par Adamantea Incutia le 19 Janvier 2014, 15:20
La nuit n'allait pas tarder à tomber sur Rome, et les derniers politiciens quittaient le Sénat pour retourner vers leurs villas respectives. Il y en avait pourtant un ou deux avec lesquels Adamantea devait impérativement discuter. La ville avait été secouée par de nombreux retournements, dernièrement, et l'animation ne manquait pas. Il y eut les jeux du Colisée, la disparition incompréhensible du temple de Neptune, la mort brutale de Mortis, les rumeurs sur une attaque prochaine, ... Le problème, avec tout cela, était qu'il était difficile de distinguer le vrai du faux, la rumeur de la réalité... et surtout la distraction du fait. Car la forgeronne connaissait bien la politique romaine : si le peuple crie, donnez-lui quelque chose qui l'occupera.
Si ces rumeurs concernant une attaque étaient vraies, elles étaient effectivement préoccupantes, mais peu de monde semblait véritablement s'intéresser à la mise en place d'une défense quelconque. Les prêtres continuaient leur prosélytisme, les soldats continuaient leurs petites journées normales, et au fond, cette histoire n'avait pas l'air de véritablement inquiéter qui que ce soit. Quant au reste... Il s'agissait surtout d'affaires divines et la rousse ne s'y intéressait absolument pas. Ce qui l'animait, c'était le bien-être du peuple romain. Les affaires de dieux ne concernaient que les dieux et elle n'avait aucune intention de se laisser embarquer dedans de la moindre manière.
Le problème était que certains se servaient de ces histoires religieuses pour ne rien faire, ou pour éviter de dépenser de l'argent. Le sénateur Lorruptus, par exemple, était censé amener son aide pour la construction d'un orphelinat digne de ce nom en bordure des bas-fonds. Ada en avait plus qu'assez de voir des gamins moisir dans les rues à longueur de journée, d'autant que leur avenir ne risquait pas d'être des meilleurs... En règle générale ils finissaient embrigadés soit par des criminels soit... par pire encore. Tout le problème était que Lorruptus étant adepte de Pluton, il utilisait la mort de Mortis comme excuse pitoyable pour interrompre toutes les procédures. Et le souci était qu'Ada n'avait pas autant d'autorité qu'elle ne l'aimerait sur cet homme : il était bien trop influent pour qu'elle ne le brutalise.
- ...ois bien vous dire que le décès inattendu du grand prêtre Mortis... a profondément pourfendu mon âme, et je me dois de me recueillir afin de mieux réfléchir à la signification de sa mort.
- Bien entendu sénateur, tout adepte de Pluton se doit de le faire. Mieux comprendre les volontés des Dieux, c'est mieux les servir.
- Exactement, je suis raviede votre compréhension très chère, répondit le sénateur avec un sourire.
Ada ne l'aimait pas du tout. Il avait l'air gentil, honnête, et autres, mais ce n'était rien qu'une façade putride qu'elle méprisait au plus haut point.
- Il me semble néanmoins que cet orphelinat était un projet d'importance, pour vous.
- Oui... Nous pensons tous aux enfants de Rome... Mais comme vous vous en doutez, même eux ne peuvent avoir de préséance sur les dieux.
- Cela va de soi. Je viendrai vous voir la semaine prochaine dans ce cas, et je vous souhaite de trouver des réponses par vos prières.
Les deux se saluèrent alors, la rousse restant adossée au mur du bâtiment pendant que l'homme d'état partait. A chaque mètre parcouru par le type, Ada semblait fulminer de plus en plus. Elle savait que ce n'était qu'une excuse, elle savait aussi très bien que ce type ne priait plus Pluton depuis bien longtemps, préférant vénérer son propre pouvoir, elle savait qu'il voulait juste se retirer de ce projet sous un prétexte divin afin que rien ne puisse lui être reproché. Afin de se calmer, la commerçante avait pris les deux sphères de métal qu'elle avait toujours sur elle, Phobos et Deimos, les faisant tourner l'une contre l'autre dans sa paume dans ce bruit métallique si caractéristique.
Mais hélas, elle était aussi humaine que n'importe qui. La rousse finit par craquer, projetant les deux boules métalliques vers un mur. Celles-ci avaient changé de forme, devenant deux immenses pointes qui allèrent se ficher dans la pierre, la craquelant d'un seul coup.
- ESPÈCE DE SALE...
La suite fut vulgaire. Très vulgaire. Clairement, l'espace de quelques instants, elle ressembla plus à une bouseuse grossière qu'à une commerçante respectée. Cela suffit au moins à la calmer un peu. Tendant la main vers les deux pointes, celles-ci prirent une allure liquide, se retrouvant immédiatement attirées par sa main droite. Les deux corps métalliques formèrent alors de nouveau deux sphères, qui se solidifièrent et retombèrent dans la paume de la forgeronne, qui s'empressa de ranger ces objets et de partir.
Ce fut alors que, sur le chemin, elle reconnut quelqu'un qui lui devait un service... Et qui n'avait pas vraiment honoré celui-ci. Et contrairement à Lorruptus, il était nettement moins influent. Cette fois-ci, la donne était changée : c'était elle, qui avait le dessus, et elle ne s'empêcha pas de s'en servir.
- Servius ! lança-t-elle.
- Adamantea, quel plais...
- Dispensez-vous de formules de politesses, je viens vous obliger à tenir vos délais.
- Je vous assure, vous aurez ces informations, mes contacts travaillent aussi vite qu'ils le peuvent.
- Peut-être trouverai-je de nouveaux moyens pour les motiver...
L'air peu à l'aise, le romain s'arrêta avec une mine démunie.
- Vous pensez que c'est facile, de trouver quelque ch...
- Attendez, est-ce-que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à foutre de vos histoires ? Si c'était facile je ne viendrais pas vous voir et je ne vous paierais pas grassement je vous signale !
- Admettez que c'est un peu vague, com...
- Vous vous fichez de moi ? Une boule lumineuse explose au dessus du Colisée, en plein milieu des jeux, et vous allez me dire que personne n'a rien remarqué ?
- Si, mais de là à savoir d'où ça v...
- Ne me prenez pas pour une bille mon petit vieux... Je sais que vous avez passé les dernières semaines à dépenser le fric que je vous ai filé pour jouer aux dés...
- Non m...
- Non mais rien du tout. Je veux savoir ce qu'il se passe dans cette foutue ville. Maintenant foutez le camp.
- Je ferai au m...
- Allez déblayez !
L'air assez énervé, le bonhomme bedonnant fit demi-tour et partit avec une mine pour le moins boudeuse. Certes, elle y était allée un peu fort. Peut-être qu'elle s'était lâchée sur ce pauvre homme... Mais elle en avait assez d'investir pour rien. D'abord Clavius qui s'était servi de l'argent pour rénover les latrines des bas-fonds afin de se procurer des androïdes... pour le moins douteuses... Ensuite Lorruptus qui bloquait tout un projet parce que c'était un flemmard et un radin... Et maintenant Servius qui jouait aux dés au lieu de ramasser des informations... La patience de la rousse s'amenuisait chaque jour, ce n'était certainement pas le moment idéal pour venir l'ennuyer.
Sauf que...