Je haussai les épaules quand elle demanda ce qui avait provoqué la destruction de la Citadelle.
- C'est la peur qui a provoqué cette destruction. Un homme, ayant peur de la mort, a décidé de recourir à la violence en pensant qu'elle repousserait cette issue inévitable que l'on devra tous connaître. Un peuple, ayant peur de cet homme aux pouvoirs qu'ils ne comprenaient pas, a décidé de le vénérer et de suivre ses ordres aveuglément. Une civilisation avancée, ayant peur de se faire attaquer par ce peuple primitif, a créé des armes de plus en plus dangereuses. Et enfin... Un homme, ayant peur de connaître sa fin, a décidé de faire exploser toute la ville plutôt que de faire face à ses adversaires. C'est la constante de cette histoire aussi ridicule que tragique. Tous ceux qui ont contribué à détruire la Citadelle étaient des personnes réfléchissant non pas par rapport à l'expérience et la logique, mais par rapport à leur seule peur.
J'affichai un petit sourire en coin avant de relever la tête et de regarder Isaa.
- Pour prendre ça de façon moins obscure, l'un des nôtres a été exilé de la Citadelle, il aurait dû mourir... Mais il a fait peur à une peuplade primitive qui l'ont vénéré comme un Dieu, et par un procédé atroce visant à leur vider le crâne pour voler leur corps, il a réussi à survivre. Il a fini par réussir à contourner nos défenses, et terrorisé, l'un de nos scientifiques les plus éminents a paniqué et a détruit la ville. Mais la vraie constante ici c'était la peur.
Elle évoqua ensuite le fait que je pouvais sans aucun souci loger chez elle, et conclus en indiquant que sa loyauté était sans faille... J'avais du mal à cacher mon expression aussi inquiète que presque déçue. Je ne voulais pas la décevoir, mais ce n'était pas du tout ainsi que je fonctionnais. La culture de la Citadelle était très différente.
- Oubliez la loyauté, surtout sans failles. Gardez toujours un esprit critique. Sans cela, vous vous ferez écraser. Pas la peine d'être paranoïaque, évidemment... mais prenez toujours les choses avec un grain de sel. Réfléchissez à ce que vous ne voyez pas forcément. Par exemple... Caius est arrivé, disant être l'élu des dieux avant de casser une partie du sénat en morceaux, et dire vouloir renverser les politiciens corrompus. Mettius, lui, a répondu que seuls les tyrans faisaient appel à une telle violence, et a cédé aux exigences de Caius.
Je laissai une brève pause pour analyser l'information, avant de reprendre.
- En observant la scène, le bouseux moyen conclura que Caius est un demi-dieu envoyé par je ne sais quelle entité mystique pour nettoyer Rome de la corruption, et que Mettius a cédé. Mais en étant plus fin que ça... On voit que Caius s'est servi de cette "apparition divine" dans le désert pour prendre le pouvoir, pour lui et personne d'autre. Il ne veut pas le bien de Rome, il veut juste être le chef, en utilisant cette autorité semi-divine comme prétexte. Quant à Mettius... Il est bien plus intelligent que Caius, mais ses intentions sont les mêmes. En accédant à la demande de Caius, il passe pour quelqu'un d'humble, prêt à reculer pour protéger les siens, laissant de côté son honneur pour sauver des vies. En somme, il adopte une figure de père protecteur, figure qui a toujours été populaire chez les hommes.
Je fis finalement un geste de la main, l'air de "balayer" tout ça et passer à autre chose.
- Tout ça pour dire qu'il faut garder un esprit acéré et prudent, pour rester libre et indépendant. Vous remarquerez que cette liberté d'esprit, elle est souvent menacée, convoitée... Les "dieux" veulent être priés et vénérés sans conditions, ôtant ainsi leur esprit critique aux romains. Les politiciens usent de manipulation pour faire croire aux romains qu'ils sont le "vrai" protecteur de la ville, ôtant ainsi leur esprit critique à la population. C'est lorsque l'esprit critique d'un peuple cède, que celui-ci tombe. Tous les dictateurs les plus fous et dangereux de l'histoire ont accédé au pouvoir et détruit la moitié du monde à ce moment-là... Quand l'esprit indépendant des gens est tombé. Gardez votre loyauté pour vos valeurs, pas pour moi ou qui que ce soit d'autre.
Pfff bonjour le discours moralisateur, tiens. Je me faisais un peu penser à Haldof, un des plus gros casse-pieds de la Citadelle. Il fallait vraiment que je trouve un moyen de me faire une soirée avec de la bouffe de l'alcool et du sexe, tiens, ça me détendrait un peu et avec de la chance je serais moins chiante.