Redescendue à toute vitesse, me laissant presque tomber de branche en branche tel un écureuil ou toute créature aussi agile, je suis bien vite arrivée en bas, encore presque physiquement sonnée par la vue que je viens de découvrir. Jamais je n'étais grimpée aussi haut dans un arbre, mais je tâcherais de ne pas l'avouer, ou Caecilius serait capable de me gronder. Ce n'était cependant pas la peur qui m'habitait, mais l'excitation du danger, de ce que j'allais voir tout là-haut, et le plaisir de le montrer aussi à mon ami.
Il me remercie en souriant et j'en suis heureuse. Heureuse d'avoir pu lui offrir quelque chose. Je ne suis pas très douée avec les cadeaux, mais apparemment celui-ci lui a plu, et j'en suis ravie. Son baiser ne parvient même pas à me décontenancer. Je connais Caecilius, et si j'ignore presque tout de sa vie privée, je sais qu'il n'éprouve rien pour moi. Je pense qu'un baiser qui aurait reflété des sentiments amoureux ou quelque chose qui s'en rapproche aurait été moins doux, moins chaste. Il me remerciait, tout simplement, et je ne prendrais ce baiser comme autre chose. Je n'ai pas envie de m'effaroucher pour si peu, ni de me fâcher, alors que tout ça ne veut rien dire du tout, à part un "merci" un peu maladroit.
Je crois qu'il a coupé son pouvoir, ou du moins, je le suppose : lui qui m'a demandé d'arrêter de le regarder tout à l'heure n'aurait pas conservé cette vue qu'il avait à travers les yeux pour me remercier de la sorte. Sa voix retentit à nouveau, doucement, en une flopée de compliments à mon égards qui me font rire. Je lui prends les mains doucement et dit à mon tour, d'une voix douce :
- Oublie les remerciement et autre politesse. Je suis là parce que je suis ton amie, et tout ce que j'ai pu t'offrir, je l'ai fait parce que je suis ton amie. Ce ne sont que des broutilles, ma façon de faire, et si tu en es content, heureux, alors moi aussi, je le suis. Continue de venir tous les jeudis, et ça suffira, tu sais?
Je ne lie que rarement des amitiés avec des personnes. Si je suis sociable et aimable avec tout le monde, si j'essaie de contenter toutes les oreilles qui sont à ma portée en jouant dans le vent, je vais peu souvent jusqu'à l'amitié. Je crois qu'il n'y a que Caecilius et Sylvia qui ont franchi cette barrière que je mets, je crois, un peu volontairement. Je lâche ses mains et m'adosse au tronc, avant d'ajouter sur le ton de la plaisanterie :
- Ceci dit, si un jour du découvre une nouvelle espèce de fleur, appelle-la "Gracilis" en souvenir de moi!