par Tiberius le 05 Novembre 2013, 20:55
Ah non, je n'y avais pas pensé. Camila, fatiguée, ce fait ne m'avait pas traversé l'esprit. J'avais toujours su deviner les traits de la femme qui se cachait derrière la façade de sénatrice, guerrière combattante. Tellement surpris de la retrouver vivante, je n'avais pas pris soin d'elle. Notre relation était étrange, même pas consommée. D'ailleurs, elle était la seule femme ayant partagé mon lit et avec laquelle je n'avais jamais nous couché. Je réalisais combien j'avais sous-estimé son épreuve. Un repas et une nuit dans mes bras ne pouvait pas suffire. Comment avais-je pu le croire ?
Je me souvenais parfaitement du lendemain matin. J'avais dû prononcer une phrase blessante, car elle s'était levée précipitamment. Je pensais à ce moment là que ses obligations ne la quitteraient jamais. J'imaginais l'affaire Caïus – Mettius trop importante pour qu'elle ne profite d'une grasse matinée. Qu'est-ce que j'avais bien pu dire ?
Elle me parlait de sa tenue. Je n'avais pas écouté, trop surpris par sa réaction. Elle me désignait l'échancrure légèrement, très légèrement, prononcée de sa robe et me parlait du regard des hommes.
-- Avec ou sans cette robe, les hommes n'ont d'yeux que pour toi. Surtout sans, surtout moi... Rassure-toi, je ne te ferais pas de scène de jalousie...
La colère s'était dissipée instantanément, je me trouvais tellement idiot en cet instant. Alors, ma nature désinvolte reprit le dessus. Resté enfant, je ne pouvais pas être sérieux plus longtemps en de tels moments. C'est ce qui me caractérisait. Si au fond de moi, je mesurais les tenants et aboutissants, je cachais ce caractère derrière une fausse puérilité et un ego surdimensionné. C'est pourquoi, je rajoutai :
-- Tout simplement parce qu'ils n'ont aucune chance face à moi.
Elle se blottit dans mes bras, je ne savais pas comment réagir. J'étais totalement déboussolé.
-- J'aurais préféré la clef de bras, au moins j'aurais su réagir.
Voilà typiquement ce que j'aimais chez elle. Sa capacité à me surprendre. La routine n'existerait pas entre nous deux. Elle resta ainsi un moment, mes bras ne l'enlaçait pas, je ne savais pas où les poser. Oh bien sûr, j'avais bien eu l'idée de les poser complètement à plat sur ses fesses à damner. Je l'aurais fait si j'avais déjà touché son corps de la sorte. En fait, non... Même dans ce cas-là, je n'aurais pas agi ainsi. Sa détresse me toucha profondément.
Mes mains se posèrent dans son dos, la serrèrent contre moi, avant de l'enlacer complètement. Je n'avais jamais eu cette attitude. Enfin si, avec Daphnée, cette blonde pulpeuse et que je voulais mettre dans mon lit. Mais ne changeons pas de sujet... Je ne savais pas comment réagir, où l'emmener. J'aurais emmené toute autre femme dans mes appartements privés pour profiter d'ébats charnels.
L'enlever... Où ? Comment ? En sautant par la fenêtre ? Roenna m'avait expliqué les dangers de telles conneries... J'aurais aimé avoir ce pouvoir de téléportation, je l'aurais emmenée loin d'ici, sur le Mont Olympe par exemple. Où l'emmener ? Dans le jardin botanique, je ne pouvais pas y assurer notre tranquillité, dans mes appartements ? Je ne pouvais pas y garantir ma tranquillité, cette fois. Et puis je ne voulais pas qu'on dise qu'elle était venue dans ma suite après l'altercation avec Fannius. Je le retenais ce connard !
Ma main passa dans ses cheveux, je réfléchissais calmement. Cette étreinte m'apaisait. Où l'emmener ? Je recherchais un lieu qu'elle pourrait aimer. Les femmes de la haute noblesse, aurait aimé un lieu de pouvoir, un lieu unique. Les femmes de la haute bourgeoisie aurait aimé un des grands salons boudoirs du centre de Rome. Nous n'avions jamais de touristes, alors les hôtels, qu'ils soient de luxe ou de charmes n'existaient pas. Alors en dehors des lupanars, il existait quelques grands salons, ouverts aux romains pour les pourparler. Les sénateurs et les hauts-régents militaires les appréciaient particulièrement. Mais Camila y serait trop dérangée. Je ne pouvais pas garantir sa tranquillité à elle, cette fois-ci. Et puis, peu de chance que cela lui plaise.
La solution était sous mon nez et je n'y avais pas pensé ! Je regardais cette bâtisse face à moi avec son étrange clocher sans cloche. Ouvert au quatre vents, la petite tour permettait à Sertorius de mener ses expériences météorologiques. Je n'avais pas l'intention de l'emmener dans un clocher à la vue de tout Rome. Quand même pas ! Mais la tour me rappela une pièce découverte récemment.
Mais cet endroit lui conviendrait. Nombres de nobles ou de sénatrices se révolteraient à l'idée de gagner un endroit si modeste. L'idée même de passer dans une de ces ruelles avoisinantes les auraient choquées, d'ailleurs. Mais Camila n'avait aucun point commun avec ces femmes, c'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle était venue jusqu'ici. Je me reculai et déchira un fin pan de sa robe pour obtenir une sorte de ruban de tissus fin. Je le laçai autour de ses mains. Évidemment, d'un geste, elle se libérerai.
