par Katla Buskvej le 16 Mai 2013, 21:31
Et il répondit. Ah, ça, il aimait bien parler. Ceci dit, je n'allais pas lui reprocher, j'étais un peu du même genre à faire de lonnngues phrases détaillées pendant trois minutes de suite. Il aurait pu dire la même chose, en seulement une trentaine de mots, mais il avait fait le choix d'user d'un langage différent, plus coloré, plus précis, afin de transmettre avec précision ce qu'il voulait dire. C'était une bonne nouvelle, ou une mauvaise, selon. La bonne nouvelle était qu'un vrai imbécile zélote ne faisait pas ça. Il se contentait de communiquer le strict minimum... Je n'étais donc pas face à une sorte de monomaniaque psychotique, contrairement à ce que je pensais suite à notre première rencontre.
Néanmoins, le fait qu'il soit intelligent le rendait 100 fois plus dangereux encore, s'il était hostile. Cela n'avait pas l'air d'être le cas pour le moment, et au fur et à mesure qu'il s'exprimait, je quittai progressivement ma posture très défensive et mon air méfiant, pour adopter une attitude plus détendue. Bon, je n'étais pas encore en robe de chambre avec lui, dans un fumoir, avec un monocle, en train de discuter de nos haut-faits quotidiens, de nos trophées de chasse, et des nouvelles dans le journal, évidemment...
Au pire, j'avais ma lance, collée au bas du dos, juste au dessus du fessier, par les deux verrous magnétiques. Je n'étais pas vraiment certaine qu'elle soit efficace, mais si la situation dégénérait, cela ne me coûterait rien de tenter.
Une fois qu'il eût terminé de parler, me tendant la pièce et la pomme, j'attrapai cette dernière d'un geste assez vif avant de croquer dedans... Et de m'arrêter immédiatement avec une expression d'horreur presque ridicule. Et s'il avait foutu du poison dedans ? Nan... Mon estomac artificiel n’intégrerait pas les produits chimiques dangereux classiques, comme la ciguë ou le cyanure. Mais... Et s'il avait quelque chose de plus violent ? Tant pis. Il me fallait des sucres et rapidement. Je mâchouillai donc un moment sans rien dire, avant de finalement avaler le précieux morceau de fruit et reprendre la parole.
- Première chose... Je suis quelqu'un de très distingué. Venant de quelqu'un qui vient de parler de "troncher" quelqu'un, ce n'était pas crédible j'avoue. Mais quand je suis énervée, je deviens grossière. Quand j'ai faim, je deviens vulgaire. Et quand je ne me suis pas envoyée en l'air depuis plus de 4 mois, le romantisme devient une notion très vague. Maintenant, vous parlez, élégamment dis-je avec un ton sarcastique, de "copuler" avec Isaa ce qui me laisse penser que vous êtes au moins aussi poète que moi. Mais je dois préciser qu'elle n'a pas 400 ou 520 ans comme vous ou moi. Elle CROIT VRAIMENT qu'elle est amoureuse de vous. Je ne dis pas qu'il serait impossible d'être amoureuse de vous, chacun a ses raisons... Mais on ne tombe pas amoureuse après 10 minutes de conversation et un coup de zizi, si vous me passez l'expression. Et je sais, la façon que j'ai de le dire n'est pas du tout classieuse. Parce que ça m'énerve. Vous nourrissez son fantasme d'adolescente, et c'est mauvais pour elle et pour son développement. Maintenant, pour ce qui est de surestimer ma résistance structurelle et de votre "talent d'acteur"...
Je disais "talent d'acteur" avec un ton de reproche assez lourd. Il avait fait exprès d'être un idiot fanatique ? C'était fort probable, son discours actuel n'avait plus rien à voir avec celui qu'il avait tenu quelques semaines plus tôt dans la décharge.
