par Sapiens Inspectoris le 06 Février 2013, 00:45
Les étoiles brillaient d'un éclats plus fort en cette nuit. Leurs scintillement rivalisant avec les plus beaux joyaux du monde. Mais la plus belle des pierre ornant la voie lactée était la paisible lune. Là, accrochée sur la robe du firmament elle apportait le repos du guerrier, du citoyen ayant durement travaillé pendant la journée auquel on offrait un sommeil réparateur. Mais autre cet aspect protecteur, l'astre lunaire était aussi la gardienne des secrets, comme celui de cette nuit, sur le pont de Vénus. Deux personnes discutaient de l'avenir de la cité. Par quatre fois déjà ils avaient été centenaires et avaient pu observer les tournants de Rome. Ses réussites comme ses échecs, ces derniers bien trop nombreux depuis plusieurs siècles déjà. Mais tout deux n'avaient rien fait, chacun ayant ses raisons pour avoir agit ainsi. Mais désormais le temps de la neutralité n'était plus de mise, il fallait choisir un camp. Rome prenait un tournant plus décisif que tous les autres, un évènement que l'on avait pas vu depuis le retour de la fertilité chez les femmes de la cité.
Tous deux se connaissaient, tous deux connaissaient le secret de l'autre pourtant précieusement caché à la face de Rome et depuis le début de cette conversation, ils n'avaient cessé de ce lancer des piques sur le sujets. Ponctuant l'un après l'autre leurs phrases révélatrices par un sourire espiègle. Et oui, même passé des siècles on pouvait toujours être un peu jeune dans sa tête. Ca vous en bouche un coin !
Dans un silence religieux, Atris écoutait les propos tenus par son interlocutrice. Ses phrases étaient correctes et pleines de bon sens. La logique guidait ses mots qui flottait avec légèreté autour du jeune homme. Il aurait pu en saisir quelques un du bout des doigts s'il l'avait voulu mais s'en abstenu.
- Vous savez, les coïncidences sont comme les hasards, ils n'existent pas. Tout c'est qu'une question de timing. Un enchevêtrement de situations, d'actions menant aux évènements qui ont lieu en ce moment même. Mon maître pense que tout n'est que fatalité dans ce monde, que ce qui doit arrivé ne peut être changé car c'est de l'ordre du destin. On peut essayer de le changer, mais au final il finit par nous rattraper. Et je dois dire que je partage ce point de vue.
Souriant, toujours autant amusé par cet échange verbal avec l'oracle de Cérès, aucun des deux ne voulaient briser cet anonymat qui les liait, du moins pas tout de suite. C'était trop encore trop tôt.
- Son arrivée est pour bientôt oracle de Cérès, vous aurez alors tout loisir de la voir. Car je ne doute pas qu'en 400 ans d'existence vous connaissiez les têtes des membres de l'expédition. Et mis à part la sénatrice Camila et sa soeur, aucune autres femmes n'a participé à cette expédition.
Oui, de façon indirecte, Atris avait brisé leur petit jeu, un petit détail qui n'échapperait en aucune façon à Aurora. Mais désormais il était temps pour lui de lever le voile. Avec l'oracle il ne serait plus Atris pour le reste de cette nuit, mais bien le patriarche de Rome, le scribe des dieux, Sapiens. Son sourire en départ espiègle et juvénile avait pris une forme plus tendre et protectrice. Son regard vif et pétillant laissa passer le flot du temps et la sagesse qui en découlait. Serrant un peu plus fermement sa canne sous ses mains il prit une profonde respiration. Non pas que la vieillesse était un fardeau ou qu'il eut besoin de sa canne pour alléger son poids, mais cet objet possédait une valeur sentimentale pour ce dernier.
Là, entre les lumières artificiels, Sapiens était sorti de l'ombre. Il émanait de lui un magnétisme et un charisme tout particulier. Il imposait le respect, l'admiration mais également la crainte. Tel était le véritable visage de cet homme centenaire.
