par Nero Horatius le 12 Novembre 2012, 23:47
La nuit fut silencieuse, paisible, agréable. Plongé dans le monde des rêves, je m’éveille qu’au petit matin. Le soleil n’est pas encore apparut à l’horizon, il se joue de celle-ci avec timidité, malice. Seuls quelques rayons chaleureux laissent poindre par-dessus les murailles, le désert, l’immensité du monde inconnu, inexploré. Le corps endormi s’étire, se cabre, se cambre, s’étire de nouveau accompagné d’un soupire d’aise. Le drap glisse sur la peau, révélant une nudité qui ne peut s’empêcher de s’exprimer ardemment à chaque nouveau jour. La nature de l’homme est ainsi faite. Nulle honte, gêne à avoir en cet instant. Lentement, à pas feutré, je quitte ma couche. J’ai constaté, depuis que je me suis éveillé, qu’Euterpe déjà s’était levée. Une androïde n’a pas le besoin vital de dormir, n’éprouve pas la nécessité de se reposer comme un humain. Et pourtant, si Euterpe n’aime pas dormir, faire semblant, je sais qu’elle est restée à me veiller toute la nuit durant, s’assurant de ma sécurité, de mon bien être. Pas besoin de la voir, de la toucher, sa présence me parvient jusque dans mes songes. J’aimerais qu’elle hante un peu plus mon quotidien, mais déjà elle occupe toutes mes pensées. Pluton saura t’il me pardonner pareil affront ? Je ne saurais dire ce qui a changé, depuis ce jour où le dieu me guida jusqu’à la belle endormie…
Le silence règne encore dans le Temple et dans mes appartements. Ils ne sont de toute façon pas bien grands, je ne veux aucunement jouir d’un luxe indécent. Je ne suis qu’un prêtre, un serviteur de Pluton. Si certains ici même en ce lieu, pensent que je possède un statut de privilégié, alors je leur dirais volontiers qu’ils sont peu nombreux, ceux à avoir une mission à remplir, confiée par Pluton en personne. Les faux prêtres meurent sans raison m’a-t-on dit un jour. Les blasphémateurs sont pourtant nombreux en ces murs. Pourquoi Pluton les laisse t’il se pavaner en son Temple, guider les fidèles sur une fausse route ? Je n’ai pas la prétention d’affirmer que je connais la volonté de Pluton, ni même la bonne manière de lui rendre hommage. Dès l’aube, mon esprit s’acharne à penser, réfléchir, s’interrogeant sur beaucoup trop de sujets en même temps. Le jardin est désert, hormis quelques oiseaux venus se poser sur le bras d’un homme au regard surpris, cristallisé dans l’éternité. Euterpe et son pouvoir angoissant, troublant, inquiétant, terrifiant. Je déteste quand elle se part de sa chevelure de serpents. J’ai toujours détesté les serpents. Je reste quelques minutes à respirer l’air frais, profitant de cet instant de répit avant que la journée ne se mette en branle…
Toujours d’un pas léger, souple, j’erre dans mes quartiers à la décoration sobre, mais bien particulière. Les murs sont sombres, de pierres apparentes, lisses. Les colonnades ne sont là que pour rappeler notre petitesse face aux royaumes des Dieux. Le marbre, d’un blanc immaculé au sol, contraste presque violement avec la teinte des pierres qui forment les murs. Le mobilier est simple, confortable certes mais utilitaire, fonctionnel avant tout. Pas de surplus ici. De retour dans la chambre, je me dirige alors vers celle d’Euterpe. C’est là son univers. Une pièce rien qu’à elle, où sa liberté d’expression peut s’affirmer sans limites, sans jugement. Personne hormis moi ne viendra jamais ici la déranger, voir où elle vit. Ses murs, ceux de