Alpharius ne sembla pas avoir extrêmement bien pris le fait que je lui demande d'éviter ce genre de remarques... Bon, il fallait avouer qu'objectivement je l'avais un peu envoyé se faire voir de façon trop brutale. J'avais juste flippé d'un coup, que cette histoire de "gage" ne puisse provoquer des problèmes, et peut-être avais-je pris peur pour rien. Ma réaction avait été excessive en tout cas, c'était évident. Je l'observai donc une fois qu'il eut fini de s'exprimer, lui disant avec une mine qui veut aussi dire "désolée" :
- Merci.Restait à voir s'il comprendrait... De toutes façons nous aurions peut-être l'occasion d'en discuter plus avant une autre fois. De nombreuses questions concernant l'endroit d'où ils venaient s'étaient formées dans ma tête... Une usine souterraine. S'il s'agissait du même type de bases souterrains, parsemées à travers l'Europe, que celle dont venait la Citadelle, cela voulait dire que ma vie pourrait devenir bien plus simple. Il me suffirait de quitter Rome, et d'utiliser le matériel enterré pour reprendre le projet... J'étais seule, maintenant, donc je n'aurais pas besoin d'un immense croiseur spatial. Un petit transport monoplace suffirait, ce qui réglait du coup le problème de l'énergie requise.
Je revins en tout cas à Isaa, haussant les épaules quand elle parla de l'apparence et de l'odeur de la nourriture. C'était vrai, mais on ne mangeait pas non plus des trucs gluants et bizarres qui ne ressemblaient à rien, la présentation avait son importance. Quoique... Dans un sens, certains "plats" que nous avions pourraient surprendre un étranger. Tiens, rien que les bulots, il ne s'agissait au fond que d'escargots de mer gluants, mais délicieux et considérés comme un mets excellent. Donc en fait, si, on mangeait des trucs gluants et bizarres.
Elle demanda alors si j'avais des exemples d'art, sur la tablette. J'en avais, et lorsqu'elle évoqua le fait de l'utiliser pour des choses plus importantes, je hochai la tête dans un signe négatif.
- Oh, non du tout. C'est un appareil de petite taille, il consomme donc très peu d'énergie. Et honnêtement, je pense qu'au point où on en est, on peut se tutoyer... ajoutai-je alors d'un air nonchalant, tout en récupérant l'appareil électronique.
Enfin, j'adorais l'art, mais j'étais incapable d'en produire, à part la musique. La machine afficha alors une image de la Terre prise depuis l'orbite, une photographie envoyée lors du dernier passage de Genova au dessus de Rome. Je passai à autre chose, démarrant à la place une vidéo sur laquelle j'étais visible. C'était avant que mon corps ne soit mécanique, donc cela datait de plus de 500 années. Plus exactement cela remontait à 507 années, j'avais pile 20 ans. La seule différence notable entre moi maintenant et moi à l'époque était la cicatrice qui courait sur la droite de mon visage, allant du dessus du nez jusqu'au bas du menton, en passant juste à côté de l’œil ainsi que sur la bouche. A l'époque, j'avais aussi les cheveux
d'un rouge sombre assez peu sobre, coiffés de manière compliquée avec plusieurs pinces et élastiques.
J'étais face à un instrument de musique, un clavecin plus précisément, jouant
une mélodie rapide et complexe avec un air totalement pris dans ce que je faisais. Je laissai tourner la vidéo une minute à peu près avant de finalement la couper, doutant fort que ce genre de choses intéresse vraiment mes hôtes.
- Enfin on ne va pas y passer une heure, mais tiens... Anecdote amusante, cet instrument, c'est la première chose que j'ai tenté de fabriquer en arrivant ici. Pas une arme, ni une armure, ni un gadget technique. Cet instrument. Je dois aller voir un forgeron demain, pour qu'il me fasse les cordes. Enfin... Concernant l'art plus "iconographique", cela dépend de ce que vous préférez. Il y avait à peu près autant de thèmes que d'artistes... Cela pouvait aller de choses très abstraites... démarrai-je en montrant quelque chose d'effectivement très étrange, des formes s'entrecroisant dans des tons tantôt métalliques tantôt naturels.
Le but est en général d'exprimer quelque chose de complexe, mais je dois avouer que je ne suis pas experte en analyse de l'art abstrait. Il y avait aussi des choses plus concrètes, continuai-je en affichant cette fois-ci des peintures et photographies en tous genres. Parfois de la nourriture, parfois la Citadelle ou une scène de celle-ci, parfois une femme ou un homme.
Les horreurs que je commettais, en matière d'art pictural, étaient plus dans ce style-là, conclus-je alors avec un sourire amusé.