Mais qu’elle idée j’avais eu de proposer de faire le dîner. Si le désert ne l’avait pas tué, je risquais de le faire en voulant la nourrir. Heureusement, mon sens de l’improvisation allait venir au secours de mon empressement. Je sortis dans la rue pour découvrir combien les festivités avaient commencé. Voilà qui me sauvait. J’arrivais devant un commerçant qui fermait sa boutique. Inutile de marchander, il ne restait pas ouvert. Je me souvenais qu’il était venu pleurer le départ de son fils. Soit il allait l’enterrer, soit il fêterait cela. Je ne serais jamais sur la liste des priorités. Je sentais une odeur de viande et de pain cuits. J’approchais et trouvais enfin l’origine de ce que je cherchais. Un barbecue géant... Je m’avançais, et découvrit Sylvio, un homme qui m’appréciait guère.
-- Tiberius, comment vas-tu ?
-- Bien bien merci !
-- Tient sert-toi !
Sa générosité me surprit mais sa fille était rentrée saine et sauve. Elle aurait vu Venus et était convaincue d’avoir survécu grâce à elle. Je souris bêtement et il m’offrit deux pièces de viande et du pain ! Parfait, des fruits auraient pu être sympa, mais j’imaginais que Camila avait faim, vraiment faim. Je rentrais quand Venus me sourit. Une femme me tendit une grappe de raisins et une autre des agrumes. Je savais les romains généreux pendant les fêtes, mais mon regard se dirigea vers le Temple de Venus. Je rentrais cinq minutes plus tard en espérant que Camila ne me cherchait pas.
Non, aucun signe d'elle dans la cuisine. Je trouvais un couteau, découpai la viande en tranches en tentant de ne pas m’amputer la main et les disposai sur des tranches de pain. Bon... Voilà, ça semblait pas si chaotique. J’observais l’entrée et revoyais les bottes, la cape et le sac plein de terre et de sable. Cette crasse, l’usure des vêtements contrastaient tellement avec le reste de la maison. Quel enfer avait-elle vécu ? J’aurais aimé avoir un de ces vieux appareils photos pour immortaliser cette scène. Une maison immaculée, des affaires usées et deux testaments pour le destin d'une androïde...
Je réfléchissais à la disparition du Consul. On pensait retrouver son corps quelque part. Un androïde avait même été arrêté pour son meurtre. Et pendant tout ce temps, il était partit rejoindre le corps expéditionnaire. Je ne comprenais pas tout mais les dates correspondaient. Il avait disparu avant la fête de Sylvia et ma réapparition. Elle revint comme je ne l’avais jamais vue. Elle portait un simple peignoir, ni la tenue sénatoriale, ni son armure. Je n’avais jamais vu ses cheveux humides non plus. Et elle sut me rappeler pourquoi je l’aimais. Plutôt que de penser à elle, elle me parla des dieux. J’étais abasourdi par les révélations, mais la nuit allait être longue. Pourquoi se pressait-elle ? Je repris un autre raisin et lui mis dans la bouche. Elle voulait parler encore, je lui en redonnais un jusqu’à ce que je ris et qu’elle comprenne où je voulais en venir.
-- Je n’ai pas l’intention de m’en aller. Je vais passer la nuit ici. On a tout le temps de parler de tout cela. Ca semble passionnant et sidérant. Mais on a tout notre temps. Alors, chut !
Je tirais une chaise et la fit s’asseoir devant le repas. C’était du boeuf, j’avais goûter la viande et m’était assuré que ce n’était pas une saloperie du désert.
-- Tu vas manger en silence pour profiter du repas et te poser un peu. Tu ne parles pas et tu profites des saveurs. Je te rassure, je n’ai rien cuisiné, c'est comestible. On ira ensuite s’allonger.
Dans le double sens, je n’étais pas mauvais également. Je pensais à aller nous installer dans le viridarium et passer la nuit à la belle étoile. Non en fait, c’était idiot. Imbécile ! Tibérius ! Elle venait de passer plusieurs mois à la belle étoile et toi tu penses dormir dehors ! Restait son lit...
Elle prit le temps de manger, de toute façon elle n’avait pas le choix. Je mangeais avec elle. Le repas était bon, très bon même et dans ce silence je pus en profiter comme elle. Je me surprenais en prenant soin d’elle ainsi. Visiblement, elle était épuisée. Je regardais ses mains. Elles étaient propres, mais elles étaient griffées. Je n’avais pas à m’en vouloir, mais je m’en voulais.
On finit de manger et je l’emmenais vers la chambre pour qu’elle s’allonge. C’était étrange. On entendait la foule festoyer dehors et nous étions tranquillement allongés calmes. Je l’avais laissée se glisser sous les draps soyeux et les épaisses couvertures. Elle n’avait pas besoin de leur chaleur mais surtout de leur poids, de se sentir en sécurité. J’avais fait le tour du lit et je m’étais allongé sur le lit, pas dans les draps. Je ne voulais pas lui imposer ma présence malgré son baiser passionné.
-- Maintenant tu as le droit de parler...
Je ris, m’attendant à bouffer l’oreiller en guise de dessert.
-- Comment vas-tu ?
En posant cette question, je voulais lui témoigner que je tenais plus à elle qu’aux informations sur les dieux.