Valeria m’expliqua qu’elle n’était pas la mieux placée pour me conseiller à propos de ma lassitude pour l’armée. Elle me recommanda cependant d’en parler avec un de mes supérieurs et de ne surtout pas me forcer à rester là où je ne voulais plus être. Elle dit de trouver ma voie, que c’était cela qui importait. Elle avait sans doute raison. Mais parler à un de mes supérieurs était peut-être une mauvaise idée. Il valait peut-être mieux que je fasse prière à Minerve, elle était probablement la seule à savoir ce qu’il fallait que je fasse. Je voulais défendre Rome, mais pas de la même manière que le faisait l’armée. L’armée ne pouvait être partout et son champ d’action était limité, ce qui faisait que trop de monde passait entre les mailles du filet, trop de monde profitait des failles de la Legio Civitas et il fallait que ça change. Mais je n’étais qu’un homme face au monde. C’est pour cela que je restais dans l’armée en attente d’un signe qui m’indiquerait que faire. Peut-être ne devais-je pas l’attendre, mais le chercher ? Qui sait…
Mais alors que la conversation dérivait sur le sujet de nos plans pour la soirée, je me rendis compte d’une maladresse de ma part que je pouvais regretter. J’avais involontairement sorti des phrases à double-sens et voilà que Valeria me demandait ce que j’avais en tête, à l’instant même…! Les dieux maudissent mon manque de subtilité ! Que pouvais-je répondre ? Il me fallait réfléchir. Je sentais le rouge me monter aux joues ; j’avais de quoi ! J’étais dans une situation très gênante. Elle avait utilisé les termes "agréable" et "intéressant", peut-être voulait-elle de cela ? Je n’en savais rien et je pouvais risquer gros si je venais à suivre l’idée cachée derrière nos phrases… Je ne voulais ni la dégoûter et encore moins la perdre pour une phrase mal exprimée… Mais j’avais plus à perdre en me résorbant et en avouant n’avoir pas voulu dire cela. C’était… presque lâche. Je n’avais pas vraiment d’autres choix qu’assumer ma maladresse…
- Tu as un sacré sens de l’observation, enfin, de l’écoute…! dis-je. Je ne sais pas, des fois je dis des choses sans penser… Mais vu que nous avons une maison pour nous deux et jusqu’à l’aube, peut-être pourrions-nous passer la nuit ensemble ? Mais j’ai l’impression que tout cela va un peu vite. Mais ce que je propose n’est pas à forcément faire, que veux-tu toi ?
C’était dit et je ne pouvais pas faire marche arrière… Elle toucha ensuite mon torse, parcourut le contour de ma cicatrice et je posai ma main sur la sienne pour la garder ainsi. Elle posa une question, elle demandait comment est-ce que c’était arrivé. Elle n’avait pas précisé de quoi elle parlait, mais en suivant son regard, je devinais qu’elle parlait de la balafre.
- Lors d’un entrainement à arme réelle contre une personne qui ne m’appréciait absolument pas et qui me jalousait, expliquai-je. Il a été banni de la caserne pour avoir porté volontairement un coup qui aurait pu être fatal. Au cours d’un entrainement, on ne surveille pas sa garde autant que lors d’un vrai combat, il a exploité cette faille en pensant prouver qu’il était la meilleure recrue du cycle.
Achille… A nous deux, nous étions les meilleures recrues et les plus prometteuses, et pour ça, il me haïssait, s’estimant être le meilleur à l’épée. Il aura été jusqu’à dépasser les limites pour se le prouver et, au final, tout perdre. Je ne sais pas ce qu’il est devenu et je préfère ne pas le savoir. Cette cicatrice est ma plus grosse et due à cause d’une distraction ; elle me rappelle tous les jours que même là où l’on se sent le plus en sécurité, nous sommes vulnérables.