par Appius Silius le 15 Avril 2013, 14:56
Il était loin le temps où Appius servait ses maitres. Il était loin le temps où il sentait son coeur battre, si jamais il en avait un, rien qu'en apercevant l'ombre de Valentina. Valentina était devenu un fantôme pour lui, une image accrochée, ancrée dans sa mémoire, comme si son souvenir ne souhaitait pas périr. Elle avait été tout pour lui, elle l'était toujours d'ailleurs, mais aujourd'hui il n'était plus à ses cotés. Il s'était retrouvé là, comme contraint de la fuir pour se préserver du mal, contraint de prendre une indépendance pour ne pas avoir à user de la violence envers ceux qu'elle fréquentait, ceux qui avaient l'audace de partager sa couche, d'humer son doux parfum, de caresser sa peau de velours... Non, s'il était resté, il n'y avait que folie qui aurait pu aboutir de cette situation, folie, haine, rage et fureur, jusqu'au point de l'acte impardonnable, celui qui l'aurait tout droit envoyé à la casse, à la réinitialisation dans le meilleur des cas.
Aujourd'hui il était là, dans cet endroit que nul autre connaissait, si ce n'était la frêle Neera. Une jeune femme, jeune fille, tout dépendait des heures, qui lui rappelait sa situation. Il l'avait rencontré il y avait de cela plusieurs semaines, elle tentait de voler un objet de valeur sur le marché, avant de fuir la colère des marchands qui se rendaient compte de sa supercherie. Ce jour il avait été frappé par sa pureté apparente, elle restait fière et droite dans la voie qu'elle avait choisie, ayant décidé de survivre sans l'aide de quiconque dans Rome, et ayant élu domicile sous les toits, dans un petit appartement inoccupé qu'elle avait aménagé à sa sauce. Quand il l'a rencontré, elle n'était pas en bonne posture, le choix qui s'était offert à elle était le suivant : garder ce qu'elle avait voler et mourir, ou bien laisser cela et filer. Appius à l'époque ne connaissait pas grand monde sur Rome, ainsi, le choix fait de vivre, il s'était placé au coté du marchand la menaçant, la fixant de son regard, puis lui offrit un de ses sourires énigmatiques avant de disparaitre de son champ de vision comme d'un claquement de doigts.
Pour elle, le temps s'était interrompu pendant dix bonnes secondes, pour lui, tout avait continué, il avait pris avec lui ce qu'elle convoitait, et s'était caché non loin pour observer la scène. Il ne doutait pas un instant qu'elle était débrouillarde, elle avait fuit de manière subtile, ne laissant aucune chance à quiconque voulait la suivre et n'avait l'habitude de grimper, sauter, courir. Ce jour là, il l'avait suivie, pas jusqu'à sa cachette non, un peu avant. Elle avait comme senti sa présence, et il l'avait bien compris, il entra donc dans son champ de vision, tenant dans la main ce qu'elle avait convoité quelques minutes auparavant. De cette rencontre se suivirent de nombreuses sorties, il l'avait un peu prise sous son aile en quelque sorte, il voulait la protéger tout simplement, sans l'encombrer, être présent quand elle en avait besoin tout simplement. Il avait sa vie à coté, elle avait la sienne et il ne se permettait pas de s'y immiscer.
Pourtant ils avaient fini par savoir et comprendre le secret de l'un et de l'autre, une obligation d'ailleurs pour se prouver leur confiance respective. N'importe qui ne devait pas connaitre l'emplacement de sa cachette, c'est pourquoi il avait accepté de lui raconter son passé, tout son passé. Mais revenons en à nos moutons... Elle n'était pas là, cela faisait un moment qu'il n'avait pas eu de nouvelles d'elle, partie pour ses propres affaires, ce qu'il pouvait deviner sans jamais dire pour ne pas l'offenser, il savait qu'elle partait souvent ainsi et revenait dans les heures qui suivaient. Sauf que là, elle n'était pas revenue aussi vite. Lui en avait profité pour passer par les arènes, un endroit qu'il fréquentait quelque fois, quand ce n'étaient les fosses. Le choix était facile, les arènes étaient plus sûres, plus "officielles", tandis que dans les fosses, ces arènes clandestines où seuls les rebuts de Rome combattaient pour de grosses sommes, étaient surtout présentes pour tout ce qui tournait autour des paris. De grosses sommes d'argent passaient par ces fosses.
C'était ainsi qu'il ramenait son "pain quotidien" pour la cachette. Il ne voulait pas rester à rien faire, profiter uniquement de ce lieu sans participer en quoi que ce soit. Parfois il revenait un peu amoché, mais la plupart du temps les combats étaient rapides, son pouvoir du contrôle du temps lui offrait un avantage conséquent sur ses adversaires. Quand il rentra, seuls les vêtements de la seconde personnalité de Neera étaient présents. Elle avait donc fini par rentrer... Pourtant elle n'était toujours pas là. Ce ne fut que plusieurs heures plus tard qu'elle fit son apparition. Et quelle apparition !
C'est un énorme fracas qui attira l'attention d'Appius, tête tournée vers l'entrée de la cachette, vers l'échelle, il pouvait voir une masse gisant sur le sol et marmonnant après avoir chuté. Etait ce elle ? Elle qui était pourtant si souple et agile ? Il se leva d'un bond du canapé sur lequel il s'était assis pour méditer, puis stoppa le temps en cet endroit pour n'apparaitre que face à celle qui trainait encore sur le sol. C'était bien elle, une petite entaille sur le front, le regard embué. Le temps reprit sa place et son chemin, alors qu'il venait d'apparaitre face à elle. C'était probablement la capacité qu'il préférait, pouvoir apparaitre et disparaitre à sa guise. Mais celui qui connaissait son pouvoir savait qu'il ne pouvait aller bien loin avec cela.
- Tu ne fais pas autant de bruit quand tu rentres d'habitude...
Il attrapa sa main qui trainait près du sol, puis l'aida à se relever, sans vraiment le lui demander à vrai dire. C'est là qu'il se rendit compte de son état. Elle sentait l'alcool et ne tenait droit que difficilement...
- Qu'as tu fait ? Et pourquoi as tu pris autant de temps ? Est ce que ça va ?
Cela faisait pas mal de questions à vrai dire, mais il s'inquiétait un peu de la voir ainsi, il avait essuyé de son pouce le sang qui perlait sur son front, rien de très grave, mais tout de même, dans quoi s'était elle fourrée cette fois ?