Ses yeux perdu dans la ligne d'horizon, il prit son temps avant de répondre à son interlocutrice.
- Aurora! Toi et moi allons participer à un tournant de la vie de Rome. Tu connais mon détachement pour cette cité, elle ne représente plus rien pour moi et a perdu toute sa valeur. Sur ce point je n'ai pas joué la comédie et je suis désormais dévoué corps et âmes aux dieux. Cependant ma neutralité a été ébranlé. Il existe dans Rome des jeunes gens auxquels je me suis attaché, que j'ai quasiment élevé pour mes propres enfants et je sais que bientôt, ils donneront un nouveau souffle à cette cité mourante. Je ne ferais rien pour remettre Rome sur pied, ce n'est pas mon rôle. Il s'agit d'une épreuve que la nouvelle génération devra accomplir par elle même. Pourtant, afin qu'ils puissent mener à bien cette mission, je mettrais tout en oeuvre pour leur venir en aide. Je jouerais un rôle de soutient pour ainsi garder mon détachement et ne pas chercher à tourner l'histoire de Rome à mon avantage.
Sa rancoeur envers la cité ne c'était jamais apaisée et après tout ce temps. Aussi pour un coeur blessé, vouloir se venger en tournant les évènements pour son propre profit personnel et la solution à laquelle on pense en premier. La vie n'a pas été juste avec moi, alors pourquoi le serais je avec elle? Je ne fais que récupérer ce qu'elle m'a pris.
J'avoue s'en honte que Sapiens dans ses jeunes années, après avoir été accusé du kidnapping des futurs grands prêtres de la cité, avait eu cette terrible pensée. Son histoire avait été chargée d'injustices alors pourquoi ne pas réclamer réparation. Cependant son rôle de scribe divin lui avait permis de gagner en sagesse, de se détacher du monde matériel et de comprendre la complexité de la conscience humaine. Il était devenu plus serein et posé face aux évènements tragiques qui avaient jalonné sa vie. Toutefois une part de Sapiens continuait d'éprouver du dégoût pour Rome. Pas la ville en elle même, puisqu'elle était le berceau des dieux que l'ancien servait, mais ce qu'elle représentait. Cette mentalité pourrissante, d'individus corrompus, d'égoïsme et autres vices qui gangrènaient l'esprit et le coeur de la ville. Il fallait la purifier, la purger de toute cette noirceur. Et le vieillard savait que cette évènement viendrait très bientôt. Tout était en place pour cela. Oui, Sapiens croyait à un avenir meilleur pour cette nouvelle génération. Un avenir immaculé pour lequel il prendrait plaisir à écrire son histoire. Souriant avec bienveillance, il tourna son regard emplie de sérénité sur son interlocutrice. Les mots étaient inutiles pour exprimer l'espoir et la confiance que Sapiens avait en eux.
- Je n'ignore pas que ma décision de mettre pour un temps ma neutralité de côté en mécontenteront certains. Pourtant il faut savoir faire un pas en arrière pour mieux faire deux pas en avant. J'assumerais ma décision et suis prêt à en subir les conséquences.
Chaque actes doit se faire avec équilibre. Le principe de l'échange équivalent. Ainsi Sapiens mettant pour un temps sa neutralité de côté devait en accepter les conséquences. Mais ce n'était qu'un faible prix à payer si cela permettait à la ville et aux dieux de retrouver leurs superbes d'entant auprès des romains. Le sacrifice en serait fait avec d'autant plus de joie.
- Mais et toi oracle de Cérès? Que vas tu faire maintenant? Dans quel camp exactement vas tu de placer face aux évènements qui vont arriver? Que penses tu de cette cité qui se dresse devant nous ?
Tout en disant cela, Sapiens réalisa un mouvement de la main en direction de la vue panoramique de Rome. A cette heure ci elle paraissait tranquille et inoffensive. Mais cette tranquillité illusoire dissimulait un véritable nid de vipère. Car après tout ne dit on pas qu'il ne faut pas se fier aux apparences ?