(E5) Retour à Rome

[Arvena]

Le corps expéditionnaire était rentré, acclamé en héros. Journée pouvait-elle commencer de manière plus pire ? Les badauds s’attroupaient pour apercevoir les soldats alors que d’autres plus furtifs filaient vers les grandes demeures afin de troquer cette fraiche nouvelle contre quelques piécettes.

Les héros sont de retour, les héros rentrent à la maison…

Vorenus me mis rapidement au courant et j’eu à peine le temps de me préparer que la garde prétorienne toquait déjà à ma porte. Le Sénat en entier est convié, les héros arrivent.

Rapidement sur les lieux, je constate avec une certaine surprise que la demeure politique ne compte pas un seul absent… en une vingtaine de décade je peux compter sur les doigts le nombre de fois où un tel prodige eu lieu. Alliés et ennemis réunis, certains exposant sourires et satisfactions alors que d’autres, comme moi, restent plus circonspect… plus froid à cet évènement.

Prenant place près des Jénoviens, j’observe l’arrivée des protagonistes. Voir des soldats en arme a le dont de me mettre de sale humeur d’autant qu’on peut encore sentir le sang sécher sur leurs lames. Je regrette que Vorenus ne puisse être présent, je me sentirais plus à l’aise avec mon enfant pour me protéger.

L’arrivée de Caïus est impressionnante et la découverte de l’artéfact fini par creuser mon malaise. Les rumeurs sont vrais semble-t-il, le héros est semi-divin et son arme parle pour elle-même…

… parle trop même. Les secousses stressent tous les sénateurs présents et je découvre une certaine tension même du côté des alliés de Caïus. Personne ne s’attendait à une telle menace, les prétoriens s’agitent et tous ont les yeux rivés sur celui qui passe doucement du titre de héro en menace émergeante. Mauvais calcul soldat ! La mort du fils d’Arotus fini par glacer d’effroi chaque politique présent. Ainsi la mort a traversé les déserts, s’est infiltré au travers de nos murs et est venu s’abattre sur ceux qui œuvrent pour le salut de Rome. Le préfet est-il lui-même dépassé par cette puissance ?

Les accusations commencent et j’ai peine à empêcher un sourire se dessiner sur mes lèvres. Les « cartes » oui, c’était astucieux même si cela s’est avéré assez inefficace. Un simple détail, presque une plaisanterie… Penser que seul le prélat soit derrière cette machination est d’une telle naïveté, visiblement être le fils d’un dieu mineur n’aide pas à la réflexion.

Nouvelle secousse, nouvelle attaque et mon ami sauvé in extrémis. Je quitte à peine le préfet du regard. Est-il conscient de ce qu’il fait ? Je cherche une trace d’horreur dans son regard, de méprise. Trop éloignée je ne décèle rien… Caïus me donne pourtant l’impression de l’apprenti magicien qui découvre trop tard la portée de sa petite baguette !

La réponse de Mettus ne se fait pas attendre et ce dernier déploie ses propres armes, plus sournoises et plus létales que le jouet du soldat. J’en profite pour observer Camilla, curieuse de sa réaction face aux exigences du « héros meurtrier ». Ce dernier a perdu pas mal d’appuis en l’espaces d’une poignée de minutes, la sénatrice acceptera-t-elle d’être associée à ce dernier ? Le Prélat n’épargne pas l’imprudent et l’isole par sa verve. Je souris, satisfaite de la situation… le fils de Neptune est en délicate position et il ne reste qu’à le terminer.

Hélas il en est pas du goût de la Sénatrice Décima qui entre en scène. Si généralement nous avons des points de vue forts similaires, j’avais cru comprendre qu’elle ne partageait pas mon dégout de cette expédition. Je ne suis donc pas surprise de la voir subtilement voler au secours du Préfet sans pour autant donner l’illusion d’être à ses côtés. Je réfléchis quelques temps à sa proposition et aux conséquences de cette dernière.

En agissant de la sorte, Mettus partait favoris des élections… de plus il suffirait d’appuyer Camilla comme prélat de la colonie pour la voir disparaitre du champ politique actuel. Plus important encore, c’était l’occasion de réaffirmer un serviteur de Jupiter à un poste clef. Ce dernier avait su marquer des points aujourd’hui et si cette élection à vie en dérangeait plus d’un, si l'actuel Prélat n'était pas très populaire au sénat… l’idée d’avoir un demi dieu colérique et menaçant à la tête de la cité allait en décider plus d’un.
Alors que je m’étais promis de rester simple spectatrice je finis par prendre la parole en tout simplicité :

« Moi, Arvena Lucita, appuie la proposition de la Sénatrice Décima. »

Nul besoin d’en dire plus et bientôt cet appui sera suivi de plusieurs autres.

[Tempus]

Une sénatrice androïde, on aura tout vu. J'aurai dû me douter que cette femme n'était pas humaine. Elle me semblait toujours si parfaite et inaccessible. Cependant, pendant que je visite le domus de Sybilla, je me dis que cette garce avait quand même bon goût. Je ne sais pas encore ce qu'on va lui réserver, mais j'ai bien envie de l'acquérir si elle échappe au démantèlement. Cela pourrait être marrant d'avoir cette androïde au service de mes clients. Ou bien mieux, elle pourrait parfaitement servir mes intérêts et s'occuper de mon projet futur. Plus je découvre sa propriété et plus je me dis qu'elle ferait parfaitement l'affaire. De plus, tout le monde va vouloir se l'arracher. Hors, il est toujours plus agréable d'acquérir ce que les autres convoitent. C'est à cette pensée que je me retourne pour faire face à l'architecte, un grand sourire aux lèvres.

Je veux acquérir cet endroit ainsi que tout ce qui s'y trouve.

