par Nero Horatius le 27 Mars 2013, 14:25
Assis face à Euterpe, je la contemple avec des yeux emplis de tendresse, d’amour, tandis que je tente de lui apprendre à jouer aux échecs. L’exercice est plutôt difficile. Ceux qui s’imaginent les androïdes naturellement doués dans tout ce qui concerne la logique, la réflexion peuvent revoir leur jugement. Les machines, à apparence humaine, nous imitant à la perfection, sont comme nous, humains. Chacun est différent, chacun possède son caractère, un vécu, des expériences qui lui sont propres. Une moue boudeuse apparaît sur son visage et je ne peux m’empêcher de rire, toujours autant amusé par ses mimiques délicieuses à contempler. Elle est ma bouffée d’oxygène, mon rayon de soleil. A la lueur des lampes à huiles et autres torches qui illuminent mes quartiers d’une douceur lueur, son visage resplendit d’avantage de beauté, de douceur, de grâce. Euterpe, petite fille magnifique, appelée à partager ma vie, à me redonner goût à la vie. C’est peut-être là sa véritable fonction, mission…
"Euterpe… tu n’as pas le droit de bouger ta tour ainsi… uniquement ainsi"
Ma main se dépose avec délicatesse, sensualité sur la sienne, et je l’invite à déplacer sa pièce en lui faisant suivre les mouvements autorisés par la nature de celle-ci. J’ai toujours adoré jouer aux échecs. Je crois que ce goût, passion, doit être l’un des seuls venus de mon ancienne vie, hérité de mon père. Je l’observais longuement, caché dans la maison, lorsqu’il passait de nombreuses heures à jouer avec d’autres sénateurs, invités de prestige, tout en demeurant silencieux. Il ne m’a jamais appris à jouer, j’ai uniquement passé de longues heures à regarder, mémoriser, imiter. Lentement, je porte la main d’Euterpe à mes lèvres, y dépose un doux baiser, puis, un sur chacun de ses doigts…
"Tu retiendras ?"
Mes yeux se plongent dans les siens, alors que je lui dévoile un sourire chaleureux. Et alors que je m’apprête à reprendre la parole, désireux de m’assurer qu’elle veuille continuer de jouer, ou de savoir si elle en a assez pour ce soir, j’aperçois une entité vaporeuse glisser à travers le mur dans son dos, venant jusqu’à notre table. Un échange de regard, qui me provoque frissons et mal être, et celle-ci disparaît aussitôt…
"Il se passe quelque chose dans le Temple. Attends-moi ici Euterpe, je reviens vite."
Le masque de fer disposé sur son présentoir retrouve rapidement sa véritable place, sur mon visage. Les appartements sont rapidement quittés et alors que je me dirige vers le grand hall du Temple, là où les adeptes sont accueillis, j’entends, perçois des paroles qui ne me plaisent guère. Comment une femme peut-elle interpeller ainsi notre dieu, en sa demeure bénit ? Stupidité ou folie ? Une chose est certaine, je ne puis absolument pas tolérer cela. Pire encore, c’est un affront, une provocation sans nom, un crime qui ne saurait demeurer impuni. La colère s’empare de moi. Je connais Pluton, je l’ai rencontré, parlé, je sais combien il n’appréciera pas cette esclandre…
"Pauvre idiote… tant pis pour toi."
D’un pas vigoureux, énergique, je fais à mon tour mon entrée dans ce hall, marchant à vive allure, presque au seuil de la course, observant du coin du regard, la prêtresse Nox allonger une femme sur un autel, visiblement blessée. Quelques secondes plus tard, je me tiens devant cette femme, dont la tenue souillée de sang, laisse à deviner la raison de sa présence ici. Mais avant que je ne prenne le temps de lui adresser la parole, mon bras se tend et ma main vient gifler violemment, avec force sa joue. Je n’aime pas frapper les femmes, je ne suis en rien un misogyne, macho, ou homme de la pire espèce. Mais ici, c’est un Temple, sacré. Je ne peux permettre qu’on parle ainsi en ce lieu saint…
"Espèce d’idiote ! Comment oses-tu parler ainsi en ce lieu bénit ?!"
Mes mots sont littéralement crachés. Et la colère qui semble déborder de mon masque n’est en rien atténuée par le coup prodigué juste à l’instant. Mes yeux semblent vouloir terrasser la femme qui se tient devant moi…
"Venir blasphémer dans son propre Temple ! Ton acte mérite le pire des châtiments !"
Je suis littéralement hors de moi. Le châtiment que j’envisage en cet instant dans mon esprit n’est autre que celui du sacrifice. Offrir l’âme, la vie de cette femme à Pluton lui-même, en une cérémonie publique, démonstratrice, affirmant à la fois la puissance de Pluton, mais aussi visant à avertir les autres idiotes et folles de Rome qu’on ne peut venir ici, impunément, provoquer Pluton sans en payer le prix…
"Oh toi Pluton, dieu des enfers, protecteur de nos remparts… toi qui par les ténèbres, guident nos âmes sur tes chemins… guide mon esprit, ma pensée pour exprimer ta volonté. Laisse parler ton courroux envers cette blasphématrice !"
La blessée dans tout cela ? Strictement rien à faire. Nox semble demeurer à son chevet…
"Tu es stupide au point de ne pas savoir qu’ici, nous soignons les âmes, pas les corps… Il fallait aller insulter Jupiter plutôt, pour guérir ton amie. Puisse Pluton lui réserver une place de choix dans les limbes, tandis que tu l’y rejoindras bientôt."