par Octavius le 18 Décembre 2013, 14:42
Comment pouvais-je me douter qu'en lui proposant de reprendre des forces, elle allait s'asseoir sur mes genoux ? Ce contact humain me décontenança pendant un bon moment. Je sentais que mes joues brûlaient sous le feu ardent de la gêne. Comment devais-je réagir ? Depuis le début, je sentais que l'androïde avait besoin d'aide, qu'elle était perdue. Elle ressemblait à une enfant, en quête d'une famille, en quête des réponses à ses questions. Je ne m'attendais absolument par à ce qu'elle recherche un contact quelconque bien que j'eusse pu m'en douter lorsqu'elle posa quelques instants plus tôt, son doigt sur mes lèvres. Paralysé par ce renversement de situation, incapable de lui dire que ce n'était pas bien, qu'elle ne devait pas violer ma bulle de cette façon, que je m'en sentais profondément mal à l'aise, je restais là, à l'écouter. J'avais chaud, à cause de la gêne. Comme s'ils m'avaient compris, les chevaux émirent un hennissement léger, étrangement taquin. Ils se gaussaient de moi ! N'importe qui aurait fait pareil ! Je devais quand même lui montrer que j'étais humain, que ce que je lui avais dit était sincère. En pensant à la façon dont Camila, mon amie aurait réagi, je me rendis à l'évidence. Elle avait besoin d'un câlin, amical, réconfortant... Les épreuves furent intenses pour elles et extrêmement pénibles à supporter. Hésitant, je mis ma main dans ses cheveux pour la serrer doucement contre moi. Elle devait sentir que j'étais nerveux et pas vraiment habitué à ce genre de situation. C'est avec un ton moins sûr de moi et légèrement troublé, que je lui répondis :
- Je... je ne veux pas te forcer. Si tu restes ici et que quelqu'un te trouve, je ne sais pas quelles seront ses intentions... Ici, c'est dangereux, surtout pour quelqu'un comme toi... tu peux venir ou rester, je te laisse décider librement. De toute évidence, ton plot est défaillant... moi ça ne me gêne pas... mais d'autres voudront tout effacer dans ton esprit pour te revendre au plus offrant. Je suis navré que les choses soient ainsi... c'est profondément injuste... Si tu viens avec moi, tu resteras libre.
Je sais qu'elle comprend ce que je lui dis, et qu'elle angoisse probablement à l'idée d'être réinitialisée. Je sais aussi qu'elle peut représenter un danger en ayant son libre-arbitre, comme tout être humain. Mais je ne veux pas qu'elle se sente enchaînée à moi, encore moins qu'elle se sente obligée de me servir. Après tout ce qu'elle a traversé, elle mérite d'être réconfortée et laissée en paix. Je jette un oeil aux chevaux qui m'observent tranquillement. Je perçois une petite lueur moqueuse dans leur regard. Quelle bande de muffles ! Après tout ce que j'ai fait pour eux, il se plaisent à regarder la situation ! Je suis toujours aussi rouge, je n'ai qu'une envie, m'enfuir, prendre mes jambes à mon cou et me terrer dans un trou pendant des heures. Mais mes jambes refusent de m'obéir, tout simplement car la jeune androïde est assise dessus. Je reprends, en essayant de faire abstraction en vain de ma gêne persistante.
- Tu ne m'appartiens pas, Euterpe, tu n'appartiens à personne. Si tu veux aller au temple de Pluton tu pourras le faire librement. La seule chose que je te de demande, c'est de faire attention à toi, de ne pas faire confiance à des étrangers s'ils viennent te parler, sauf si tu sens qu'ils ont un coeur d'or. Si tu veux aider au Domaine, tu pourras le faire mais ça n'est pas une obligation, d'accord ?
N'importe quel romain m'aurait traité de fou devant mon indulgence et ma compassion. Je ne lui ai toujours pas dit qui était la personne que j'avais perdu... en réalité il y en avait plusieurs mais mon coeur demeurait trop lourd, trop écorché pour que je me livre si facilement à la première personne venue. Je ne jouais pas le jeu, elle parlait d'elle comme un livre ouvert et moi, je me repliais sur moi. La politesse, la complicité aurait voulu que je sois transparent, moi aussi. Ca m'était impossible pour le moment, trop d'émotions, trop d'appréhension... trop de solitude. Je profite d'un bref silence pour enchaîner et changer de sujet. Je veux lui parler de mon domaine, de ma maison et de ses occupants...
- C'est grand... très grand... Il y a une maison construite par mon père et derrière, un grand... jardin, avec de magnifiques chevaux. Tu verras, ils sont splendides. Tu pourras les caresser si tu le souhaites. Et Bonbon pourra chasser lui aussi, j'ai quelques souris qui font peur aux chevaux.
Je lui souris. J'ai l'impression de tenir une enfant dans mes bras. Et je me découvre un côté paternel, protecteur et prévenant que je ne me connaissais pas. Serait-il possible que moi, Octavius, je puisse faire un jour un chef de famille attentif et conciliant ? Moi qui reste toujours célibataire et très pudique sur mes sentiments ? Je n'ose y croire et je mets ça sur le compte de la fatigue. Peut-être serait-il temps que nous nous mettions en route.
- Qu'en dis-tu ? Tu veux peut-être réfléchir encore un peu ?