Absolument tout ?

Oui, tout ! Les tentures et toutes les babioles qui s'y trouvent.

C'est alors que des cris se font entendre et qu'un enfant arrive en courant.

Ils sont revenus mon seigneur.

La foule acclame le retour de soldats. Serait-ce possible ? Le corps serait-il revenu ? Je me dirige l'air sévère sur la terrasse d'où je peux voir au loin les portes de la cité.

J'en connais un à qui cela ne va pas plaire.

Je ne suis pas sûr de ce que j'avance. Si les dieux sont avec lui comme il en a toujours été le cas jusque là, alors les sénateurs envoyés au front auront tous péri ainsi que le vaillant Caius Aquilius.

Allez chercher ma monture, je dois retrouver le prélat au plus vite.

Mes pas prennent déjà la direction de la sortie, talonné par l'architecte à qui je confirme ma transaction.

Faites-moi les documents nécessaires et venez les porter au sénat au plus vite. Si cela est fait rapidement, je louerais certainement vos services pour mon projet.

Je ne lui en dis pas plus. Tout ce qu'il doit savoir, c'est qu'il perd un futur contrat s'il ne me fait pas signer au plus tard dans la soirée.

Dans les ruelles, c'est la folie. Tout le monde coure dans tous les sens à la rencontre des héros. Au triple galop, je me dirige vers le sénat quand je me retrouve retardé par un accident. La route principale est obstruée par un char qui s'est retourné, déversant des amphores brisées d'huile d'olives sur les pavés. Je n'ai d'autre choix que de me retourner vers un autre chemin envahit de villageois et difficile de progression. Quand j'arrive au sénat, la tension est là et ce n'est plus de la joie qui inonde l'atmosphère. J'aperçois les gardes de Minerve, mais surtout le plus surprenant et pour moi le plus inquiétant, la prêtresse-guerrière de cette déesse en position d'attaque.

Aquila n'est pas femme à sous-estimer. Elle est redoutable et son nom fait frissonner autant qu'il éveille l'admiration. Il n'est pas facile pour une femme de sortir du lot, surtout quand on sert Minerve. Elle a réussi un exploit et cela avec son jeune âge. Quand j'arrive près d'elle je comprends qu'il est préférable que j'évite l'humour. Je ne peux cependant pas m'empêcher de retarder mon regard sur la femme prise dans les glaces. Son physique n'a rien de commun et je sais déjà que le corps n'est pas revenu bredouille. Je ne m'attarde pas plus que de raison et c'est sans discrétion que j'ouvre les grandes portes ornées d'or du sénat, suivi de mes gardes personnels. Je ne dois pas avancer longtemps avant de comprendre que quelque chose ne se passe pas comme prévu. Une personne gît sur le sol. Quand je m'approche je remarque que celui-ci est brisé par endroit et quand je suis ses fissures, elles me dirigent vers mon ami, Mettius. Tout le monde est silencieux et sur la défensive et je sais que l'heure est grave.

Resté en retrait entre Caius et la sortie, mes gardes n'attendent qu'une parole pour fondre sur le préfet. Mes yeux se perdent sur la foule. J'aurais préféré que certaines personnes ne soient pas présentes, mais cela aurait été mal en connaître certaines. Un regard avec Mettius et je n'attends qu'un seul ordre de sa part pour agir. Très rapidement je saurais comment je dois réagir. Dois-je tenter de calmer les foules ou bien ce stade est-il bien trop loin pour nous tous ?

[Maximus]

Tout semblait glisser des mains du corps expéditionnaire. Maximus comprit les raisons poussant Caius à mentir sur la nature de Katla. Mais le caractère de l’étrangère la rendait incontrôlable et Rome n’accepterait jamais ce comportement s’il est associé à une androïde. Il s’inquiétait particulièrement de la sortie de Katla. Elle fut aussitôt suivie par l’entrée du conseiller du prélat et sa position vis-à-vis de la garde prétorienne inquiéta le titan. Il s’approcha de Caius et prit la parole pour tenter d’apaiser les tensions.

-- Voici une proposition très louable et particulièrement pacifique de votre part, prélat Mettius Aurelius.

Il recula aussitôt et observait les forces en présence. Les jovaniens s’unirent rapidement, les vénusiens se montrèrent discrets. Quant au plutoniens et minerviens, leur tension était palpable, partagés entre le bonheur des retrouvailles, l’inquiétude de partager les survivants des morts et cette nouvelle annonce mettant en branle les fondations de la dynastie Aquilius souhaitée par le prélat.

Si dans la chambre sénatorial, Mettius venait de riposter avec un brio politique, le peuple n’oublierait pas que Caius revenait avec de grandes nouvelles. Maximus estimait que ce n’était ni le lieu, ni le moment opportun pour poursuivre la discussion sur la colonie. Il n’était sénateur et laissait ces décisions au soin du sénat. Il ne pouvait ni veiller à ce que les décisions soient prises, ni peser de tout son poids pour influencer la construction de nouveaux remparts. Il espérait que les pierres coloniales servirait la défense de la ville et que Mettius ne rejette pas l’arrivée des Khorn à Caius.

C’est pourquoi, il prit le parti d’apaiser tout le monde et tint des propos pour calmer le jeu et mettre fin à la séance. Par chance, seul un androïde avait subi des dommages colatéraux. Il approcha du corps et souleva le pilier pour le faire rouler. L’androïde était éteint. Il fit un signe vers un soldat pour l’aider à ramasser les morceaux. Les sénateurs s’écartèrent et le brouhaha des pièces coupa en quelque sorte le débat. Maximus espérait que cette pause inciterait tout le monde à sortir. Mais rien n’était moins certain.