par Laelia le 07 Octobre 2012, 12:58
J'avais une affinité vraiment particulière avec cet endroit en particulier. Je ne saurais d'ailleurs pas dire à quoi cela tenait. La composition des parterres floraux? Cet arbre, là-bas, si majestueux qu'il paraissait protéger ce pan du jardin? L'allée régulière, les papillons qui virevoltaient à droite et à gauche, le chant des oiseaux? Sans doute un mélange de tout cela, une addition de petits rien qui rendait cet endroit si beau à mes yeux. L'endroit m'inspirait, systématiquement. Souvent, je jouais pour les arbres, animant mes poupées autour de moi, pour le plaisir de les voir danser. Il n'y avait pas grand monde qui passait dans cet endroit, j'y étais plutôt tranquille. C'était mon havre de paix, mon berceau naturel, le seul endroit de Rome ou je sentais la pulsation sourde de la terre, ou j'entendais la respiration de l'arbre, ou les chuchotis me berçaient. Et quand j'avais fini de jouer, je me roulais en boule tout contre les racines et, les yeux fermés, j'écoutais. J'essayais de comprendre la Nature, et de vivre à son rythme.
C'était un exercice atrocement reposant, et je ne me l'accordait qu'une fois par semaine... Il ne faut pas abuser des bonnes choses.
J'avais mis très longtemps avant de découvrir, totalement par hasard, que j'avais un auditoire. La première fois, je me contentais de l'observer du coin de l'oeil, ravie de voir que ma musique touchait. Je le pensais auditeur occasionnel, et me disais qu'une conjecture du hasard l'avait mené ici. Mais il revint. Tous les jeudis, il était là, m'attendant, attendant ma musique. Il ne m'adressait pas la parole, et s'en allait une fois le 'concert' terminé. Je lui ai souris, plus d'une fois, m'étonnant de ne pas avoir de réaction. Je finis par comprendre que toutes les pitreries que je faisais, ses yeux ne pouvaient pas les voir. Mon spectateur était un aveugle venu régaler ses oreilles. Cela me toucha. Je crois que lorsqu'un sens est frustré, les autres sont d'autant plus sensible, et qu'il vienne m'écouter prouvait que ma musique lui plaisait. J'ai finis par me présenter, simplement. Bonjour, je suis Laelia, et je suis très heureuse que tu aimes ma musique. Une phrase toute banale, en somme. De fil en aiguille, nous étions devenus amis. Véritablement. Et ça me faisait chaud au coeur.
J'adore le voir rougir dès que je montre mon affection. Je trouve ça attendrissant. Son bonheur me réchauffe l'âme... Je crois que je suis gaudiavore, je me nourris de la joie des autres. L'empathie dont je fais preuve m'y oblige : je suis nettement plus heureuse quand les gens autour de moi le sont aussi! C'est pourquoi le sourire qui pare mes traits s'élargit, jusqu'à se ressentir dans ma voix même.
- Une surprise? J'adore les surprises. Quand sera-t-elle prête?
L'impatience de l'enfance. Ce que je suis, au final, une enfant dans un corps de femme. Je fais une moue, et rétorque que je suis toujours sage.
- Ce n'est pas ma faute si la conception des autres du mot "bêtise" diffère de la mienne!
Je ris. Je ris parce que le bonheur est là, bien installé au fond de mon être. Je ris parce qu'il fait beau, parce que mon ami est près de moi.
- Réponse B! Tu me manquais trop. Je n'ai pas pu venir jeudi dernier, les prêtresses de Vénus ont demandé après moi... Alors je me rattrape! Oh, avant que j'oublie.
Je lui fourre un gâteau dans la main, et en prends un moi aussi.
- Cadeau de Maman! Elle veut savoir quand tu te décidera à venir à la maison.
Caecilus, ce nom a si souvent franchi mes lèvres chez moi! C'est que je peux être très bavarde. Maman veut le connaître, ce garçon qui me rends heureuse. Je crois qu'elle s'imagine beaucoup de choses. Il faudra que je pense à mettre les choses au clair. J'aime tout le monde. Je n'aime personne.
Pourquoi, parce que j'ai 21 ans, elle s'imagine que je dois vite me marier?