par Cassia le 27 Septembre 2012, 16:15
Un bruit sourd, soudain et violent me fait sursauter, alors que je demeure dans ma chambre. Lucretia m’a demandé dès mon premier jour à son service, de toujours m’attendre ici et d’y rester, tant qu’elle n’aurait pas besoin de moi ou ne m’appellerait pas. Bien sur, durant ses absences, il me faut tout de même m’occuper de tenir la maison, le jardin et je m’exécute toujours avec bonheur. Mais jusqu’à maintenant, ma maîtresse n’est jamais rentrée de la sorte chez elle. Cette attitude me surprend énormément. J’ai envie de sortir de cette pièce pour aller m’assurer que tout va bien, mais lorsque j’entends le bruit des bracelets qui me retiennent au mur, je prends conscience soudainement de ma véritable nature mais aussi et surtout de mon impuissance en cas de danger. Il faudrait que j’aborde ce sujet avec ma maîtresse mais la voici qui se trouve face à moi, attachant une autre androïde à ma place…
"Écoute et ne pose pas de question. Il s’est passé quelque chose de grave au Temple. Cette androïde en est la responsable mais je doute que l’idée soit d’elle. Tu vas la surveiller en mon absence. Attends-moi ici, je reviens."
Je fixe avec stupeur cette androïde qui sanglote, frémit, se recroqueville contre le mur. Elle semble totalement paniquée, apeurée et j’aurais presque pitié d’elle. Je pense assez connaître ma maîtresse pour savoir qu’elle ne ferait pas de mal à une androïde de la sorte. Mais le sang qui m’accule la tenue de celle-ci me glace de terreur. Finalement, si j’ai pensé qu’elle n’avait pas besoin d’être attachée, je suis rassurée de la savoir immobilisée de la sorte, incapable de faire quoi que ce soit. Et quand je vois la prêtresse revenir habillée d’une tenue de combat, je crois défaillir…
"Ne la détache sous aucun prétexte ! Il en va de ta vie. Au lever du jour, file chez le Consul Maximus, à la forge, et dis-lui que j’ai besoin de lui de toute urgence suite à l’attaque d’une androïde sur un humain. Précise-lui bien que cette androïde se trouve chez moi et qu’il m’est impossible de la mener au Tribunal. Insiste au besoin et ne reviens pas sans lui. Dis-lui que les assassins sont dans la ville et que beaucoup d’entre nous se trouvent en danger. Vita peut venir si il ne veut pas la laisser seule. Qu’il se montre prudent."
Pas le temps de réagir, de la convaincre de rester ici que déjà, elle s’est enfuit, telle une tornade. Je reste un long moment à fixer la porte qui s’est refermée derrière elle, me laissant là seule avec l’androïde défectueuse ou dangereuse…
"Maîtresse…"
Me tournant vers la fautive, mes idées, pensées se bousculent, s’affronter. Mais pire que tout, je reste inquiète pour ma maîtresse. Sans même m’en rendre compte, je commence à faire les cents pas dans ma chambre, face à cette inconnue qui continue de pleurer, gardant une distance de sécurité néanmoins. La tête baissée, paniquée, perdue, je cherche quoi faire. Je dois pourtant me rendre à l’évidence. Je suis inutile en cet instant. Même ma maîtresse n’a pas souhaité m’expliquer la situation. Oh bien sur, j’ai bien une mission à remplir et aller voir le Molosse au petit jour ne m’enchante guère. Heureusement que j’y trouverais surement Vita, son androïde. Je dois attendre que le jour se lève. Plus je regarde l’androïde attachée, pense à ma maîtresse dehors en tenue de guerrière face à un danger que je peux qualifier, apprécier, mesurer, plus je ressens une envie soudaine de me désactiver. La panique me fait songer à d’étranges pensées…
"Non pas maintenant… non je dois accomplir ma mission… non non non"
Je dois avoir l’air d’une folle aux yeux de cette prisonnière. Pourtant, ce n’est pas moi qui suis maculée de sang. Lentement, petit à petit, je ralentis mes pas, pour me figer presque entièrement, mon regard se perdant dans le vide. Immobile, telle une statue, je sens mes membres s’engourdir, mon corps se raidir totalement. Je ne suis plus qu’une androïde comme figée dans le temps. Seule mes pensées continuent d’affluer, se battant les unes contre les autres. Et alors que je suis presque résignée à demeurer ainsi, quitte à en subir les conséquences, je me force dans un ultime sursaut d’énergie à bouger de nouveau, secouant fortement la tête comme pour reprendre le contrôle de moi-même. Un mal de tête terrible me paralyse presque, me faisant chuter au sol tandis que je me tiens le crâne dans les mains…
"Aaaaaah… je… je dois agir… "
Tremblante, je me relève enfin. Face à l’androïde, j’attends que le jour se lève, prête à foncer chez le forgeron pour le ramener ici. Je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre, mais une chose et certaine, je ferais tout en mon pouvoir pour accomplir le souhait de ma maîtresse…