Elle me surprit en s’approchant de moi et en lissant le col de mon décolleté. Elle ne m’avait guère habituée à tant de proximité. Je l’écoutai et approuvai sa remarque, nombre d’hommes ne savaient résister à une séductrice. Et il en était de même pour certaines romaines. Mais comme toute chose, je préférais être la marionnettiste et attirer, utiliser sans toutefois me prostituer. La limite était ténue, mais je l’avais clairement définie et ne franchirait pas cette frontière. De toute façon, ma fidélité envers mon Dieu et celui qui m’aime demeurerait à jamais sans faille.
Après avoir incité Shae à plus d’efforts quant à son pouvoir et avoir discuté de Julia, elle me demanda le nom de ses familles qui se mourraient.
« Melusine... Oui, tu penses bien que j’ai déjà approfondi le sujet. »Je souris doucement à Melusine. J’avais bien aimé sa question sur le nom de ces familles. Elle devait se douter que j’avais déjà commencé mon enquête, avant même de lui en avoir parlé. Mais sa phrase me bouleversa. Elle parla de lui, de ... de mon ... de mon Tempus. Je vacillai, je chancelai. Comment savait-elle ? Qui lui avait dit ? Je perdis mes moyens et m’appuyai des deux mains sur la méridienne pour ne pas tomber. Que devais-je répondre ? Que devais-je faire ? Je m’étais jurée d’assassiner quiconque découvrirais ma relation. J’avais déjà fait fondre trois androïdes pour cela et condamner une prostituée humaine de Tempus.
J’inspirais profondément pour reprendre contenance. À jouer dans la cour des grands Decima, on rencontre des hommes et des femmes puissants ! J’en fis l’amère expérience.
Une étrange colère prenait possession de mon corps. Je n’avais jamais perdu mon self-control auparavant. Cette qualité me permettait de toujours réagir avec étonnement au Sénat. Et là, je perdais mes moyens. Je m’en voulais.
« Il est le conseiller du prélat et deviendra mon conseiller quand je serais prélat. »Elle ne voulait pas de cette réponse et je le savais très bien. Mais cela donnerait du grain à moudre aux espions du temple et à Shae. Je m’approchai de Melusine, je plaçai ma bouche très proche de son oreille réalisant que personne n’avait du se trouver si proche d’elle. Dans un murmure, je répondis plus profondément à sa question...
« Je l’aime Melusine et ... il m’aime... »J’avais l’air d’une cruche là ! Tu t’es vue Decima ? T’as l’air conne là. Je l’aime, il m’aime, bla bla bla...
« Je sais, j’ai l’air naïve... Mais... »Si tu lui révèles ton secret, tu es morte Decima... Chut... Je tus mon secret et ne lui révélai pas qu’il était impossible de me mentir. Quand Tempus m’avait déclaré sa flamme, j’avais lu la vérité dans ses yeux. Je poursuivis quasiment en silence.
« Même nommée prélat je ne l’épouserai pas, personne ne doit connaître notre liaison. »J’avais tout dit en un sens et je désirais changer de sujet. Je ne mentais pas. Je reculai et regardai son visage. Je ne me livrerais pas plus et pensais sincèrement qu’elle comprenait mon choix.
« La famille Demetter, Melusine ! »Oui bon... Je n’avais pas été adroite dans ce changement de sujet. Mais tant pis !
« Certains prêtres prétendent que les dieux nous punissent. Mais entre nous, pourquoi les prêtres de Jupiter ne parviennent plus à soigner ? Je ne crois pas en leur incompétence. J’ai confiance en Jupiter. Ses potions nous ont toujours permis de nous soigner. Je suis convaincue que les prêtres conspuent. Demetter, fervent opposant au joug des androïdes se meurt étrangement. Brabus qui râlait toujours au Sénat a abandonné son poste pour rester au chevet de sa femme mourante. Occor meurt soudainement d’une maladie sexuelle. Alors certains te diront qu’ils ont tous des ennemis qui pourraient comploter. Évidemment Mettius se retrouve aussitôt en tête de liste des suspects. Jusque là, je n’avais pas réagi. Et puis j’ai découvert un point étrange. Il s’agit d’une petite fille. Mettius a proposé de payer un an de soin contre une androïde. Tu connais son amour des belles chairs. Bref, ça m’a mis la puce à l’oreille.