- Je viens d'une culture où tout se dit directement, où la transparence est totale. Nos cerveaux étaient reliés entre eux à longueur de journée. Donc quand quelqu'un me dit "A genoux catin où je te tue", si je me mets pas à genoux je pars du principe qu'il va tenter de me tuer, point. C'est pour ça que je suis nulle en politique, d'ailleurs. Alors oui, je suis allée voir cette enflure de Mettius pour vous faire exécuter publiquement et faire de vous un exemple, mais c'est pas de la politique, ça, c'est de la survie. La moitié de Rome essaie de me descendre, et contrairement à ce que vous prétendez, vous n'êtes PAS un oiseau de proie primitif. Votre lame, là... Elle n'a rien à voir avec ce qu'il se produit à Rome, ne me prenez pas pour une imbécile. Elle est passée au travers de métaux qui ont 3000 ans d'avance sur la technologie romaine et qui résistent à des rochers de deux tonnes et au vide spatial sans broncher.
Je haussai alors les épaules, ajoutant :
- Enfin, de toutes façons la demande d'exécution est annulée, conformément à ce que j'ai dit à Isaa, qui s'est pourtant empressée de vous le dire, on dirait. Au moins ça montre la confiance qu'elle a en moi, je sais à quoi m'en tenir maintenant et je sais qu'il ne faut faire confiance à personne. Ah, et votre histoire de "je ne suis pas votre égal sur bien des points", hein, hé, ho... Je sifflai alors l'air de dire "on va arrêter". C'est bon, quoi. Oui, je suis hautaine, envers les fous qui attaquent sans prévenir. Si j'ouvre un androïde en morceaux, et qu'on me dit "Attention, c'est interdit", hé ben voilà, je vais dire "pardon", et je vais arrêter, je suis pas une barbare, puis je vais demander "pourquoi" histoire de comprendre pourquoi il ne faut pas ouvrir des androïdes. Et si un type me demande pourquoi j'ouvre des androïdes, ben je vais lui expliquer, ça ne coûte rien et avec de la chance ça le rendra curieux. Mais si on me saute dessus sans préliminaires, forcément...
Je fronçai alors les sourcils, prenant non plus un air méfiant mais très provocateur. C'était un risque. Un gros risque. J'avais l'air de faire la maline, là, mais je savais très bien que s'il réagissait mal, ça pourrait se terminer d'une façon peu appréciable... Surtout pour moi.
- Et en parlant de préliminaires... Faites attention avec votre petit numéro de séducteur... Les courbes, les sublimes yeux... Parce que moi, il ne faut pas m'en promettre... Continuez et j'arrache votre armure comme si c'était du papier et je vous montre ce que c'est que la "copulation", comme vous dites, brutale et vulgaire. Je vous écraserai, je vous utiliserai comme un objet remplaçable sans hésiter à vous abîmer si ça peut me procurer le moindre excédent de plaisir... Je vous userai jusqu'à ce que je sois satisfaite ce qui pourra prendre un sacré moment... Et quand j'en aurai fini vous ne saurez pas si vous êtes maudit car ce moment est terminé, ou si vous avez honte d'être allé aussi loin dans l'avilissement et la débauche...
Bon je m'emballais un peu là. Il fallait VRAIMENT que je m'occupe de ce problème, où je finirais par aller trop loin et m'attirer des emmerdements. Je laissai en tout cas de côté le côté perverse provocatrice l'espace d'un instant, affichant un sourire un peu plus normal avant de reprendre d'un ton plutôt enjoué.
- Bon ! Cette histoire de nourriture et de bain parfumé, là, parlons-en un peu.
Je savais qu'une attitude agressive n'arrangerait pas la situation, j'avais donc décidé de laisser mon côté épicurien s'exprimer pour le moment. J'étais au courant que c'était un coup de poker. Il existait une chance pour qu'il décide de m'attraper et de m'endommager une nouvelle fois, peut-être de façon fatale... Mais si je m'enfuyais, la situation n'évoluerait pas. Et s'il existait une possibilité pour que je n'aie plus besoin de Mettius, je devais la saisir.