par Tiberius le 17 Août 2012, 10:43
Esquive à droite, esquive à gauche, je serpentais dans les allées des jardins suspendus pour fuir mes assaillants. Tous des hommes, aucune femme. S'il s'agissait d'assaillante, je n'aurai pas fuit. Je repensai aux propos de Camila, elle avait raison. Une forme certaine d'hypocrisie m'envahissait. Je fuyais les réunions où le sénat me conviait, je fuyais les sénateurs recherchant leur nomination. Mais cette convoitise, les égards qu'il m'adressait en cette période de festivité, ce pouvoir sur leur vie avaient des côtés plaisants, électrisants même. Oui, Camila avait raison. Je ne lui admettrai jamais, sinon elle me bassinerait chaque jour où Venus m'accorde vie. Mais aujourd'hui, quand je vis ces trois sénateurs, j'avais aussitôt emprunté les escaliers qui menaient sur les hautes terrasses des jardins suspendus.
Les botanistes et les architectes avaient réalisé des prouesses. La simple fraîcheur qui envahissait ce lieu en témoignait. J'aimai l'art, toutes les formes d'art et ce lieu, cette esplanade, ces jardins, ces arbres rares et préservés des catastrophes que la cité avaient pu connaître me parlaient énormément. Je posai ma main sur le tronc de l'un d'entre eux. Je ressentait toute sa mesure. Majestueux, il épousait une voûte sur laquelle un petit chemin permettait de se rendre en des jardins supérieurs. Je n'étais pas suivi. Je devrais rebrousser chemin et me rendre au temple. Ce soir, j'aurais un discours à prononcer la fin de la cérémonie des coupes. Je pressentais que nos résultats seraient médiocres. J'espérai une seconde place. Mais la troisième me semblait malheureusement plus réaliste. Le choix des sénateurs revenaient à mes prêtres. Pour ma part, mes consignes étaient clairs. Usant de mon pouvoir de veto, j'interdisais à tout prêtre le droit d'accorder un siège à un sénateur voulant son quatrième mandat.
Le quatrième mandat était très important dans la carrière d'un sénateur. Il ouvrait ou refermait définitivement les portes du Sénat. Lors de la candidature à ce mandat, le sénateur ne doit pas se contenter d'une nomination. Quatre prêtres, un de chaque grand temple, doit lui accorder son consentement. Et ce pouvoir là, je refusai de le déléguer. Trop d'erreurs avaient été commises par le passé. Venus avait cette aura de manipulatrice qui lui collait au corps. Et nous avions donc peu de sénateurs à nommer. Nous avons alors fait des choix regrettables. Je savais précisément qui j'allais virer du sénat et qui j'allais nommer. Mes choix étaient scellés depuis peu de temps.
Ma main se détachait de l'arbre. Dans ma précipitation à fuir les sénateurs, je m'étais trompé de chemin et me retrouvai à l'entrée d'une impasse où une femme déjeunait. Réalisant mon erreur, j'allais faire demi-tour sans l'importuner. Mais je vis son visage. Valentina Aquilius, l'épouse du nouveau préfet ! Quelle surprise ! En ce jour, je l'imaginais courir partout et donner les dernières directives à ses androïdes, je l'imaginais prendre soin de son époux. J'allais quitter les lieux, mais elle me remarqua. La bienséance imposait désormais que je la salue.
Je m'approchai d'elle, mais j'en éprouvai du plaisir. Ce n'était un tâche fastidieuse que je me contraignais à faire pour la bienséance. Bien au contraire. Valentina Aquilius et son époux étaient deux nobles romains que j'admirai. Je suivais leur destinée, même si nous ne nous étions jamais rencontrés.
-- Valentina Aquilius, quelle surprise de vous voir ici ! Permettez-moi de vous saluer ! Promis, je ne troublerai pas plus ce dernier instant de repos.
Je m'approchai d'elle et tendait ma main gauche, paume vers le bas pour qu'elle m'offre la sienne. Mes lèvres s'approcheraient de sa peau et mimerait un baiser à quelques centimètres d'elles, sans la toucher.