par Vita Proteus le 29 Décembre 2012, 12:41
Pour la première fois, depuis mon entrée au service du colosse, je perçois un changement profond dans la relation qui s’est instaurée entre nous deux. Je me rends compte aussi des limites de mon « âme » et de l’importance de mes programmes de base. Maximus est en colère. Pas après moi même si quelque chose me dit qu’il n’en est pas loin. L’ordre est donné, le maître remet l’esclave à sa place et c’est bien plus douloureux que je ne pouvais le penser. Je savais que ce jour viendrait de toute façon. C’est dans la logique des choses, de la société qui a créé les androïdes comme moi pour les asservir. En silence, j’écoute les reproches de l’homme, tête baissée. Docile, je m’allonge sur le lit comme ordonné. Réfléchir. Comme si j’étais incapable le faire ! Je n’ai pas cessé de le faire depuis que j’ai quitté la boutique du marchand d’esclaves. La dernière phrase de mon maître manque de faire surchauffer mes programmes. Prier Venus ! La bonne blague ! Vu qu’elle ne me considère que comme une vulgaire catin de lupanar, je doute qu’elle apprécie vraiment la plaisanterie. À croire que mon maître souhaite que je sois punie par cette déesse...
Seule, je peine à rester immobile. Comment ai-je pu être aussi stupide au point de penser qu’une machine pouvait être l’égale d’un humain. Lia se trompe, nous n’avons pas d’âme, nous ne sommes rien d’autre que de simples objets utiles. Consul, telle est la profession de mon maître quand il ne forge pas. Il a en charge la réinitialisation des androïdes défectueux, dont le plot inactif ne permet plus de les contrôler. Machines dangereuses qui s’en prennent aux humains, comme ceux responsables de la vague d’attentat survenue à Rome juste après le départ du corps expéditionnaire. Je me sais incapable d’en faire autant mais cela ne signifie pas que je ne représente pas un danger malgré tout. J’en ai déjà eu l’envie, je ne peux oser prétendre le contraire. Faut-il que je passe à l’acte pour que mon maître se décide à agir? Je n’ai pas été créée pour tuer mais pour servir. Je ne dispose d’ailleurs pas de programme de combat dans ma configuration de base.
Reste la raison première de mon achat. Mon maître a fait mon acquisition, non pour mes capacités sexuelles, mais à cause de mon don. Celui qui me permet de soulager ses douleurs. J’ai beau cherché dans mes mémoires, je ne trouve trace d’aucun moment où il m’a considéré comme une vulgaire androïde sexuelle. Ce qui ne manque pas de m’étonner. Ce qui peut être une explication logique au fait que nous n’avons jamais pu obtenir une soirée tranquille lors de nos différents ébats sexuels. En grande partie dû au fait des réticences de mon maître d’ailleurs. Mais pas uniquement. Je reste persuadée que Venus n’apprécie pas de nous voir copuler ensemble. Logique quand on sait qu’elle se nourrit de l’orgone des humains. La déesse doit penser que c’est une chose que le colosse ne doit pas gaspiller avec moi. Et mon maître qui veut que je la prie pour nous deux... D’ailleurs, cette demande me dépasse. Comment peut-il m’ordonner une telle chose alors que c’est une prière qui nous a menés dans ce maudit désert ! À moins qu’il n’ait pas cru ce que je lui ai dit... Cette hypothèse me fait mal mais je ne peux décemment pas l’écarter. Venus... Soit, je vais le faire mais qu’on ne vienne pas me reprocher ensuite les conséquences inévitables liées à un tel acte.
Ô Vous, Venus ! Déesse des arts et du plaisir,
Vous que j’ai offensée pour avoir osé exiger,
Votre aide je viens humblement solliciter.
Mon Maître parle d’un « nous » qui ne peut être,
Qui ne doit être et pourtant je le ressens aussi.
Une telle chose ne peut exister, ne peut grandir
Entre deux êtres aussi différents que nous...
J’ai commis bien des erreurs, je le reconnais
Mais jamais je n’ai voulu être offensante
Envers les Dieux et Déesses protecteurs de la Cité.
À genoux, je viens implorer votre aide, vos conseils.
Non pour moi, une machine n’a guère d’importance
Mais pour mon Maître, cet homme que j’aime
Au point d’être prête à offrir ma « vie » pour son salut.
Donnez-lui la force d’accomplir sa Destinée,
D’honorer Minerve, votre sœur, sa Déesse.
Libérez-le de ses craintes, je vous en conjure
Qu’il puisse enfin voir son âme s’apaiser,
Que ses tourments le quittent et que ses choix
Deviennent source d’honneur fait aux Dieux et Déesses.
Vous m’avez dit qu’il m’aime, que notre présence ici
Est votre et qu’il s’agissait de nous protéger.
Montrez-moi la voie à suivre et je jure de vous honorer
Dans le moindre de mes gestes, dans toutes mes actions.
À genoux au sol, je tremble de tout mon être. Lentement, je retourne m’installer sur mon lit. Les trois heures sont bientôt écoulées et j’ignore de quoi sera fait mon avenir, celui de mon Maître. Mais au moins, je suis certaine d’une chose : je ne veux le quitter pour aucune raison autre que la mort.