par Katla Buskvej le 08 Juillet 2013, 13:37
J'ai toujours été une personne très logique, enfin du moins je tentais toujours de l'être. Je rationalisais ce que je voyais, je tâchais de trouver des parallèles qui pourraient rendre parfaitement cohérents et scientifiques les éléments qui m'entouraient. Mais cette fois-ci, je me retrouvai incapable d'expliquer ce qu'il se passa. Totalement. Et c'était terrifiant.
Cette étrange androïde avec une tête de droguée m'observa un moment, et... D'un coup, je me retrouvai au sol, des centaines de messages d'erreur envoyés par mon corps envahissant mon champ de vision. La couche de métal qui constituait ma "peau" devint chromée, les ordinateurs quantiques qui géraient chacun des programmes qui permettaient à mon corps de fonctionner paniquaient, et les implants dans mon cerveau envoyaient des impulsions électriques erratiques qui me faisaient trembler. Quelque chose s'était passé, mais quoi ?
Après quelques secondes, alors que tout revenait en place, je pus finalement lever la tête et aperçus un spectacle pour le moins déroutant : cette même androïde était transformée en pierre, plantée face à un miroir. Était-ce ce qu'il venait de m'arriver ? Cela expliquerait les erreurs dans tous les sens, mais comment aurait-elle pu faire une chose pareille ? Sans compter que ce type de transformation devait nécessiter une énergie incalculable... Et la pierre ne peut pas enregistrer de données, comment se faisait-il que je sois encore en vie ?
Je n'eus en tout cas pas le temps de trop approfondir ce mystère, car mon regard fut attiré par une vision bien plus écrasante encore : Pluton en personne. Il ressemblait bel et bien au démon mythique, le corps noir et parcouru de flammes et de lave en fusion, de longues cornes sortant de son crâne, son regard rouge et maléfique. Paradoxalement, il faisait froid, si froid, dans le temple... J'avais beau être quelqu'un de terre-à-terre, j'étais terrifiée pour plusieurs raisons. Il y avait d'abord la peur primale, la sensation inconsciente et incontrôlable qu'on est face à quelque chose qui nous dépasse, ce sentiment étouffant que notre vie ne dépend que du bon vouloir de la créature face à nous. Il y avait ensuite la peur logique cette fois-ci, je savais pertinemment qu'aussi avancé soit mon châssis de métal, un dieu romain pourrait m'annihiler sans même faire le moindre effort.
Sa voix grave résonna dans tout mon corps, me faisant frissonner. Enfin, en réalité je ne frissonnais pas... Mais mon cerveau donnait l'ordre de le faire, par réflexe, et j'avais donc cette sensation. Il s'adressait à moi, par dessus le marché. Je ne savais pas quoi répondre, et je n'eus pas le temps de réfléchir à une réponse car le dieu avait une autre révélation à faire... Cette androïde étrange, celle-là même qui m'avait amenée ici, n'était rien de moins que la fille de Pluton en personne. Voilà donc d'où venait cette assurance que j'avais vue chez elle... Son discours m'avait semblé décousu, étrange, incohérent, mais pourtant cette volonté qu'elle avait m'avait donné... je ne saurais trop le dire. Confiance ? C'était un peu plus que ça. J'avais même été quasi-hypnotisée par cette force d'âme. Et voilà donc d'où venait cette impression qui m'avait marquée chez elle : elle était la fille d'un dieu, rien que ça.
Pluton parla alors du fait que "cette cité" qu'elle recherchait était la mienne. Je ne comprenais pas de quoi il parlait, et j'affichai un air surpris. L'androïde, Ève donc, répondit alors, éveillant encore plus de question dans mon esprit confus. Elle était au service de ces mêmes franc-maçons dont elle m'avait dit de me méfier ? Elle était au service d'Alpharius ? Et celui-ci était lui-même manipulé par les mystérieux franc-maçons ? Je ne comprenais qu'à moitié... Il me manquait beaucoup d'éléments. Qui est Voldius ? Qui sont ces foutus franc-maçons précisément ? Que veulent-ils ? Que ME veulent-ils ? Qui sont les Ignis ? Quelle fille ?
Mais Eve fit finalement une déclaration que je compris. J'étais en train de mourir... Effectivement. Et elle pouvait m'amener ailleurs, autant dire que cette dernière phrase me rendit curieuse. Où, au juste ? J'étais la dernière de mon espèce, serais-je condamnée à mourir seule dans un coin désertique de ce monde dévasté ? Dans un sens, j'avais toujours su que je mourrais seule, mais malgré des centaines d'années à m'en persuader, cette idée me terrifiait toujours autant. Presque autant que l'immense créature qui se tenait face à moi.
Celui-ci fit disparaître le sommet du temple, laissant alors voir l'univers d'une manière impressionnante, comme si aucune pollution lumineuse n'avait existé. Une vue superbe sur cette galaxie que j'avais tant voulu explorer... Que j'avais échoué à conquérir. C'était trop d'émotions. Quelques larmes coulèrent le long de mon visage alors que je gardais les yeux en l'air, fixés sur ces étoiles auxquelles j'avais voué la quasi-totalité de mon existence... En vain.
