par Taurus Antonius le 08 Avril 2013, 19:03
Quelqu’un l’avait acheté, mais il ne savait pas qui. Et à dire vrai, ici et maintenant, peu lui importait.
Peut-être cette jeune femme qui l’avait longuement regardé et avait discuté avec le marchand ou bien cet homme richement vêtu qui ressemblait à un combattant, peut-être un ancien gladiateur ou un ancien soldat de la garnison…
On l’avait amené aux bains et il y était resté assez longtemps pour avoir le temps de se laver et de réfléchir à sa situation, chose qui n’avait pas généré chez lui des transports d’allégresse.
Gladiateur…
Il était entré dans l’eau fraîche et verte émeraude, seulement vêtu de ses cheveux cuivrés. Il n’avait pu réprimer un léger grognement de contentement quand l’exquis liquide avait caressé chaque centimètre carré de sa peau que le soleil avait du mal à mordre. Il avait marché un moment sur le sol un peu glissant avant de s’immerger tout à fait quelques instants assez longs pour être à bout de souffle et obligé de remonter dans une tempête de gouttes d’eau irisées.
Et puis il avait fait des clapotis du bout des doigts sur la surface de l’eau. C’était un jeu auquel il se livrait souvent en compagnie de sa petite maîtresse que le contact avec l’eau soulageait quelque peu de ses souffrances.
Ces jeux d’enfants, celui-ci comme d’autres, il ne parvenait pas à les retirer de sa tête même si Juvenia était morte depuis de nombreuses années, trop pour qu’il puisse les compter car c’était bien plus que les doigts de ses deux mains. Il s’y réfugiait volontiers quand sa vie lui faisait mal ; ils agissaient sur son corps et son esprit comme autant de douces médecines.
Il s’était pris à se demander combien de temps ces réminiscences du passé allaient pouvoir survivre à la vie qui se présentait à lui.
Cette vie allait elle faire de lui un homme nouveau ?
Una partie de lui voulait savoir tandis que l’autre la refusait avec véhémence.
La fraîcheur du lieu ayant fini par dessiner sur sa peau d’albâtre d’imperceptibles petits monts de chair, il était sorti de l’eau pour se frotter le corps et les cheveux avec un mélange de graisse et de cendres parfumées qui se trouvait dans un bassin à côté d’un vêtement plié en deux. Pour finir Il s’était rincé avec une grosse éponge et de l’eau du bain.
Tous ces gestes il les avait vu faire tant de fois et il les avait tant pratiqués sur Juvenia qu’ils lui étaient naturels. Taurus aimait être propre même s’il aimait que sa peau sentît l’odeur poivrée des chevaux et non celle des onguents de toilette qui le plus souvent le faisaient éternuer...
Maintenant il traversait le ludus en compagnie d’un homme borgne qui s’était présenté à lui comme Cletus Segundus, l’un des doctores du ludus .
Je suis là pour faire de toi un combattant. Je sais ce que tu as fait et je sais que je dois faire attention mais j’en ai brisé des plus forts et des plus malins que toi !!
Il fit dans l’air le geste de quelqu’un qui brise une branche ou un os.
Taurus le regarda incrédule. Il ne devait certainement pas parler de la mort accidentelle de la Domina Antonius ?
Le regard gris posé sur l’homme au visage bazané et ridé un peu par les ans fit sourire ce dernier.
Tu sais que je sais, comme cela, nous partons sur un bon pied.
Ils passèrent devant un groupe d’hommes dont les tenues ne laissaient pas planer le doute et qui finissaient leur repas de bouillie d’orge. Des gladiateurs, ses futurs compagnons d’armes, ceux qui allaient partager son quotidien.
Et hélas, son intimité…
« C’est toi le cul-terreux ? « fit une voix
« Viens donc par ici que je vérifie s’il est aussi terreux que ça ton derrière mon mignon ! » fit une autre , moqueuse, qui rajouta un petit bruit évocateur.
Si Taurus avait relevé les yeux qu’il avait baissés au sol à la première remarque, il aurait aussi pu constater que la voix était dotée d’un gestuel prometteur.
Des éclats de rire fusèrent mais ils se turent instantanément sur un grognement du doctore.
Vous avez fini votre repas ?!!! Alors au travail !
Et comme l’un des gladiateurs reprenait son écuelle, l’homme la lui fit voler d’un coup de pied.
Tu as compris ? ! ,Au travail ! Tu mangeras mieux ce soir ! aboya t-il.
Privés de ce qui restait de leur vulgus, les hommes s’en furent par un couloir. Alors Cletus Segundus se tourna vers Taurus et son œil unique, d’un noir profond, se vissa dans le regard gris de l’androïde.
Et toi , ne vas pas croire que j’ai fait ça pour te sauver la mise ! Qu’ils goûtent de ton cul ou qu’ils te démolissent m’est complètement égal du moment que ça ne vient pas perturber mon sommeil ! Il n’y a pas de place pour les perdants ici, n’oublie jamais ça !
Il lui montra une cellule.
Voilà, c’est là que tu vas vivre à partir de maintenant. Tu n’as pas le droit de sortir du ludus sans autorisation et je ne suis pas prêt de t’en accorder une. Si tu désobéis pour aller voir une traînée ou pour aller te saouler, arranges toi pour que je ne l’apprenne pas sinon tu n’auras plus un centimètre de peau sur le dos pour pouvoir t’allonger . Tu es prévenu ! Taurus …
Il ricanna.
Taurus…On va bien voir si tu es un taureau ou juste un bœuf.
Cette phrase dite, il le planta là. Taurus entra dans la cellule, regarda autour de lui. Un grabat de paille posé au sol, un pichet de terre et une écuelle.
Au moins il ne serait pas encombré par le mobilier lui à qui il arrivait d'être si maladroit avec tout ce qui se cassait.
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Taurus Antonius le 11 Avril 2013, 15:43, édité 1 fois.