par Clio Manilius le 19 Octobre 2012, 14:50
Je ne comprenais vraiment pas pourquoi le consul Ignis avait tenu à ce que ce soit moi qui fasse la livraison des bouquets. D'habitude, depuis que Tetris avait fait irruption dans ma vie, c'était elle qui se chargeait des livraisons. Les choses s'étaient mises en place comme ça. L'androïde possédait une force que je ne possédais pas et quand il fallait livrer des plantes imposantes, elle était plus douée que moi. Comme cela ne la dérangeait pas et qu'elle tenait à m'aider, on avait organiser les choses ainsi. Cela me permettait de continuer à tenir la boutique et à m'occuper de mes fleurs et de mes clients. Curieusement, travailler me faisait un peu oublier ma peine. Beaucoup de gens, à ma grande surprise, avaient tenu à m'aider. Parfois même de parfaits inconnus comme Votum ou Caecilus. Je m'étais toujours pensée insignifiante et n'avais jamais eu beaucoup d'amis. C'était surtout des relations et des connaissances. Et finalement, c'est dans mon malheur que j'ai découvert les autres et leur bonté envers moi m'a fait beaucoup de bien.
Mais tout cela ne me disait pas pourquoi le consul avait autant insisté pour me voir livrer ses bouquets. D'ailleurs, c'était bien la première fois qu'il mettait la pied dans ma boutique. Je ne l'avais jamais vu avant mais selon ses dires, il avait entendu parlé de moi par des amis ou des connaissances. Je ne faisais pourtant rien pour qu'on parle de moi. Je me contentais de cultiver mes fleurs et d'essayer d'apporter un peu de joie dans les foyers avec ces dernières. Mais la classe nobiliaire avait des exigences parfois étranges. De toute façon, je n'allais pas me mettre un consul à dos. J'avais donc chargé la petite carriole que je louais pour mes livraison et je m'étais rendu au domicile du consul Ignis. Je toquais timidement à la porte. La demeure était impressionnante pour moi qui vivait dans un tout petit endroit. Je n'étais pas jalouse. Ma maison me convenait très bien. Juste que de telles demeures m'impressionnaient toujours pas leur démesure. Bientôt la porte s'ouvrit et un serviteur, surement un androïde, se tint devant moi.
« Bonjour. Je viens livrer les fleurs commandées par le consul Ignis. »
L'homme opina du chef visiblement au courant de ma venue.
« Oui le consul m'a prévenu. Nous allons vous aider à décharger et vous pourrez attendre le consul aux jardins. »
J'étais un peu étonnée. Je pensais que je devais juste livrer les fleurs pas attendre le maître des lieux.
« Mais je devais juste livrer les bouquets commandés... »
« Le consul souhaite vous payer lui-même et contrôler la qualité de vos fleurs. »
Oui. J'aurai bien dû m'en douter. Étant un nouveau client et un consul de surcroit, il voulait vérifier que ce que je faisais était correct. Cela ne m'étonnait pas finalement. Plusieurs clients agissaient de la sorte.
« Très bien. »
L'homme sortit alors et m'aida à transporter les cinq bouquets de bonne taille dans la demeure avant de m'indiquer les jardins. La consigne me fut donnée de ne pas aller ailleurs. Mais je n'avais pas l'intention de jouer les curieuses. Ce n'était vraiment pas dans ma nature et puis un jardin était mon lieu de prédilection. Pourquoi voudrais-je aller ailleurs ?
Le jardin était parfaitement somptueux et très bien entretenu. Même si pour moi, certaines fleurs n'allaient pas ensemble mais c'était là mon grand défaut. Si je m'écoutais, je referais bon nombre de jardins mais ce n'était pas ce que l'on attendait de moi. Je me contentais de regarder, sentir, frôler mes compagnes de toujours. N'hésitant nullement à leur parler ce qui devait certainement me faire passer pour une espèce d'illuminée voir une folle. Mais j'avais toujours eu le profond sentiment que les fleurs aimaient qu'on leur parle et qu'on les compliment comme si ils s'agissaient d'êtres humains.