-- Suivez-moi, c'est un ordre !
Je saisis deux toges monacales à profonde capuche. Nous les enfilâmes avant de sortir par une discrète porte du musée. Il ne s'agissait pas d'un passage secret, mais plutôt d'un accès de service. Nous sortions incognito du bâtiment principal du musée et en gagnons les petits jardins. Le chemin n'était pas long, quelques secondes tout au plus. Mais je ne voulais pas qu'on nous voit. Nous nous dirigions vers une destination que je ne lui révélerai pas. Après tout il s'agissait d'un kidnapping.
Nous venions de traverser le petit jardin ouvert au public dans le plus total anonymat. Les toges cachaient le visage des moines et très peu de romains ne cherchaient à y discerner un visage, par respect pour les uns, par peur de courroucer les dieux pour les autres.
Elle m'avait suivi dans un dédale de ruelles que nous n'aurions pas dû emprunté. Je m'étais trompé à un moment. Si elle me demandait pourquoi nous avions emprunté le même chemin par quatre fois, je lui répondrai alors que j'étais un kidnappeur professionnel. Par conséquent, je vérifiais que nul romain ne nous suive. Quel bonimenteur ! Si je me faisais évincer du Temple, je pourrais toujours me reconvertir comme arracheur de dents.
Je cherchais l'entrée de secours du musée de Sertorius, j'étais incapable de me souvenir du chemin. L'homme, au moins aussi paranoïaque que Katla, avait tracé un dédale de ruelles autour du musée pour cacher cette entrée. Quel enfer ! Mais nous arrivâmes à bon port. Je sortis une clef de ma toge et ouvris la porte dérobée.
J'entrais avant Camila. Il s'agissait d'un patio rempli d'un bric à brac d'objets dont j'ignorais tout de l'utilité. Je retirai ma capuche pour qu'elle comprenne qu'ici, personne ne la dérangerait. Le musée était fermé aujourd'hui. Elle semblait surprise. Du moins, je m'en convaincs pour prétexter mes explications.
-- Sertorius étant sans enfant, à sa mort, l'état se réjouissait de récupérer ces lieux. Certains sénateurs voulaient rendre le musée payant, d'autres espéraient y trouver des plans d'armes de guerre. Je me suis attiré la foudre de quelques sénateurs en leur rappelant que le Temple de Venus était l'héritier légitime de toute œuvre d'art dès lors qu'un romain ne laissait pas de descendances.
J'avançais vers l'autre porte. Le chemin était encombré, difficile. La porte fut compliquée à ouvrir tant d'objets empêchaient son entrebaillement. Nous étions dans un bâtiment annexe bien caché par les plans tortueux du site. J'étais d'ailleurs arrivé par ici par le plus grand des hasards : en me perdant, en somme. Les visites du musée se voulaient rares, mais gratuites. La gratuité permettait aux écoles romaines d'emmener les enfants défavorisés et m'assurait que la haute-société refuserait de se rendre en un tel lieu. Mais ce bâtiment restait fermé, voire inconnu. Bien sûr, Melina, androïde anciennement au service de Sertorius le connaissait mieux que moi. Je l'aimais car je me croyais dans le laboratoire de Léonard De Vinci. Un prototype d'hélicoptère mécanique était même suspendu au haut plafond.
Je pris la main de Camila pour l'emmener vers un coin moins spacieux, plus convivial. Il s'agissait d'une sorte de boudoir. Enfin, je le croyais. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Sertorius avait récupéré une des cabines qui composaient les wagons de l'orient-Express. J'en avais fait mon espace de lecture et de quiétude. Il se trouvait à l'écart, totalement fermé sur l'extérieur, sur la pièce même. On y accédait par une petite porte de bois patiné à l'ancienne. La cabine était cossue. J'aimais son exiguïté car elle m'offrait une appréciable intimité. Les deux couchettes disposaient d'une tête de lit en cuir. Mais au fond se trouvait deux banquettes se faisant face. Une tablette judicieusement conçue et rabattable me servait pour poser mes livres . Il en restait justement un, traitant du culte de Minerve. Je le lisais durant l'absence de Camila pour mieux la comprendre. Je l'avais laissé là, car j'aimais me recueillir ici pour penser à elle. Il y avait ensuite un drôle d'encadrement. J'ignorais son utilité initiale : une fenêtre. Je me trompais puisque je pensais qu'il s'agissait là d'un cadre en bois pour une œuvre d'art. J'y avais donc placé une toile qui m'était chère où les dieux discutaient entre eux, le sourire aux lèvres.
Je me tournais vers Camila pour lui parler
-- Je suis en train de réaliser un point important...
J'allais lui sortir une connerie, lui dire que je ne savais même pas à qui demander une rançon. Elle avait un tel panache au sénat, qu'on me paierait plus facilement pour la séquestrer ici le maximum de temps possible. Mais je n'avais pas oublié ses mots, sa demande.
-- Je n'ai pas vraiment envie de demander une rançon. Je vais te garder pour moi seul. diais-je en tirant sur le ruban de soie emprisonnant ces mains.