Je n’aimais guère ce lieu. L’odeur des créatures du désert se mêlait à celles du sang et de la transpiration. Sous l’arène, des couloirs mal éclairés serpentaient. Il n'y avait aucune torche pour éviter, lors des spectacles que le public ne découvre les ingénieux mécanismes. Ils permettaient aux hommes de l’ombre de faire surgir sur l’arène, gladiateurs et créatures. Mon regard méditerranéen suivait une chaîne passant au travers d’une poulie. En tirant dessus, la cage des drakes s’ouvrit sur moi. Evidemment, elle était vide. L’androïde à mes côtés prit les mesures que je lui indiquai. La canalisation devrait venir jusqu’ici pour répondre à la commande du prélat.
Huit jours plus tôt, le prélat Mettius Aurelius a décidé d’occuper le peuple avec la reconstitution d’une grande bataille. Je n’avais jamais entendu parler des deux peuplades qui s’affrontaient et que les mers balayèrent durant leur bataille. Peut-être même n’existait-elle pas. Je reconnaissais bien là les méthodes du prélat. J'admirais sa façon de tenir le peuple à sa botte. L’inquiétude des romains se ressentait dans toute la cité. Une simple bataille entre gladiateur ne suffirait pas pour calmer leurs tensions. Durant une séance à huis clos, il avait alors prié le Sénat de préparer le Colisée pour que les eaux purificatrices puissent jaillir sur l’arène.
Et quand le prélat prononçait une demande si cordialement, le sénat s’exécutait. Malheureusement, mon rôle se voulait encore minime. J’avais terminé avec succès les travaux commencés par Camila Veturia. Et pour mes connaissances mathématiques, j'avais été choisie. On m’avait prié de la même façon de dévier un aqueduc jusqu’ici. Et de la même façon que le sénat s’exécuta pour obéir à Mettius, j’acceptai sans poser la moindre question. Je n’avais guère d'autre choix que l'acceptation pleine et entière. Mais qu’importe ! Je saisirais cette opportunité de mener à bien ce projet pour me faire un peu plus reconnaître au sein de mes pairs. Je ferais converger deux canalisations ici pour que l’eau puisse jaillir dans l’arène avec suffisamment de débit pour faire tomber quelques gladiateurs à terre. Ainsi je répondrais à la volonté du prélat.
Les mesures prises, deux gardes prétoriens m’ouvrirent différentes portes pour sortir de ce complexe dédale. En sortant, je passais devant le ludus où s’entraînaient des gladiateurs. Ma main se leva pour protéger mes yeux de la lumière du soleil. Je m’avançai, mon ombre était minuscule, le soleil si proche du zénith. Proche des grilles, j’observai les jouteurs battre la potence avec des épées en bois. Je reconnus l’un d’eux. Il se nommait Angus. Je me souvenais de lui. J’avais entendu le lanista parler de cet homme. Il avait vendu tous ses biens pour soigner sa fille. J’avais été surprise, car, à ma connaissance, il était bien rare que la moindre maladie ne résiste plus d’une semaine aux prêtres de Jupiter.
Je demandai au magistri confirmation de son identité.
-- Ce gladiateur... C’est bien lui dont la fille est malade ?
-- Oui sénatrice Fanius.
-- Appelez-le, je vous prie !
Je n’avais pas oublié ma conversation avec Melusine. Et ce héros pourrait bien aider notre cause et y gagner beaucoup par la même occasion.
-- Gladiateur Angus Demetter ? Auriez-vous une minute à m'accorder ?