Rome basculait dans une noirceur qui m’effrayait. Je n’étais pas dotée de pouvoirs psychiques ou tout autre mais j’avais toujours su écouter mes pressentiments. Et depuis presque cinq cent ans, j’avais pris l’habitude de décoder mes intuitions. Notre Grand prêtre avait disparu depuis des semaines Le corps expéditionnaire était parti vers des contrées inconnues. Le Prélat, fier de cette mission et de ses soldats, agrémentait les diverses conversations de la cité. Il était même venu me voir pour consulter nos archives et des vieilles cartes. Moi seule, sous l’autorité de notre Dieu, Pluton, pouvait en donner l’autorisation. Et j’avais été réticente à lui donner ce qu’il voulait. Je ne me mêlais guère de la politique. Mettius Aurelius ne m’avait rien fait personnellement mais ce n’était pas pour cela que je disais « oui » à tout et pour tout.
J’avais besoin de lui parler. De discuter avec celui qui serait me comprendre. Celui avec lequel j’avais tissé depuis des années un lien indéfinissable et sans faille. Il était respecté. D’autres en avait peur. Certains craignaient sa colère et le son de sa voix. Derrière son masque de fer, ses yeux intenses en déconcertaient et en troublaient plus d’un. Je connaissais le vrai visage de cet homme comme je connaissais aussi sa vraie identité. Je ne m’étais jamais habituée à l’appeler Mortis. Je le faisais durant des cérémonies, devant les fidèles du Temples mais quand nous nous retrouvions seuls, tous les deux, en privé, son prénom se faisait entendre. Néro ... Il n’aimait guère cela mais je ne pouvais m’en empêcher. C’était comme un lien immuable entre nous deux, quelque chose qui n’était qu’à nous.
Marchant d’un pas aérien et rapide le long des couloirs du Temple, la nuit venait de tombe sur Rome. La came régnait entre les murs du Dieu des Enfers. Chacun vaquant encore à ses occupations, à ses priorités ou ses envies. Ma longue toge noire flottait à mes mouvements. Ma capuche sur mes cheveux tout aussi brun, j’entamais les dernières marches qui m’amèneraient jusqu’à son appartement privé. J’espérai le trouver. Cela faisait plusieurs jours que je n’avais pas eu le plaisir de croiser Mortis, et lui seul était capable de me donner des réponses aux questions que je me posais. Et puis, discuter avec lui, il n’avait rien de plus agréable. Enfin, j’arrivais devant la porte du prêtre. Je pouvais tout aussi bien tomber sur son esclave. Masi ce n’était pas là mon envie ni mon désir. Je pris une grande inspiration, chassant toute nervosité et toquant deux fois à la porte. Le silence tomba tout autour de moi. C’était terrifiant et angoissant. Aucun bruit derrière la porte. Ma crainte était donc bien fondée. Il n’était toujours pas là. Mes doigts effleurèrent le bois vernis. Où pouvait-il bien être ? Allait-il bien ? Je fermais mes yeux un instant, me remémorant la journée d’aujourd’hui et toutes les précédentes. Il n’y avait rien eu de particulier au Temple. J’aurai été avertie s’il y a eu un souci important. J’inspirai nerveusement, virevoltant sur moi-même pour me retrouver devant la stature imposante de celui dont j’étais venue quémander sa présence et un peu de son temps libre. Mes yeux s’ouvrirent en grand. Il était là, silencieux. Son regard me détaillant avec attention. Mon sourire se dessina sur mes lèvres.
- Tu…
Tu es là !
Je suis si heureuse de pouvoir enfin de voir.
Je voulais discuter un peu avec toi. J’allais retourner dans mon appartement.
Je me déplaçais sur le côté pour lui donner accès à la porte de son appartement. Impatiente d’avoir de ses nouvelles, je poursuivis, ma main se posant tendrement sur son bras.
- Tu vas bien ?
Je ne te vois plus guère depuis ces derniers jours …
Ce n’était pas une curiosité de ma part mais bien un désir de lui faire comprendre qu’il pouvait tout me dire, tout me raconter et se confier à moi comme nous l’avions toujours fait.