par Katla Buskvej le 10 Avril 2013, 21:57
Le tibre était un fleuve étonnant. La vie y était encore relativement riche, au niveau des poissons, et j'y avais trouvé pile ce qu'il me fallait.
Je n'avais plus un rond. D'un autre côté, je n'avais pas l'habitude de gérer des économies... Dans la Citadelle tout était gratuit et produit à la demande et au besoin. Nous avions entendu parler du système de monnaie, mais dans les livres d'histoire, par conséquent je m'étais vite retrouvée à sec... D'autant que mon régime alimentaire était à peu près celui d'un ours. C'était un des défauts majeurs des corps de combat : y'a de l'armement, y'a du blindage lourd, et du coup y'a pas la place pour un système digestif avancé. De fait, je mangeais 30% plus qu'un humain normal, alors que je n'avais qu'un cerveau à alimenter et non pas un système de muscles et d'ossements complexe.
La raison était assez simple. En plus du manque d'efficacité du système digestif adapté aux corps de combat, j'avais le cerveau bourré d'implants qui accéléraient son activité de manière conséquente... Or, le cerveau, ça consomme de l'énergie. Donc un cerveau boosté, ça consomme encore plus de nutriments.
Le fait était que du coup, je devais me démerder, mais j'avais de la chance : j'étais assez bien équipée. Ce soir, donc, je voulais du poisson, et le Tibre avait ce qu'il me fallait. Utilisant le filtre IR de mes capteurs optiques, je pus repérer les poissons qui s'y cachaient sans trop de mal. Le reste était un jeu d'enfant : il suffisait de projeter le métal liquide qui me recouvrait vers l'avant, sous la forme d'une pointe, pour empaler la poiscaille et la ramener. J'avais le régime alimentaire d'un ours, et leurs méthodes de chasse !
Il faisait en tout cas nuit et j'avais la dalle. J'avais récupéré un couteau chez Isaa, autant dire que ce n'était pas vraiment le top du top, mais vu que mes plaques extérieures étaient faites d'alliages de métaux et de céramiques, il était possible de m'en servir pour aiguiser les couteaux. Une fois cela fait, je posai les poissons décortiqués sur une pierre plate, mettant des coups extrêmement rapides avec la lame pour découper la chair en tout petits morceaux. En théorie j'aurais dû la mixer, mais heh, ils n'avaient pas inventé le mixer. Ni l'électricité. Bref.
Je mélangeai ensuite tranquillement les morceaux fins de truite arc-en-ciel et de sandre, les deux poissons que j'avais récupérés, y ajoutant un par un les autres ingrédients. Des tomates que j'avais écrasées, un peu de crème, du basilic, du sel, une sorte d'épice qui ressemblait vaguement à du poivre, et deux oeufs, le tout dans un moule en terre cuite. Sans rire quoi, en terre cuite... J'aurais payé cher pour avoir du téflon. Enfin dans un sens je n'aurais pas pu payer vu que je n'avais pas un rond, mais enfin, c'est histoire de dire.
Je conclus en faisant cuire le tout au dessus d'un feu, au bain marie, dans un petit chaudron fermé, pendant une bonne quarantaine de minutes. Le temps de cuisson passé, je laissai le moule (et le mélange) refroidir dans l'eau froide du fleuve, observant le ciel nocturne et bricolant une mayonnaise de fortune (parce qu'ils n'avaient pas de moutarde, j'avais donc encore une fois dû chercher une sorte d'épice qui y ressemblait un peu).
Tout en remuant le mélange, j'observai donc le ciel, localisant un endroit qui m'intéressait plus particulièrement : l'étoile autour de laquelle orbitait Keilona. La planète sur laquelle nous aurions dû nous rendre, si ces tarés de Kohriens n'avaient pas rasé la Citadelle... L'étoile n'était pas visible d'ici, évidemment, mais je regardais dans la direction où elle était censée se trouver.
Après quelques minutes, je jetai un oeil à la mixture qui devait faire office de mayonnaise. Ce n'était pas super convaincant. Je grommelai donc un peu, dans mon coin d'ailleurs vu que l'endroit était plutôt désert. Je m'étais installée un peu à l'écart des quartiers habités, dans une zone où à priori personne ne viendrait me casser les pieds. J'avais maintenant une sorte de terrine de poisson au basilic, avec une sorte de mayonnaise. Mouais. Ca ferait bien l'affaire, de toutes façons la cuisine de Rome n'était pas brillante... Cela dit, en utilisant de l'énergie, je pourrais tenter de générer de l'or par processus R, pour créer une nucléosynthèse stellaire artificielle. C'était comme ça que la Citadelle générait une grande partie de son métal. L'ennui était que ça me demanderait une quantité d'énergie considérable... Je ne disposais pas d'un générateur MHD géant et je doutais d'en avoir un avant un moment. A ne garder qu'en dernier recours, donc.
Ce fut donc sur ce constat d'échec que je commençai à mâchouiller, réfléchissant encore à autre chose de préoccupant. Vu ma consommation d'énergie, il me restait environ 9 mois d'énergie, ce qui était peu... Je devais donc trouver une solution rapidement...
Et c'était alors que je mangeais qu'observant mon plat, j'eus l'illumination. Chlamydomonas reinhardtii. Ce nom barbare désignait une algue extrêmement commune dans les eaux douces. Et qu'avait-elle de spécial ? Elle produisait de l'oxygène, si elle était alimentée en souffre. Il ne lui en fallait qu'un tout petit peu et le souffre présent naturellement, en faibles quantités, dans l'eau douce lui suffisait. Sauf que cette petite bestiole, si elle était privée de souffre, ne produisait plus d'oxygène... Et produisait à la place de l'hydrogène pur.
C'était bien moins efficace que l'électrolyse de l'eau de mer, mais c'était déjà un moyen existant, qui ne consommerait rien en plus. Ces saletés se nourrissaient des déchets et les eaux des égouts romains feraient l'affaire... Je pourrais probablement stimuler leur reproduction avec des produits bien choisis et générer à peu près l'équivalent d'une pile à hydrogène par semaine peut-être.
Intéressant... Peut-être étais-je sur le point de trouver une porte de sortie.
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Katla Buskvej le 12 Mai 2013, 15:16, édité 1 fois.