mon appartement forment une barrière infranchissable, celle de notre jardin secret. D’ailleurs, l’épaisse porte qui donne sur le couloir du Temple pour nous ramener à la réalité du monde, est envoûtée par de puissants sorts. Bien malin sera celui qui s’essayera à la détruire, à la forcer. Je n’ai pas de facultés extraordinaire, du moins, mes sens sont ceux d’un humain ordinaire et pourtant, de là où je suis, je parviens à entendre un son étrange, que jamais ici auparavant je n’avais entendu. A pas de velours, tel un félin je m’approche de la porte ouverte de la chambre d’Euterpe…
Un spectacle d’une beauté saisissante, envoûtante s’offre à mon regard à la fois émerveillé, gêné, troublé, charmé. Elle est d’une élégance, d’une fraîcheur, d’une splendeur digne de Vénus elle-même. Délicate, fine, harmonieuse, sa silhouette se cambre, ondule avec souplesse, réagit aux stimulations de cette main perdue entre ses cuisses, découvrant cet antre de la féminité, ce trésor inviolé jusqu’ici. Absorbé par cette vision magnifique, majestueuse, je ne pense guère à me cacher, encore moins à l’interrompre. C’est une voix venue de l’Autre Monde qui se manifeste plutôt, avec véhémence, colère, rage. Le vieux et petit homme est là. Sa chevelure grisonnante se mêle à sa consistance vaporeuse, éphémère, semblable à un nuage de brume, légère et transparente. Son regard apparaît comme un avertissement ou plutôt un jugement…
"…Ne pas voir ça…non…qu’a-t-il fait ? Qu’a-t-il fait ! Ma fille, mon enfant…enfoiré…je ne lui ai pas montré Euterpe pour qu’il lui fasse éprouver ça…non…NON….NON !..."
Je suis excédé de voir les morts. Jamais ils ne sont reconnaissants, toujours ils se plaignent. Ils ne savent que condamner, juger, observer pour mieux se moquer. Tâchant de l’ignore pour mieux me concentrer sur ma belle Euterpe, je sens sa présence me traverser, de part en part. Je déteste quand ils s’amusent à ce petit jeu. Une sensation désagréable me fige sur place, faisant s’hérisser mes poils, un frisson glacial me parcourant l’échine. L’ancien s’essaie alors à m’envoyer son poing dans le visage, me faisant rire aussitôt intérieurement…
"Calme toi Icarus… ne comprends-tu pas ce qu’il se passe ? La chrysalide devient papillon… de sa torpeur, la belle nymphe cherche à déployer ses ailes afin de gagner cette liberté dont elle rêve depuis si longtemps…"
Il enrage, ne décolère pas et finit par foncer dans le mur derrière moi pour mieux disparaître à l’intérieur…
"C EST TA FAUTE ! TA FAUTE !"
Un courant d’air s’engouffre dans la maison, témoignage de ceux qui nous entourent parfois, invisibles mais bien présents, conscients mais certainement plus vivants. Euterpe croise mon regard soudainement, ses joues sont colorées de rouge, lui conférant un teint si touchant, attirant, délicieusement charmant. Je suis autant gêné qu’elle je crois. L’idée d’avoir joué au voyeur ne m’enchante guère, j’éprouve même de la honte en cet instant et pourtant, Euterpe n’est qu’une androïde, je n’ai pas à avoir pareille considération pour elle. Je ne suis pas ce genre d’homme, ne considère pas Euterpe comme une androïde. Elle est tellement plus. Je lui adresse un sourire complice, affectueux, mon cœur s’émeut de sa présence, de sa grâce, de sa nudité qui prend soudain une nouvelle identité, un nouveau visage. Quelque chose vient de changer, définitivement…
- "Je..je…je vais te faire ton petit déjeuner. Puis préparer le bain."
