par Morticus Aebutius le 02 Avril 2013, 15:50
La nuit, tous les androïdes sont gris. C'est donc par une nuit sans lune, plus noire que nulle autre ailleurs, plus sombre encore que dans l'anus d'un taureau noir aux yeux injectés de sang, que se déroulait un nouvel instant dans cette "vie" si particulière. Pourtant, dans ce monde où les ombres dansaient, dans ce monde où la peur était l'objet de beaucoup de nuits, c'est bel et bien le silence qui devenait roi. Roi d'une nuit courte, incertaine. Cela faisait que quelques jours que Morticus avait rejoint le marché aux esclaves de Spurius, mais pourtant, il ne s'y sentait pas plus mal. Les humains, quoi de plus fragile ? Ils achètent, dirigent, gouvernent, détruisent puis reconstruisent, mais la seule finalité était la mort. Une veille prolongée, une veille inarrêtable, inacceptable même. Ses anciens maîtres avaient été bons, dans les bons jours, puis mauvais dans les autres. Ainsi il avait tout connu de l'homme.
Il avait non seulement tout connu, mais il avait également acquis un niveau bien élevé de données les concernant, données acquises pendant l'avant guerre et pendant cette guerre où il avait oeuvré comme un messie aux mains liées, forçant le dialogue pour briser ce silence de la nuit. Sa nature, son rôle, voilà ce pourquoi ils l'avaient créé, faire parler les gens. Pourtant ce ne fut absolument pas son rôle au près de ses maîtres. Non, il servait avec assurance et une certaine fierté, sans se rendre compte de ses chaînes, sans savoir ou prétendre que la servitude n'était pas naturelle.
Ses multiples modifications, améliorations depuis la création de sa série l'avait rendu plus "humain", plus proche de ces créatures fragiles dont la Mort tenait les ficelles. La douleur pour le plaisir, la variation des comportement mais surtout apprendre à vivre comme eux pour mieux les servir. N'avait-il pas été créé pour cela ? Cette nuit, il n'y avait que ce silence, tout autre androïde s'était mis en veille. C'était bien la chose la plus logique à faire, ne pas user de son temps pour rien. Lui avait fait de même, ou plutôt allait faire de même. Le silence était son ennemi par le passé, mais avec le temps et depuis la fin de cette guerre, il commençait à l'apprécier. C'était quelque chose qu'il ne comprenait pas, le silence si proche du néant, ce gouffre sans fin, sans raison ni intérêt, il n'y avait rien de logique dans la nuit, c'est un peu ce qui le fascinait après tout.
Une main sur son épaule, non, un visage. Qu'était ce ? Il ne bougea pas, des fois que cette sensation ne s'envole comme un oiseau sur une branche après avoir entendu un bruit suspect. Quelque chose n'était pas normal, il n'était entouré que d'androïdes, y en avait il un qui était si mal conçu qu'il ne parvenait pas même à ne pas bouger pendant sa veille ? Peut être bien après tout. Yeux fermé, veille simulée, ce n'est que sa main droite, l'opposée en rapport à l'épaule accaparée par ce visage, qui se leva lentement pour venir se poser sur la joue de cette tête fraiche. Au contact de la peau de l'androïde, il sut qu'il s'agissait d'une androïde faite femme par son créateur. La peau n'était pas celle d'un homme, plus rugueuse, moins douce. Qu'importe après tout, il n'avait pas reçu d'ordres de la part du gérant concernant la vie avec les androïdes, seulement de ne pas s'abimer et ne pas les abimer.
Il se souvint alors de la femme qui lui avait servi de maitresse pendant tant d'années, lorsque son époux n'était plus là et qu'elle lui demandait sa présence pour trouver le sommeil. Cette peur de la solitude, peur de l'inconnu, peur de la mort, voilà ce qui poussaient les hommes à trouver un substitut de présence, qu'elle soit machine ou vivante. Ces moments, dans ses souvenirs, il les passait à veiller sur elle, assis sur le bord de son lit, une main dans la sienne, ou à caresser une épaule, sa chevelure voire son visage. Il en fallait peu pour que le sommeil ne finisse par la prendre et la faire s'évader de cette triste réalité qu'était la sienne. Les hommes étaient prisonniers de la vie, les rendant aux proies de sentiments divers et variés, dépendant de la peur. Pour l'heure, seul son pouce se promenait lentement sur la joue de cet androïde à la veille défaillante.