- Nous ne vous avons jamais reniés... dis-je alors d'une voix faible et triste. Après quelques secondes, toujours le regard cyan braqué sur cet univers immense, je repris. Nous ne savions même pas que vous existiez... Vous... Vous vous êtes révélés aux romains, mais jamais à nous...
Restant assise, je parvins finalement à observer le dieu, prenant une grande respiration avant de reprendre, comme si je tentais de rassembler mon courage. Contrairement à quelques minutes auparavant, je n'avais pas l'air sûre de moi, ou hautaine. Au contraire, l'humilité était palpable ; je savais très bien à qui je parlais.
- Je suis une scientifique... Pour Rome, c'est une abomination... Pour vous, c'est une abomination... Mais cela ne veut dire qu... qu'une seule chose, Pluton... Cela signifie que... que je n'ai pas d'opinion définitive ou ferme. Je ne m'intéresse qu'à la vérité... Si l'on me prouve que j'ai tort, je serai ravie, car je me serai rapprochée de la vérité et éloignée d'une fausse conception du monde...
Je fermai alors les yeux l'espace d'une seconde, avant de les rouvrir et les planter dans ceux, rouges et flamboyants, du démon primordial. Ou du dieu ? Allez savoir, avec cette allure, je ne savais qu'en penser.
- Quand je vous ai vus pour la première fois... Je vous ai pris pour une bande de blaireaux avec des gadgets technologiques, qui se faisaient passer pour des dieux afin de manipuler Rome. Comme l'a fait Kohren... J'ai pensé cela, car je n'avais... Pas assez d'éléments. Là, à présent... Je ne sais pas quoi penser. Je ne demande qu'à apprendre, à connaître la vérité, j'ai voué ma vie entière à ça et rien d'autre ! Mais comment suis-je censée comprendre ce que vous êtes si je n'ai aucun élément ? Je n'ai pas les connaissances des romains, ni leur foi, je ne PEUX PAS deviner tout ça ! lançai-je finalement avec un air excédé.
Je soupirai une nouvelle fois, avant d'illustrer ce dont je parlais.
- J'avais tendance à prendre les romains pour des débiles... Mais, je vais paraître encore prétentieuse, j'apprends vite. J'ai rapidement compris que leur manque de connaissance n'était pas synonyme d'un manque d'intelligence. Qu'un romain ne comprenne pas ce que c'est qu'un métal céramique, c'est NORMAL, il ne peut pas le deviner si personne ne lui a appris ! Et il en va de même pour moi ! Je ne peux pas savoir ce que sont vos putain de franc-maçons si personne ne me l'explique, je ne peux pas deviner ce qu'est la Sainte-Lame ou qui est Asmodée, ni ce qu'est un portail de Kabbale. Je peux apprendre. Je veux apprendre. Je sais que je ne peux pas, qu'aucun humain le peut, mais malgré ça, je veux tout apprendre. Je n'ai jamais rien voulu d'autre... Je m'interrompis, affichant alors un sourire triste et regardant par terre. Enfin presque.
Il y avait autre chose que j'aurais voulu, mais je savais que je ne le connaîtrais jamais. Le bien-être et la plénitude de l'amour étaient réservés à... d'autres personnes.
- Ève dit vrai, de toutes façons. Dans moins de sept mois je serai morte. Je pense que ça règle le problème. J'en aurais voulu, des choses. Explorer l'univers. Lancer l'humanité dans la conquête de cet espace infini. Transmettre mes connaissances pour qu'elles servent aux générations futures. Et des choses moins "grandiloquentes", aussi. Être aimée. Avoir des enfants. J'eus visiblement un peu de mal à continuer, et ne repris qu'après une ou deux secondes de battement. J'ai voulu et veux bien des choses, mais je n'ai jamais souhaité le mal de quiconque... Et dans tous les cas, je n'aurai pas le temps. Je passerai mes sept derniers mois à me faire mépriser, insulter, cracher dessus, manipuler et attaquer par des romains haineux envers cette technologique que vous avez bannie. Vous dites que vous acceptez de répondre aux questions... J'en ai une. Pourquoi suis-je encore en vie ? A quoi est-ce-que ça sert ? Quel intérêt, d'attendre sept mois pour arrêter les dégâts ? Pourquoi ne m'avez-vous pas abattue dans le désert ?
C'était quatre questions, mais le fond des quatre était le même : pourquoi étais-je encore en vie, au juste ? Je tournai alors la tête, tombant sur Ève. Il y avait ce quelque chose en elle de brillant, d'irradiant... je fronçai alors les sourcils, ma curiosité naturelle reprenant presque immédiatement le dessus. Qu'est-ce-que c'était que cette tisane encore ? Mes yeux se mirent à luire d'une légère teinte rouge alors que j'avais activé le filtre infra-rouge, cherchant à voir si cette boule d'énergie pure émettait de la chaleur... Puis mon regard devint légèrement vert alors que je vérifiais les émissions de rayons X et de radiations... Je ne comprenais pas face à quoi j'étais. Quelque part... Cela ne me changeait pas beaucoup.