Puis comme on chasse un trésor, elle s'aventure dans les herbes folles qui jouxtent l'endroit. On y trouve de très jolis cailloux colorés, quand on sait bien chercher. Elle en ramasse quelques uns, de différentes tailles, se servant du bas de sa robe comme d'un panier. Elle fait de même avec de longues et fines branches tombées. Satisfaite de ses trouvailles, elle retourne à sa besace et en sort une grande bobine de fils. Elle en coupe des morceaux plus ou moins longs en s'aidant de ses dents. Avec minutie, la jeune femme confectionne plusieurs sortes de mobiles très complexes avec les cailloux colorés, des morceaux de verre plus ou moins opaques et les bouts de bois. Utilisant son don de psychométrie, elle fait léviter ses créations au dessus des bassins et admire le résultat. L'ensemble est harmonieux et les rayons se reflètent dans les bouts de verre qu'elle collectionne depuis toute petite pour ce genre d'objets qui l'ont toujours fasciné.
Se relevant en maintenant les mobiles en suspension par la pensée, elle se lave les mains dans l'eau d'un lavoir. Isaa les essuie sur sa robe, toujours aussi peu soigneuse quand elle vagabonde comme ici au gré de ses envies. Le blanc tissu ainsi mouillé devient transparent par endroit et plus vraiment immaculé. Loin de s'en soucier, la demoiselle fait un pas sur le côté, suivi d'un autre. Avec agilité elle se hisse sur le bord d'un lavoir et joue les équilibristes. Au dessus d'elle les mobiles se mettent à tourner lentement. Elle tourne un peu avec eux, va et vient le long du rebord en prenant garde de ne pas tomber. Ainsi perchée elle s'immobilise soudain et lève les yeux vers un coin de ciel dégagé avant de déclamer :
« Lucidum caeli decus, date quae precamur
Alme Sol, curru nitido, diem qui
Promis et celas aliusque et idem
Nasceris, possis nihil urbe Roma
Visere maius.
Di, probos mores docili iuuentae,
Di, senectuti placidae quietem,
Romulae genti date remque prolemque
Et decus omne.
Iam Fides et Pax et Honor Pudorque.
Curet et uotis puerorum amicas
Applicet auris.
Adoro te Jovis devote, latens Deitas,
Quie sub his figuris vere latitas.
Tibi se cor meum totum subjicit,
Quia te contemplans totum deficit.
Alors qu'elle termine de s'adresser à son dieu, une brise légère se lève. Les pages de son carnet se tournent et les feuilles détachées s'envolent aux quatre vents. Lorsqu'elle s'en rend compte, la romaine pousse un petit cri de stupeur et se lance à la poursuite de ses dessins, ses précieux travaux en tous genres. Les mobiles retombent sur le sol ou dans l'eau. Tandis qu'un des volets lui échappe elle se rend compte qu'elle n'est pas seule ici. Son regard remonte des pieds chaussés jusqu'au visage de l'inconnu. Depuis quand était-il par ici ? Elle est bien incapable de le dire. Elle lui sourit néanmoins en se relevant un peu.
- Bonjour.