C’était une belle journée de printemps qui attirait dehors les habitants de l’Urbs et chacun vaquait à ses occupations sans réel empressement, signe qu’il faisait déjà chaud et que flâner était moins éreintant que de hâter le pas. Avec la chaleur revenait la poussière et les odeurs par toujours très flatteuses pour l’odorat.
C’étaient surtout des odeurs auxquelles Taurus n’était pas habitué car s’il était venu deux fois à Rome depuis qu’on l’avait créé, c’était bien le bout du monde. Et jamais il n’en n’avait vu plus que l’entrée, une rue ou deux et l’endroit de destination.
La première fois c’était en compagnie de la petite Juvenia qui devait visiter une tante qui habitait le quartier des Villas et la seconde pour prendre livraison d’une paire de chevaux que son maître Arturus Antonius s’était offert moyennant une somme fort coquette.
Bref il connaissait assez peu Rome , la cité, mais le peu qu’il en avait vu l’avait toujours conforté dans l’idée que même si la vie à l’exploitation était rude et non absoute de dangers, il n’aurait pas aimé vivre dans cette fourmilière assez proche de l'effrayer. Trop de bruit, trop de gens, trop de chaos.
Et encore ne savait –il pas à quel point.
Il était passé par un peu plus de rues quand on l’avait amené à la boutique du marchand d’esclaves. Sur le moment, il s’était demandé pourquoi on l’amenait à Rome ( personne à l’exploitation n’avait eut le courage de lui dire la vérité) mais même s’il n’était pas un monstre d’intelligence, il avait fini par comprendre que son maître s’était débarrassé de lui.
Et...?
En un sens, il le comprenait. Il l’avait fait faire « sur mesure » pour Juvenia et Juvenia était morte. Il l’avait gardé après la mort de l’enfant alors qu'il aurait pu le revendre un bon prix puisqu'il était désormais inutile et lui pour le remercier, avait tué sa nouvelle maîtresse sur un geste qu’il ne comprenait encore pas à ce jour...
Oui elle était une méchante femme mais bon, elle était humaine et les humains n’étaient pas aussi parfaits que les androïdes qui étaient configurés pour l’être. Si ce n’était pas une excuse pour avoir un comportement aussi mauvais c’était au moins une explication à cet état de fait.
Et puis surtout, un androïde en bon état ne tuait pas un humain et à plus forte raison une femme, réputée plus fragile, même si celle-là...
Bon.
Il l’avait tuée, c’était mal mais il ne l’avait pas fait exprès. Mais en ressentait-il des remords ? Pas vraiment… C’était une impression étrange qui l’envahissait quand il y pensait même s’il ne pouvait justifier son geste qui ne faisait pas partie intégrante de sa fonction. Il était quelque part certain que si cette femme avait vécu en même temps que Juvenia, elle lui aurait causé du tort mais là…Juvenia était morte bien avant que la harpie n’arrive à la harceler, à la maltraiter, à en faire une traînée ou pis encore...
Il fut amené sur le devant de la boutique, enchaîné (comme s'il allait prendre le risque de se faire tuer en s'échappant), son corps huilé pour bien faire ressortir ses muscles, son opulente chevelure cuivrée rassemblée en une tresse qui passait sur son épaule gauche et descendait sous le pectoral. Juste vêtu d'une ceinture et d'un morceau de tissu destiné à cacher sa virilité.
Il avait cru comprendre qu’on le vendait comme gladiateur. Alors pourquoi avait-on eu besoin de soulever ce pauvre morceau de tissu pour offrir ses parties génitales à la vue de deux matrones qui avaient gloussé comme des pintades ? Il n’avait jamais entendu dire qu’il y eut une seule femme lanister !
Il avait tourné la tête pour regarder ailleurs, ne pas voir le sourire goguenard sur le visage de ces femmes qui lui faisaient penser à Lucia Fulvius.
Ensuite on lui avait regardé les dents en lui mettant des doigts sales dans la bouche, on avait mesuré ses muscles, on lui avait tiré les cheveux, demandé son nom, demandé s’il savait se battre…Bref on avait fait reculer un peu plus loin les murs de sa patience et de sa bonne volonté.
Voulait-on savoir jusqu’à quelle bassesse il accepterait d’aller ?