De nombreux prêtres de notre culte sont allés à son chevet. Leurs diagnostics divergent tellement que cela en devient insultant pour le Temple. Et aucun ne parvient à la soigner, évidemment. Selon les prêtres, la maladie serait rarissime. Alors, dans le doute, j’ai convoqué une jeune adepte de Pluton. Son diagnostic est direct, on peut la soigner en deux coups de cuillères à pot. »Je m’emportais légèrement, je m’étais relevée et regardais la ville de Rome à mes pieds. Ô pouvoir que j’aime te sentir.
« Te rends-tu compte Melusine ? Te rends-tu compte de cette affreuse conclusion ? »Pour une fois, la politicienne ne parlait pas. C’était moi, la perfectionniste Decima Fanius Severa qui m’enflammait.
« La première venue de Pluton pourrait ridiculiser le temple. Désolée si je suis cynique, mais Jupiter est aussi prié parce que dans sa bonté, il soigne le peuple. Demain, si Pluton endosse ce rôle, son culte nous remisera au placard.
Et pourquoi ? Parce que notre culte conspire avec certaines têtes pensantes qui sélectionnent ceux qui doivent vivre et ceux qui doivent mourir. C’est une trahison envers Jupiter. Je veux leur faire payer. Mais si cela se sait, c’est Jupiter et notre culte qui vont être éclaboussés. Alors, je cherche des solutions. Voici mes propositions ! »J’étais écarlate, j’avais chaud et je ne savais pas expliquer cela... Ce n’était pas la colère, il y avait autre chose. Je ressentais des picotements dans tout mon être. Mes doigts me brûlait, ma chair se consumait de l’intérieur. Je pris un verre d’eau et le but d’une traite. Le calme revenait, je devais me calmer. Je n’avais pas le droit de m’enflammer de la sorte. Je soufflais profondément et inspirait. Pour la première fois de ma vie, j’allais me livrer. Je me livrais encore plus qu’avec l’homme que j’aimais. Si Melusine me trahissait, demain, je serais dévorée dans l’arène. J’inspirai.
« Melusine ...»Je soupirais profondément. Je sais qu’elle n’aimait pas trop les contacts. Mais je pris sa main, car j’en avais besoin pour me confier à ce point. Je commençais par le point le plus simple.
« Demain matin, je veux être invitée à la messe et je veux que tu diriges la cérémonie... »Mes propos ressemblaient à des exigences. J’en étais navrée, mais Melusine me comprendrait sans aucun doute.
« Nous allons parler de cette petite fille et inviter toute l’église à prier pour elle. Je demanderai une minute de prière au Sénat également. Je souhaite que tu m’invites pour être au centre de ces soins. Nous allons tous prier pour elle. Et quand Alitheia aura soigné la petite, on pourra dire que nos prières n’y sont pas étrangères. Mais j’ai une autre proposition... »À nouveau mon coeur s’emballait. Mais que m’arrivait-il bon sang ? Je regardais ma main libre. Elle rougissait et devenait étincellante. Qu’était-ce donc ? Je libérais la main de Melusine et ne comprenait pas. Je reculais...
« Melusine. Je veux... Je ... pense qu’il faut ... Je ... »Mes mains irradiaient... Je lâchais de nouveau celles de Melusine pour ne pas la brûler... Des morceaux de tissus de ma robe commençait même à noircir...
« Les assassiner ! Les assassiner tous ! La même nuit ! Mais j’ai peur... Jupiter a choisi ses prêtres. Que dois-je faire ? Estimer qu’Il leur a donné sa chance, qu’ils ont bafoué le Culte, qu’ils L’ont trahi ? Ou bien est-ce moi qui me trompe et qui ne comprend pas les desseins que Jupiter a prévu pour ses prêtres ? Je veux tellement les réduire à néant pour ce qu’ils infligent au culte... S’il-te-plait, Melusine, ne me renie pas... Guide-moi ! Dis-mois ce que je dois faire... Je ne te cache pas que ... Je veux tous les buter et assainir notre culte ... »