par Katla Buskvej le 08 Juin 2013, 23:33
Ah, il aimait parler... C'était clairement un politicien. D'un autre côté, moi aussi je parlais pas mal, et j'allais encore le faire. Peut-être était-ce le propre des personnes qui aiment le pouvoir... Aimer s'entendre parler. Car malgré mes beaux discours sur le bien commun, même si je ne cherchais pas le pouvoir, je cherchais en tout cas à contrôler les situations dans lesquelles je me trouvais. Je ne laissais pas de place à l'erreur, j'intimidais mes interlocuteurs avec ma force ou mes gadgets technologiques si besoin, mais je ne voulais pas perdre le contrôle d'une situation. C'était trop arrivé par le passé, d'ailleurs...
Mais dans le cas présent, clairement, je n'étais pas en position de force. Mettius était plus malin que la moyenne romaine, et il n'avait pas l'air très impressionné. Pourtant, voir les doigts de quelqu'un se transformer en griffes de métal, en général, ça surprenait, mais il était différent du péquenaud moyen, sans aucun doute. Il était du coup plus dangereux encore que je ne l'imaginais au départ... Passer un accord avec lui risquerait fort d'être un suicide. Mais je ne savais pas comment le contrôler, comment avoir l'assurance qu'il ne me trahirait et tuerait pas dès que l'occasion se présenterait ou dès que ça serait "rentable" pour lui. Il serait bien du genre à me mettre la "disparition" de sa femme sur le dos, par exemple, si la vérité devait être révélée. Je n'aimais pas ça.
Il voulait jouer franc-jeu ? Soit.
- Bien... Prenons les choses une par une. D'abord les incohérences dans mon programme, non. En fait, tout ce qui est programmé est toujours parfait. Les machines font ce qu'on leur demande de faire, à la lettre, dans un ballet idéal, optimisé... Comme je le disais, parfait, donc. Non l'incohérence vient comme toujours de la partie humaine. Disons qu'avec l'âge, mes... pulsions deviennent parfois difficiles à contrôler et influencent mon comportement. Surtout après une trop longue période disons... de "calme".
J'observai de nouveau l'extérieur, la ville qui était plongée dans le noir. Cette vision me déprimait un peu plus chaque fois, mais me laissait aussi pensive. Était-ce à ça que l'humanité était condamnée ? Vivre dans de la pierre, et dans le noir ? Je fronçai les sourcils, attrapant la tablette et projetant une image. Il s'agissait une nouvelle fois des deux géants d'acier, les titans de 200 mètres de haut, qui protégeaient la Citadelle. Les deux tiraient sur des vagues de soldats ennemis, les tuant par paquets de 5.000, éclatant des collines d'un coup et les transformant en champs de lave, écrasant les adversaires comme s'ils n'étaient que des acariens négligeables.
- Concernant vos pouvoirs, ils ne m'impressionnent pas pour plusieurs raisons. Je ne les sous-estime pas. Je sais qu'avec vos pouvoirs divins, certains d'entre vous pourraient me tuer ou me détruire totalement. Mais je sais aussi quelles sont leurs faiblesses. D'abord, ils sont donnés par les dieux. Rien que ça devrait vous laisser penser que se reposer dessus est une idée stupide. Vous le savez, c'est pour ça que vous voulez développer de la technologie. Car si vos pouvoirs ridicules vous permettent de transformer l'eau en vin ou tuer une femme comme moi, ils ne vous permettront pas de vous défendre contre cinq millions d'ennemis. Sans compter qu'ils sont contrôlés par les dieux, qui peuvent donc tout à fait décider de les retirer si l'envie leur prend... Vous laissant ainsi sans défense, sans ces si précieux "pouvoirs" que vous aimez tant et sur lesquels vous vous reposez excessivement. Et comme je le disais, ils ne vous permettront pas de vous défendre, si le peuple qui a détruit ma ville s'abat sur la vôtre. Ils sont plus avancés et plus nombreux que vous.
Je désactivai alors l'image, souriant en coin et fixant le prévôt... ou le prélat... ou le... c'était le consul je crois. Enfin quelque chose de ce genre. Bref, je le fixai du regard en tout cas.
