par Katla Buskvej le 12 Juin 2013, 22:51
Des cris. Qu'est-ce-que c'était encore ?
Je vis une femme se prendre la tête et trembler, comme prise d'une douleur terrible. Une attaque ? Me redressant de toute ma hauteur, j'empoignai ma lance avant d'observer aux alentours afin de trouver le coupable, mais la sénatrice chuta dans les escaliers. Me précipitant à sa suite, je cherchai à l'examiner pour l'aider et mieux comprendre ce qu'il s'était passé, mais elle semblait... inanimée. Et sévèrement blessée. Qu'est-ce-que c'était que ça ? Était-elle dans les vapes à cause de l'attaque, ou de la chute ? Et qui avait tenté de la tuer au juste ?
Il y avait du bruit derrière moi, mais je m'en foutais un peu pour le moment. J'étais occupée à réfléchir à un moyen d'aider la brune qui gisait au sol... Tout le monde semblait stupéfié et ils regardaient quelque chose derrière moi. J'allais me tourner pour voir de quoi il s'agissait, quand j'entendis alors un bruit de corne. Voyant que je ne pourrais venir en aide à la sénatrice qui était dans le coma, je me dirigeai vers la source de ce bruit sonore, voyant un homme qui se tenait droit et fier dans l'arène. Il se mit à faire un discours que je ne comprenais pas trop...
Un grand jour ? Confirmer sa foi en leur prélat ? AD VITAM AETERNAM ? Se détourner des Aquilius ? De quoi parlait-il au juste ?
- Mais qu'est-ce-qu'il nous chante ce taré encore... marmonnai-je sans comprendre.
Quel était le rapport entre l'attaque portée à cette femme et les Aquilius ? Les deux étaient-ils liés ? Le fait d'attaquer cette femme donnait une victoire sur les Aquilius ?
J'eus ma réponse en me détournant de l'arène, mon regard tombant soudainement sur le corps inanimé de Valentina, le ventre couvert de plaies sanglantes. Voulant l'aider, je changeai de mode de vue pour activer l'infra-rouge mais le faire m'arracha un bref cri d'horreur... Les deux fœtus avaient aussi été touchés. Je fus incapable de cacher le choc qui venait de me saisir, et me jetai vers le corps, bousculant brutalement toute personne qui se serait trouvée sur ma route. Une fois arrivée je commençai à observer la blessure, cherchant un moyen de la soigner mais il fut rapidement évident que même un médecin d'excellence ne pourrait rien faire.
- Non... Non non non non c'est pas possible...
Je plongeai mes mains dans le sang, cherchant la source de celui-ci, mais très rapidement la conclusion fatale tomba. L'assaillant avec sectionné l'aorte à un point particulièrement sensible, il n'y avait plus rien à faire. Avec de l'équipement médical complet, peut-être... Mais ici, dans le cirque romain, je savais qu'il ne serait pas possible de faire quoi que ce soit.
Enfonçant mes mains dans le ventre, j'écartai les blessures afin de voir les deux petits... Peut-être serait-il possible de les sauver au moins, eux ? Mais le diagnostic fut aussi sinistre qu'écrasant. Ils avaient été, eux aussi, percés par la lame de l'assassin. J'avais l'impression que mon âme était en train de passer sous une presse hydraulique. Je pleurais comme une enfant, de façon incontrôlable alors que je cherchais un moyen de sauver les deux bébés, l'air perdue et paniquée à la fois.
C'était donc de ça qu'il parlait... Ce type avec la corne qui avait fait son discours... Il se sentait fort, beau et puissant, il voyait ça comme une victoire... Une femme sans défense, et deux gamins qui n'avaient rien fait, qui n'avaient en fait jamais eu la possibilité de faire quoi que ce soit à qui que ce soit. Le crime suprême, à mes yeux. Tuer volontairement, d'une lame, un être qui n'a absolument rien fait ni demandé à quiconque. Mais pour le moment,je me fichais éperdument de la justice, de la paix, de la gloire... Je ne pouvais pas détacher mon regard de ces deux petits corps sans vie. J'étais bloquée... Je n'avais aucune énergie.
J'aurais dû contrôler la situation... Prendre garde, ou... Non. En fait je n'avais eu de contrôle sur rien depuis le début de la journée. Je m'étais sentie toute puissante, à pouvoir éclater la tête de 200 gladiateurs à coups de poing, à affronter des scorpions géants en rigolant... Et pourtant, une seule seconde d'inattention m'avait empêchée d'intervenir pour sauver une femme enceinte de jumeaux. Cette impression lancinante d'être prise dans une presse hydraulique ne me quittait pas... Sur moi ce couteau se serait brisé net. J'aurais pu faire quelque chose si j'avais été plus attentive... Mais je me retrouvais pourtant là, avec du sang fœtal sur les mains et le visage, preuve ultime de mon impuissance totale.
Mettius avait raison. Ce terrain de jeu n'était pas le mien. Commettre un acte pareil... Ou l'idée que quelqu'un puisse le faire... Cette idée ne m'était jamais ne serait-ce que passée par la tête. Je n'avais jamais imaginé que quelqu'un puisse faire ça. Mais Rome était cruelle et barbare. Le peuple acclamait, applaudissait, pleurait de joie face à cet assassinat absolument immonde. Et moi, j'avais voulu les aider contre Kohr... Peut-être les millions de soldats Kohriens étaient-ils non pas l'ennemi, mais la solution ? Ceux qui avaient pour rôle de nettoyer la planète de ses créatures les plus fétides ?
Je n'eus pas le temps de continuer à réfléchir, une voix familière me tirant de mes pensées. Je tournai la tête avec cet air aussi choqué que terrifié, du sang partout sur les mains, les bras, le torse et le visage, les larmes ne cessant de couler. C'était le type invisible, Mercure... Il me proposait de sortir. Je devais sortir de là... Je tendis donc mollement la main, me relevant et suivant alors l'étrange serviteur du prélat sans quitter les corps des yeux. Avant de quitter l'arène d'un pas maladroit et hésitant, je pus apercevoir la femme et ses deux bébés emportés par des soldats puis jetés dans l'arène. Les derniers sons que j'entendis furent ceux de la chair déchiquetée sous les cris de joie de la foule...
Rome devait brûler.