Cela faisait quelques semaines que je vivais chez Prometheus. Quelques jours... Une heure à peine. Nous étions deux étrangers qui pourtant se connaissaient profondément l'un et l'autres. Nous savions qui nous étions, au fond, à l'intérieur. Ce qui nous animait. Mais je n'avais jamais vécu avec personne d'autres que ma mère, et je devais me faire violence pour ne pas repartir dans le désert, aux portes de Rome. Il avait raison. Avec quatre enfants en moi, je ne pouvais pas courir le risque de rester seule. J'avais déjà du mal à marcher longtemps, alors me battre contre les créatures qui peuplaient le désert, jamais je n'en aurais eu la force. Comment tirer à l'arc avec un ventre si encombrant? Comment soulever un bâton? Je ne voulais pas risquer ma vie. Ni celle de mes enfants.
Ma vie avait pris une routine étrange. Prometheus était un ami fidèle, et je savais que je pouvais compter sur lui. Le confort dont je pouvais désormais profiter me gênait. Je n'avais jamais eu l'habitude d'être choyée... et par choyée, j'entends, pouvoir me prélasser dans une baignoire une heure tous les jours, ou manger des plats fins et abondants. A continuer comme ça, j'allais finir par grossir, et la grossesse n'y serait pour rien!
Ce matin-là, je me réveillais dans la semi obscurité de ma chambre, dont les rideaux voletaient dans la brise de saison. Je pestais après ce matelas qui paraissait ne jamais vouloir me laisser partir... Le moelleux des lits de cette villa me laissait perplexe, et j'avais craint au début qu'il ne me blesse le dos plus surement que la paillasse fine dont j'avais l'habitude. Ma main soutient mon ventre alors que je me redresse, nue, dans la chambre. Mes yeux captent mon reflets. Mes enfants prennent décidément beaucoup de place! Je m'empare d'une robe ample et entreprends de m'habiller. Plusieurs fois, des androïdes m'ont proposées de m'aider. J'ai refusé. Je refuse d'être assistée à ce point. Je peux encore bouger, même si ce n'est pas toujours aisé! Je regarde ma silhouette. Je n'ai jamais été à ce point féminine que pendant cette grossesse... mais je ne supporte plus le pantalon. Une bande de tissu est nouée sur le bas de mon ventre pour le soutenir... Il pèse de plus en plus. Pieds nus, je sors de ma chambre et appelle Tyl, comme d'habitude. J'ai chipé quelques fruits, que je vais manger en guise de petit déjeuner.
Assise sur un banc, le soleil caressant mon visage, je me laisse aller à l'oisiveté. Que faire d'autres, ici, de toute manières? Ce n'était pas comme si j'avais une grande liberté de mouvements. Tyl perché sur un arbre tout près me raconte sa nuit. Je ferme les yeux, doucement, profitant de la douceur du temps. Je sais que Prometheus ne va pas tarder à venir me rejoindre. C'est un peu "notre" moment. On ne parle pas beaucoup, pourtant, mais ça suffit. C'est ce moment qui m'entraîne à être mère et lui a être père. Ce moment qui me fait me dire que j'ai fait le bon choix en acceptant de vivre ici, et en assouplissant le quotidien des Cridas...