- Sauf si les dieux interviennent... Si les dieux sauvent Rome, le peuple sera impressionné, ce qui l'asservira plus encore dans ces stupides prières. Je pense que c'est aussi pour ça que vous avez besoin de moi. Si je donne au peuple de Rome les moyens de se défendre par eux-mêmes, alors les dieux perdront un petit peu de leur "aura de puissance". Ils seront moins utiles. Pourquoi prier Minerve, si l'on peut se défendre sans elle ?
Je me déplaçai de nouveau après avoir reposé la tablette, et attrapant le verre de vin pour en boire une gorgée avec une mine pensive. Pour le moment je n'étais pas convaincue, pas totalement. L'aider présenterait des risques, parmi lesquels se faire trahir par ce type... Mais qu'y gagnerais-je ? Quel dommage que ces choses-là ne soient pas quantifiables par de simples chiffres que l'ordinateur pourrait calculer de façon froide et méthodique... Ce serait tellement plus simple.
- Un siècle de différence ? Vous êtes mignon. Techniquement, nous avons 3.000 ans de différence. Socialement... Probablement autant. Mais vous avez raison, je ne comprends rien à Rome et je suis sur un terrain de jeu qui m'échappe totalement. Mais je ne m'adapte pas au terrain, s'il me déplaît. J'adapte le terrain. Vous voulez de la technologie ? Vous en aurez.
Un terrain de jeu qui m'échappe... Oh, bientôt ce terrain de jeu serait pris par la grandeur de la révolution industrielle, s'élèverait dans de grandes tours de métal, la natalité serait multipliée par six, mon plan était bien en place. Les dieux rendaient stériles ceux qui ne prient pas ? Soit. Je comptais recréer la Citadelle, malgré cela, juste à côté de Rome, et laisser Rome telle quelle. Comme je l'avais promis à l'androïde brune et bizarre qui m'avait accostée. Pas de technologie pour Rome. Elle serait concentrée à quelques kilomètres dans une autre ville, stérile. Mais Rome servirait de réserve d'enfants. Les plus prometteurs et intelligents seraient élevés au sein de cette deuxième Citadelle, deviendraient les génies du futur, et deviendraient stériles... Pour être remplacés par d'autres enfants nés dans ce magnifique élevage d'humains que serait Rome.
Voilà ce qu'ils représentaient pour moi. Mon futur cheptel. Celui qui me permettrait finalement de quitter cette planète d'imbéciles. Les Kohriens m'avaient arraché la seule chose qui me donnait le courage d'avancer... Hé bien non. Je comptais continuer malgré tout, peu importent les moyens.
- Pour cela il y a plusieurs choses. D'abord, il ne faut finalement pas toucher à Alpharius. J'ai su adapter la situation en ma faveur, et s'il lui arrive quelque chose je vous arrache les deux bras. J'en ai besoin pour le moment. Ensuite, j'aurai besoin de neuf tonnes de minerai de fer, onze tonnes de charbon, de l'argile, et des androïdes pour m'assister. Cela me permettra de créer un acier de très haute qualité qui sera la première étape vers un avancement technologique plus... sérieux disons. Enfin, pour éviter que mes... soucis pulsionnels n'affectent mon travail, je veux un certain nombre d'hommes à mon service le plus total. Plusieurs différents pour éviter l'ennui. Humains. Les androïdes ne m'intéressent pas. Ils devront être aussi doués que possible, ne me refilez pas vos vieux malades ou vos gamins inexpérimentés.
Je retournai alors m'asseoir, l'air plutôt tranquille.
- En échange vous aurez ce que vous voulez. Je m'occuperai de Varro au mieux, et j'ai déjà des idées pour réduire le nombre de prières reçues par Minerve. Je ne connais en effet pas Rome et sa politique, mais je connais des techniques politiques inconnues à Rome. Je peux aussi transformer la technologie en quelque chose d'apprécié des romains, donner des inventions simples mais qui rendront leur vie plus confortable, plus agréable, qui augmenteront encore plus votre popularité sans pour autant augmenter celle des dieux.