armé, il tourna à gauche, puis à droite... pensif. Il finit par marcher derrière une silhouette féminine, c'était sur sa route. Sans même y prêter attention, il prit le même virage, après avoir saluer deux soldats en garde. Le pas régulier, qui ne trainait pas, il était à environ dix mètres de la fine silhouette.