J'avais l'impression que le temps c'était arrêté pour nous pourtant les minutes continuaient de s’égrener. Chacune me semblant plus merveilleuse encore que la précédente. J'étais touché par le fait qu'il aurait voulu être près de moi pour mon dernier au revoir à mon père bien-aimé. Cela me faisait du bien de le savoir. J'y avais songé en plus mais je n'avais pas osé le déranger. J'avais été seule ce jour-là ou plutôt ce soir-là.
"Mon père n'a pas été enterré. J'ai préféré le bûcher funéraire et j'ai répandu ses cendres sur les champs aux alentours de la cité. Mais tu sais, tu étais avec moi. J'ai pensé à toi cette nuit-là. Je t'imaginais près de moi, me tenant la main et ma peine semblait alors moins lourde à porter."
C'était vrai. J'avais pensé à lui tout le temps que le bûcher avait brûler. Quand les premières lueurs du matin avait touché la cité, les prêtres avaient réunis les cendres pour me les remettre dans une petite boite de bois. J'aurai pu la garder mais je ne voulais pas. Je préférais répandre ses cendres sur la terre que je chérissais tant. A chaque fois que je regardais les champs, je revoyais mon père, sa droiture, son honneur, sa générosité, sa tendresse. Et ce matin-là, Caecilius avait été avec moi. Bien présent dans mon esprit, presque tangible à mes côtés. J'aurais presque pu sentir sa présence près de moi. J'aurai aimé être dans ses bras. Je me le suis imaginée et ma peine m'avait semblé un peu moins lourde à porter. Si, il avait été là même sans le savoir et il m'avait aidé.
Je souriais et me sentais soulagée quand je l'entendais prononcer les mêmes mots que moi. Lui aussi m'aimait et me le disait. Cela faisait tant de bien à entendre. C'était si surprenant que trois mots, trois mots tout simple, puissent rendre les gens aussi heureux. Pourtant c'était bien le cas. J'étais heureuse de lui avoir dit et encore plus heureuse qu'il me les dise. Je serrais un peu plus fort sa main et nos doigts s'entremêlaient avec tendresse. Il vint alors me gratifier d'un baiser délicat. Il avait raison, cela devenait de plus en plus agréable et j'étais heureuse qu'il le fasse. Notre repas s'acheva dans le silence mais nous n'avions pas besoin de parler. Nos deux mains liées exprimaient tout notre amour. Il me proposa alors de lire pour lui.
"Oui, j'aime lire même si j'avoue en avoir peu l'occasion. Mon travail me prend beaucoup de temps."
Je me doutais qu'il avait une culture bien plus étendue que la mienne. Je passais tellement de temps avec mes plantes. Senecca m'avait fait beaucoup lire par le passé mais j'avais presque cessé de lire depuis deux ou trois ans. Non pas que je n'aimais pas ça. Loin de là. C'est juste que je travaillais tellement que j'étais trop fatiguée pour lire le soir. Quand je prenais un livre, neuf fois sur dix, je finissais par m'endormir avec lui. Mais je serais ravie de lire pour mon compagnon. Je me levais, abandonnant temporairement sa main, le temps de débarrasser notre table. Je déposais nos assiettes et couverts dans le bac pour la vaisselle. Je commençais presque par habitude à laver les assiettes.
"Je serais ravie de lire pour toi. Qu'est-ce tu as envie que je te lises ? Tu as des préférences ?"
Tout me convenait. Peu m'importait le livre tant que j'étais avec Caecilius et que je lisais pour lui.