Le soleil ternissait à l’horizon de la cité romaine quand Elena se rendit au marché. La plupart des gens y allaient en cours de journée ou, mieux, dès le début de la matinée mais ce n'était pas son cas. La jeune femme préférait éviter la foule et vu ses différents emplois, elle n'avait pas beaucoup avant la fin de journée. Elle commençait à travailler bien avant le lever du soleil. Certains de ses patrons ne voulaient pas la voir en journée, après leur réveil. Elle se devait donc de faire le ménage de la maisonnée très tôt. Ensuite, les autres maisons ou appartements s'enchaînaient sans qu'elle n'ait le temps de reprendre son souffle. Ce n'est qu'à la fin de journée, qu'elle était plus libre.
Les payes de sa journée dans sa bourse, elle arpentait le marché. La plupart des marchands ramassaient leurs étals. Il ne restait plus grand chose comme souvent mais cela avait un autre avantage. Pour se débarrasser du reste de leurs produits, les marchands soldaient pour pas grand chose leurs produits. Chose qui tombait plutôt bien vu que la paye journalière était bien loin d'être fabuleuse. Quelques pièces tout au plus dont le maximum devait être ramené à la maison sous peine de se faire crier dessus aussi bien par sa mère que par son beau-père, être à qui elle ne souhaitait pas vraiment penser autant que possible.
Vêtue d'une tunique bleu claire délavée qui lui arrivait au-dessus des genoux couvrait un pantalon en toile fine assez semblables aux braies gauloises de l'ancien temps. Le pantalon aussi avait connu des jours meilleurs sans compter qu'après une journée de travail, il apparaissait plus noir que blanc. Pieds nus, la jeune femme aux cheveux blancs traversait les allées pour rejoindre le marchand de pain. Ses cheveux étaient tressés comme à son habitude mais quelques mèches s'étaient échappés de sa coiffure à cause de l'effort du travail. Pour maintenir sa coiffure, elle avait mis une barrette dorée dont le camé central représentait de multiples flammes. La barrette ne lui appartenait pas. S'étant levée en retard, elle avait farfouillé dans une petite boite appartenant à sa mère pour trouver une barrette qui pourrait remplacer celle dont elle n'arrivait pas à mettre la main dessus. Elle fit léger sourire au boulanger qui n'avait quasiment plus rien dans ses casiers.
- Bonsoir monsieur. Est-ce que vous auriez quelques restes de pain ?
L'homme connaissait bien la jeune femme pour la voir régulièrement. Il n'avait rien contre elle mais comme beaucoup ses cheveux et ses yeux avaient tendance à le déranger. Le boulanger renifla avant d'aller chercher une caisse avec quelques pains brûlés dedans.
- Deux sous pour les trois ?
C'était cher pour ce que c'était mais il y avait à manger pour trois, bien plus que si elle avait acheté du pain frais et blanc. Elle hocha la tête et tendit les pièces à l'homme qui lui donna les pains en question. Une fois le brûlé enlevé, il devrait y avoir assez à manger pour tout le monde. Elle se rendit ensuite vers un des vendeurs de fruits et légumes. Celui-là était bien moins amical que son comparse.
- Encore toi !
Elena hocha la tête. Elle osait à peine formuler ce qu'elle souhaitait.
- Vous auriez des fruits ou des légumes pas...
- Dégage ! J'ai rien pour toi !
- Mais je peux payer. J'ai quelques pièces.
- M'en fiche. T'as qu'à taper dans les fruits pourris là-bas. Fiche-moi le camp maintenant.
Eléna se rendit à l'endroit indiqué. Un espèce d'amoncellement de fruits et légumes et d'autres choses encore dans un très mauvais état. Quelques animaux traînaient autour. La jeune femme les chassa avant de s'agenouiller pour essayer de trier ce qu'elle pourrait peut-être ramener. Après une bonne demi-heure, elle abandonna. Sa tenue était encore pire qu'en arrivant au marché et elle n'avait finalement trouvé que trois oignons et une pomme de terre à peu près consommable. Elle entendait déjà les cris à la maison. Mais c'était mieux que rien. Si au moins sa mère la laissait acheter quelques produits frais de temps en temps, ils mangeraient tous mieux. Elle surtout. Dépitée, le regard encore plus triste que d'habitude, Elena commença à faire demi-tour. Elle allait devoir retraverser tout le marché pour atteindre les rues menant aux bas-quartiers de la cité.