Depuis que je suis devenue l'esclave de cet homme, j'ai travaillé dur. Il n'a pas chômé lui non plus. J'avoue que je ne sais toujours pas bien quoi penser de lui. Il met la main à la pâte, ce n'est pas le genre de « maître » à me regarder pendant qu'il se tourne les pouces. Cela me change assez. Jusqu'à présent il s'est aussi montré respectueux envers moi. Il n'a eu aucun geste déplacé et me traite bien. Cela faisait longtemps qu'il ne m'était plus arrivé d'entendre s'il vous plaît ou merci. C'est plutôt agréable, sauf que j'ai encore du mal à lui accorder pleinement ma confiance. Je baisse juste un peu ma garde. Il n'est pas très bavard, cela me convient plutôt bien. Suivant ses ordres, j'ai aidé à rassembler les chutes de métaux divers. J'ai également rangé sa minuscule demeure dont il ne reste de toute façon plus grand mobilier, si tant est qu'il y en aie eu un jour. Le ménage a été fait à fond par mes soins. Régulièrement je m'occupe aussi d'apaiser la douleur qui handicape ce colosse à la peau d'ébène. Je crois que c'est une des premières fois où je ressens sincèrement l'envie de travailler pour l'un de mes acquéreurs. Il faut dire que je suis consciente de n'être pas mal tombée.
Nous sommes aujourd'hui à la date de l'emménagement. Je crois sentir une certaine fébrilité chez mon propriétaire tandis que nous quittons ce qui fut sa maison pendant je ne sais combien de temps. C'est la première fois pour ma part que je vais voir la nouvelle bâtisse. Je suis surtout restée dans l'autre pour ranger et nettoyer, en dehors de quelques courses qu'il m'a envoyé faire en ville. J'emporte des provisions et les affaires que j'ai hérité de l'androïde qui le servait. Par chance nous faisons à peu près la même taille si bien que ses robes semblent presque taillées pour moi. Cela me fait bizarre de porter les vêtements qui étaient à une autre, on m'a affublé de bien pire parfois. Au moins ceux-ci sont décents et en bon état. Je me demande un peu ce que je vais trouver en arrivant. Le forgeron a l'air de se contenter d'un confort des plus rudimentaires. Cela ne me dérange pas de vivre à la dure, surtout étant donné qu'il me traite presque comme son égal.
Les habitations et les boutiques deviennent de plus en plus rares à mesure que nous nous éloignons du cœur de la cité. Nous nous rapprochons des remparts et je commence à m'interroger sur notre destination finale. Le fleuve est tout proche et enfin nous avançons vers une construction qui semble un peu délabrée. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi personne n'en a voulu jusqu'alors. Pourtant l'endroit a du potentiel avec quelques travaux. La demeure est relativement grande. Mon acquéreur a-t-il cherché à fuir l'agitation du cœur de Rome ? Cet isolement n'est pas pour me déplaire d'autant que derrière la maison j’aperçois un petit terrain laissé à l'abandon. Exactement le genre de lieu où j'aime pouvoir m'isoler un peu. Je ne sais par contre si j'en aurais l'occasion. L'homme ouvre la porte et je pénètre à sa suite dans ce qui sera mon nouveau chez moi, du moins pas tout à fait. Je regarde la première pièce, les bras toujours chargés.
« Puis-je demander quels sont vos plans pour cet endroit ?