"Avec plaisir Euterpe…"
Mes mots sont prononcés avec une certaine forme d’émotion. De toute façon, je ne peux guère cacher là en cet instant, l’émotion, l’excitation qui m’a gagné, face à cette vision enchanteresse. Je ne suis qu’un homme, ou du moins, je suis bel et bien toujours un homme. Je me pousse sur le côté, m’écartant du passage pour lui libérer l’accès au couloir, effleurant son corps, sa nudité de mon regard tendre, conquis, amoureux. Elle est d’une beauté saisissante à n’en plus douter. Mais mes yeux ne me revoient plus la même image d’Euterpe. L’androïde n’est définitivement plus. Je la suis enfin, pour m’installer sur une banquette, de côté, grappillant quelques fruits en guise de petit déjeuner. Un silence s’est installé entre nous depuis. Je ne sais pas trop comment procéder, je ne suis pas préparé à tout ceci. Jamais je crois je n’ai aimé auparavant. Naturellement, j’ai connu des femmes, la couche de celles-ci, je fus initié aux actes charnels mais pas à cette forme d’amour tellement plus compliqué, profond, déroutant. Dois-je aborder le sujet ? Se pose-t-elle des questions comme bien souvent ? A-t-elle besoin de moi, de mon savoir bien que je n’en sache aussi peu qu’elle finalement ? Ou alors, faut-il plutôt garder le silence là-dessus. Se découvrant, Euterpe a peut-être besoin de solitude, de temps. Je ne cesse pourtant de la contempler. Elle n’a pas enfilé sa toge, je ne me suis pas habillé non plus, pas encore. A quoi bon avant de prendre le bain toute façon…
"La nuit ne fut pas trop longue ?"
Une banalité, simple, ennuyeusement simple. J’aimerais parler avec elle plus sincèrement, lui dire ce que j’éprouve, ce que je ressens et pourtant, je me l’interdis. A vrai dire, je crois que je suis perdu. J’ai besoin de voir clair et surtout de comprendre. Je la vois se lever, elle va certainement préparer le bain. De nouveau je la rejoins, lui adressant un sourire tendre, pour enfin glisser dans le bain chaud. Une agréable sensation s’empare de moi tandis que je me mets à mon aise, profitant comme il se doit de cet instant de repos, de volupté, de calme avant la journée qui m’attend. Euterpe est toujours là. J’attrape sensuellement sa main de la mienne, elle semble si frêle, fragile sous mes doigts. Mon regard remonte sur son corps, contemplant son ventre plat et sensuel, sa poitrine délicieuse et ravissante, son visage doux aux traits si fins. Puis, je plonge mes yeux dans les siens, retrouvant aussitôt toute cette sincérité qui nous unit. Je la tire lentement, souplement vers moi pour qu’elle se rapproche…
"Tu partages ce bain avec moi Euterpe ? Aujourd’hui, c’est moi qui prends soin de toi."
L’androïde me rejoint, s’installe entre mes jambes, assise là, contre moi. Je n’attends guère plus longtemps pour venir la blottir contre moi, au chaud, collant son dos contre mon torse. Ainsi placée, je peux humer le parfum de sa chevelure, de sa peau tandis que mon nez glisse de ses cheveux à son oreille, avant que mon visage ne s’enfouisse dans le creux de son cou. Elle frissonne. Euterpe chatouilleuse, l’idée me fait sourire. Je dépose un tendre baiser sur cette peau délicate, douce et satinée, telle la plus précieuse des étoffes, me plaisant à la goûter, la sentir vibrer sous mes lèvres à la fois affectueuses mais aussi gourmandes. La fleur de bain dans ma main se dépose sur son bras, pour le laver lentement, retournant dans l’eau à intervalles réguliers pour toujours mieux l’humidifier et ainsi ne jamais abîmer cette peau si précieuse. Mon corps de nouveau se réveil, réagit à ce contact électrisant, stimulant, envoûtant. Je ne suis qu’un homme. Ma virilité se dresse, se gorge de désir, d’une envie qui me fait rougir, qui me fait me sentir honteux. Euterpe doit la sentir maintenant, il est trop tard. Je parcours avec souplesse, sensualité son ventre, remontant lentement entre ses seins avant de passer sur son épaule. Mon nez frotte la peau de son cou, sa joue avant d’y déposer un baiser plus amoureux, plus libre, plus expressif…