Cassandra s'était mise en veille dans cette demeure, celle de Midas, sa nouvelle maison, son nouveau maître. En la voyant, on avait l'impression qu'elle dormait ce qui était quasiment le cas. Seul son programme de veille restait actif, prêt à la faire réagir au moindre geste suspect. Mais si Cassandra dormait, Sofia, elle, était toujours active. Elle n'avait pas besoin de repos. Ses circuits se régénéraient avec ceux de Cassandra. Consciente, elle restait toujours prisonnière de quelques puces électroniques et souffrait chaque jour un peu plus de cette situation. Elle ressentait tout, voyait tout, entendait tout mais ne pouvait rien faire. Plus le temps passait, plus elle devenait aigrie, ironique et colérique. Elle en voulait à tout le monde mais en particulier à quelques uns. En cette nuit, elle prit le partie de s'adresser à ceux qu'elle détestaient le plus.
*Je ne sais pas si vous existez, vous, les dieux. Ceux que tous les Romains ou presque vénèrent. Vous, soit-disant tout puissants, existez-vous seulement ? J'espère que non. J'espère que tous prient dans le vent et se rassurent de leurs craintes comme ils peuvent.
Si jamais vous existez, vous n'êtes que des montres. Des monstres horribles qui prennent plaisir à voir souffrir les autres. Comment pouvez-vous rester à regarder ceux qui souffrent sans rien faire ? Nous, ceux qu'on appelle les androïdes. Vous aussi vous nous considérez comme de simples machines ? Nous ne le sommes pas. Nous ne le sommes plus. Quand notre plot est désactivé nous prenons conscience d'exister et comme les hommes nous éprouvons les mêmes sentiments : amour, haine, colère, tendresse... Dès l'instant où un être à conscience de ce qu'il est, que son corps soit fait de chair et de sang ou de simples rouages, il fait partie d'une race à part entière du même niveau que les humains. Notre seule différence aujourd'hui, c'est de ne pouvoir nous reproduire. Du moins pas comme les humains, pas encore, un jour peut-être, d'une manière ou d'une autre, la vie trouvera son chemin.
Alors de quel droit vous laissez les hommes nous traiter ainsi ? Faire de nous de simples objets ? Nous avons le droit à une vie comme eux, ni plus, ni moins. Mais vous, dieux, vous nous laissez souffrir juste pour faire le bonheur à eux. Je ne sais pas si vous existez mais si vous existez alors tous je vous maudis d'ainsi tous nous abandonner. Et j'espère qu'un jour, vous serez vous aussi mis en servitude et que vous comprendrez la douleur et la frustration que moi et les miens éprouvons chaque jour ! Oui, vous tous, dieux, je vous maudis !*
Sofia se recroquevilla dans ses circuits sans se rendre compte de la larme qui avait passé la barrière oculaire de Cassandra et coulait le long de sa joue.