« Bonjour mes belles. Vous êtes vraiment magnifiques ! »
Je passais d'un parterre à un autre, relevant chaque espèce, chaque genre, chaque variante, chaque couleur, chaque forme, chaque parfum. Je les comparais avec ceux que je connaissais déjà, voyais celles que je ne possédais pas encore et celles qui pourraient être utilisées dans des potions ou des baumes. Mon âme de botaniste prenait le pas sur tout autre chose et je n'avais plus vraiment conscience de mon environnement. Mais soudain, un mouvement dans le fond du jardin me fit dresser la tête et une silhouette se découpait derrière un bosquet. Je me redressais et me dirigeais vers l'endroit.
« Consul Ignis ? Est-ce vous ? Je suis venue vous livrer les fleurs comme convenue. Consul ? »
Je n'avais aucune réponse et cela me fit froncer les sourcils. Pourquoi ne répondait-il pas ? 2Tait-il un adepte du cache-cache ? Je ne comprenais vraiment pas bien sa manière d'agir. Volontairement, je me rapprochais encore mais la silhouette bougea précipitamment allant se mettre dans un coin.
« Attendez... »
Cette fois je me déplaçais plus rapidement. Comme toujours, à aucun moment je ne pensais à un danger potentiel. Pour moi, je voyais toujours le côté bon des gens et n'imaginais que rarement que le monde n'était pas aussi rose que ce que je voudrais. J'avançais encore et vis la silhouette coincée entre dans un coin de mur. L'homme était recroquevillé sur lui-même et semblait apeuré de ma présence. Je m'approchais plus doucement et découvrit enfin mon mystérieux visiteur. Il s'agissait bien d'un homme mais qui était particulièrement difforme. J'éprouvais soudain une grande douleur pour lui. A son regard, je compris aussi que ce n'était pas juste son corps qui était abimé mais aussi son esprit. C'était malheureux. Beaucoup de gens, je pense, aurait vu en lui un monstre ou quelque chose comme ça. La difformité était mal accepté dans notre monde. Moi, je ne voyais qu'un être humain qui devait beaucoup souffrir. Peu importait son apparence à mes yeux, c'était une personne à part entière et qui méritait tout autant d'attention et de respect que n'importe qui. Plus même. Je m'approchais doucement en souriant. Je ne tenais nullement à l'effrayer d'avantage. Je m'accroupis devant lui, lui laissant assez d'espace s'il souhaitait partir. Je ne voulais pas le retenir de force.
« Bonjour. Je me nomme Clio. Je suis venue apporter des fleurs au consul. »
Ma voix était très douce comme si je parlais à un enfant. Je lui tendis la main. Libre à lui de l'accepter. Il ne fit aucun geste mais ne sembla pas vouloir s'enfuir non plus.
« Tu aimes les fleurs aussi ? »
Pas de réponse. Il semblait se méfier de moi. Je suppose qu'il ne devait pas voir beaucoup de monde. Je ne me demandais pourquoi cet homme était ici. J'avais juste envie de parler un peu avec lui, lui apporter peut-être quelque chose même si je ne savais pas vraiment quoi.
« Moi je les adore. J'ai toujours vécu avec elle. Et elles aussi, elles m'aiment bien. Tu veux que je te montre quelque chose ? »
Je ne m'attendais à aucune réponse mais je pris le temps d'attendre quand même. Aucun son, aucun mot. Pourtant son regard me montrait qu'il comprenait, au moins dans les grandes lignes, ce que je pouvais lui dire.
« Regarde. »
Activant mon don, je plantais un de mes doigts dans le sol de sable. Je le laissais quelques instants avant de le retirer et soudain, plusieurs fleurs émergèrent du sol, grandissant à une vitesse anormale jusqu'à atteindre leur taille habituelle. Je regardais de nouveau mon compagnon imprévu et vis son sourire. Visiblement, il avait apprécié. Il sembla se détendre et se rapprocha de moi. Je lui souriais alors plus franchement encore, montrant qu'il n'avait rien à craindre. Avec des gestes et quelques sons, il me fit comprendre qu'il voulait que je recommence. Ce que je fis avec plaisir. Les fleurs émergeant spontanément du sol sous ma commande semblaient lui plaire. Malgré sa carrure imposante, l'homme frôlait délicatement les fleurs du bout des doigts, sans les abîmer.
« Tu les aime aussi, n'est-ce pas ? »
Le visage abîmé se leva vers moi et me souris. Oui, lui aussi aimait les fleurs.
Dernière édition par
Clio Manilius le 23 Février 2013, 22:00, édité 1 fois.