Une autre soirée, fraîche, de tranquillité, se déroulait sans incident. Melina avait du mal à bien cerner ce qu'il se passait, à réaliser la situation dans laquelle elle se trouvait. Déjà à l'époque où Septimus était en vie elle jouissait d'un niveau d'indépendance très supérieur à celui donné à la large majorité des androïdes, elle faisait même partie d'une sorte de caste très privilégiée dans ce domaine.
Mais depuis la disparition de son ancien maître, tout s'était déroulé d'une manière étonamment fluide. Elle n'avait pas eu besoin de changer de propriétaire, et de lutter contre un nouveau possesseur avide de pouvoir ou abusif. Non. Elle avait repris un contrôle quasi-total du domaine de son ancien propriétaire, et pouvait faire ses petites affaires sans le moindre problème ou la moindre remarque de qui que ce soit. Le musée avait un succès surprenant : l'androïde s'attendait à trois ou quatres visites par jour, au maximum... Le peuple de Rome n'était pas toujours connu pour son avidité en matière de savoir.
Mais pourtant, certaines journées voyaient des visiteurs et touristes en tous genres passer par paquets de cinq, six, montant à une quarantaine de personnes par jour parfois. Pour une cité dont la population était relativement faible au fond, car on était loin des anciennes mégalopoles comptant des dizaines de millions d'habitants, c'était plutôt un bon score. Cela amenait des revenus, au Temple de Venus majoritairement. Pour ses revenus personnels, Melina avait quelques accords, quelques trafics.
Et c'était l'un de ces trafics qui allait la distraire ce soir. Terminant la fermeture du musée, toujours dans une de ces tenues surréalistes qu'elle appréciait particulièrement (
01 02 03 04), son attention fut attirée par une présence. Elle ignorait de qui il s'agissait, mais sa fonction principale étant de lire les désirs des gens, elle remarqua rapidement que quelqu'un avait envie de richesse. La portée de son pouvoir étant assez faible, elle savait aussi que cette personne était sur le domaine, et de fait, venait la voir elle.
S'installant donc confortablement dans la pièce principale, la pièce à vivre où il n'y avait pas d'exposition, elle attendit en lisant un livre. Il s'agissait de mythes datant d'avant la stérilité, alors que Rome n'était qu'un terrain vague et infertile, bien avant que les dieux n'arrivent et que la ville ne renaisse de ses cendres, littéralement. Alors qu'elle était allongée sur la couche recouverte de velours rouge, une jambe relevée et le nez dans les anciennes pages, une figure fine se fit voir dans l'encadrement de la porte. Ce masque, elle le connaissait, mais son porteur semblait avoir changé.
- Vous avez perdu du poids. Et de la taille, commença l'exubérante rousse -quoique blonde ce soir- sans lever le nez.
Et vous avez pris des formes, si je ne m'abuse, continua-t-elle avec un petit sourire amusé au coin de ses lèvres couleur framboise.
Élevant finalement ses yeux turquoise vers celle qui s'était introduite dans le Domus, elle afficha alors un sourire moins amusé, et plus franc, passant quelques longues secondes à la détailler.
- Non que ces changements de style me déplaisent, mais je dois avouer qu'ils m'intriguent.