Je ne comprenais pas tout. J'étais... Où ? Visiblement dans un
transport léger. Alors que j'ouvrais les yeux, et que les capteurs optiques sortaient de veille, je voyais des lumières clignotantes, floues, troubles. J'entendais aussi des bruits, comme des alarmes aiguës et désagréables, mais lointaines, comme si elles résonnaient à des centaines de mètres d'ici. Si, ça y est, je sais... La Citadelle a explosé. J'ai pu fuir avant qu'Andrew ne comprime le réacteur à l'extrême... Oui, il voulait créer un pulsar, ce gros débile. C'est pas possible, comment est-ce-qu'un type qui a plus de 500 ans et une éducation aussi avancée avait-il pu avoir une idée aussi imbécile ?
Je savais bien comment. La peur. La peur l'avait envahi, il avait craqué nerveusement, cédé à la panique... La pire des conseillères, lorsqu'il s'agit de prendre une décision cohérente et stratégique.
Ma vision devenait moins trouble. Le fait qu'elle soit trouble ne venait pas de dégâts sur les capteurs optiques : mes "yeux" fonctionnaient très bien. Non, c'était le choc de l'explosion qui m'avait assommée, et rendue confuse. Maintenant que les choses s'éclaircissaient, je comprenais mieux les lettres clignotantes et les alarmes en tous genres : le transport était endommagé. Rien d'étonnant. La réserve d'hydrogène du réservoir droit était perforée, et du plasma brûlant à des dizaines de millions de degrés s'en échappait dans une fumerolle aux hypnotisantes couleurs pourpres.
Bon. Rester calme, et voir ce que donne la situation : où est-ce-que je suis, qu'est-ce-que j'ai, et où dois-je aller. Il fallait que je réponde à ces questions en priorité.
Je suis, selon les cartes, déjà à plus de 400 kilomètres au sud de la Citadelle. La propulsion plasma permet d'atteindre des vitesses extrêmes et de couvrir d'immenses distances en une courte durée. Selon le timer de vol, j'avais décollé il y a moins d'une heure. J'entrais dans les zones inexplorées du continent : tout ce que j'avais, c'était des images du satellite Genova, que l'on avait mis en orbite il y a pas loin de 90 ans pour voir si d'autres civilisations avancées avaient survécu... Mais pas de résultat. Genova n'avait pas détecté de fortes lumières, d'ondes radio, ou autres. La seule chose de récupérée fut un plan précis du continent, mais aucun membre de la Citadelle n'étais jamais venu par ici.
Ensuite, qu'est-ce-que j'ai... Je me retournai pour vérifier les réserves, et les nouvelles n'étaient pas brillantes. Un Survipak (sur lequel il était inscrit "Cюpвыпак"), une lance plasma de défense, et un pack d'hydrogène vide. Saisissant le Survipak, j'en observai alors le contenu : deux piles à hydrogène compatibles avec mon corps. Bien. Une tablette de contrôle. Bien. De la nourriture. Ca, j'allais m'en servir dès maintenant. Extrayant une ration d'urgence du pack, je me mis à grommeller... Ces rations n'avaient pas le meilleur goût, en fait il était recommandé de ne pas en consommer pendant plus d'une semaine aux risque de déprimer sérieusement.
Tout en ingurgiteant la partie liquide de la ration, une sorte de gel nutritif contenant tout ce dont le cerveau a besoin, je me penchai sur la dernière question : où vais-je aller ? Au sud, évidemment... Mais à quel endroit, je l'ignorais encore. Peut-être...
Je me réveillai alors. Que s'était-il passé ? J'avais une ration vide entre les mains... J'étais retombée dans les vappes encore une fois, visiblement j'étais moins en forme que je ne l'imaginais au départ. Où étais-je ? J'avais parcouru plus de 1400 kilomètres. J'étais restée endormie pendant 1000 bornes entières ?
Les systèmes étaient en alerte générale : l'hydrogène était quasiment vide et j'étais déjà en train de perdre de l'altitude... De ce que je voyais j'étais en plein milieu d'un foutu désert de merde et il n'y avait aucune trace de civilisation. J'allais vraiment m'écraser là, à cet endroit-ci, perdue en pleine pampa au sud du continent ?
La fumerolle qui m'avait presque hypnotisée avait disparu. Les deux réservoirs étaient véritablement vides, et je dus me rendre à l'évidence : il fallait abandonner le navire.
Sauf que. Bien entendu, comme toujours, rien ne marchait comme prévu... Le système d'éjection était bloqué : la jolie fumée de plasma ardent que je trouvais si poétique avait touché le cockpit, et avait soudé une partie de celui-ci... Impossible de l'ouvrir.
- АХ, МИН ФЮК ДЫГ !!! criai-je à l'attention de l'écran. Je savais bien que la grossièreté n'aiderait pas, mais ça ne faisait de mal à personne au fond.
La seule solution était d'éjecter les réservoirs d'hydrogène pour les laisser continuer, et laisser la cabine s'écraser en l'orientant vers le bas.
En moins d'une minute, les sécurités furent retirées, et les deux "ailes" furent éjectées des deux côtés dans un bruit métallique alors que le reste du transport se dirigeait vers le bas... Le sol s'approchait, j'utilisais les rétrofusées pour manoeuvrer et rendre la chute moins dure, à priori ça allait bien se pass...
Ma concentration fut interrompue par une scène pour le moins surprenante... Mais c'est quoi, ça ? Des péquenauds à cheval ?
La cabine heurta alors le sol, me renvoyant une nouvelle fois dans les limbes de l'inconscience, alors que mon crâne métallique heurtait avec brutalité le côté du cockpit.