Les romains se bousculent pour être les premiers à prendre place dans les gradins. Isaa se trouve ballottée au beau milieu. Contrairement à son peuple, elle n'est pas dans la liesse ou l'impatience. Ils sont tous là pour se divertir et oublier pour un temps leur quotidien, leurs soucis. La jeune femme à l'inverse comprend les enjeux à venir, elle n'est pas dupe de ce qui se cache derrière ce grand événement. Depuis son tout jeune âge, la cadette des Vibius rêve de faire quelque chose qui compte. Elle travaille dur jour après jour pour améliorer la vie dans la cité et sa protection. Elle s'est heurtée régulièrement au pouvoir politique en cherchant à mener cette tâche à bien. Avec les nouvelles élections, le pouvoir pouvait changer de mains. Serait-il alors dans de meilleures ou des pires ? Difficile de le prédire. Pour cette jeune romaine en tous cas, la politique est un domaine où la trahison et les coups bas sont rois. Elle se sent comme allergique à ce milieu, trop sincère et intègre pour prétendre en faire partie un jour, bien qu'elle n'ignore pas que l'avenir de Rome est surtout placé entre les mains de ceux qui la dirigent. Voilà pourquoi elle appréhende les jeux d'aujourd'hui. Et comme elle est toute aussi consciente qu'il est vain de lutter contre le courant, elle se laisse emporter par la foule.
Enfin les portes du Colisée sont franchies. Les spectateurs se répartissent dans l'immense enceinte et Isaa peut respirer correctement à nouveau. Elle aperçoit sa sœur Alessandra accompagné de son époux. Leur tout jeune fils est probablement resté à la demeure familiale. Elle leur fait de grands signes néanmoins elle décide de ne pas se joindre à eux. Les siens ont l'habitude que la petite dernière mène sa barque à sa manière. Ils savent combien elles les aiment, elle n'a pas besoin de le leur prouver en s'asseyant à côté sur un banc de pierres pour regarder le spectacle. Elle a volontairement choisi de venir seule, non en fait elle aurait préféré qu'Alpharius l'accompagne. Il a des obligations et elle le comprend parfaitement. Seul Guido a imposé sa présence, il a parfois l'air convaincu qu'une menace invisible pèse sur sa Domina. A moins que ce soit juste une excuse pour assister aux jeux puisque sa mère n'a pas voulu venir. Il s'installe en tous cas non loin d'elle dans les gradins.
La romaine cherche des yeux le centurion du côté de la tribune officielle. Son regard parcourt ensuite l'assemblée. Elle n'aime pas savoir Mettius si proche de lui depuis que Katla a parlé de leur alliance. Cette crainte est ridicule et elle le sait. S'il décide d'éliminer le centurion il n'agira certainement pas au grand jour. Elle se demande d'ailleurs si l'étrangère est présente, connaissant sa méfiance elle parierait que non. L'arène est pour le moment déserte. Sa rencontre avec Taurus lui revient en mémoire. Participera-t-il aujourd'hui ? Cela est plus que probable. Elle espère en tous cas qu'il ne lui arrivera rien.
La vision du prélat acclamé par la foule la tire douloureusement de ses pensées. Si seulement tous ces gens pouvaient avoir une idée du vrai visage de cet homme ! Elle brûle de le leur révéler mais qui se soucie de ce que raconte une parfaite anonyme ? Mettius est un fin stratège, à n'en pas douter. Son discours éveille chez la jeune femme une sensation fort désagréable. Elle se demande comme chacun des présents où il souhaite en venir et qui devrait trembler à l'idée d'être aujourd'hui la cible de ses complots. Isaa songe évidemment à son aimé. Son esprit rationnel rejette cette idée, le prélat pourrait facilement le faire assassiner sans que le sang ne salisse ses mains en agissant dans l'ombre. Là il choisit de mettre en lumière ce qui va se produire, il s'attaque donc sans doute à une personne importante à Rome. La question est qui. Elle le découvrira bien assez tôt.