par Sophia Ignis le 25 Octobre 2012, 19:10
Trompettes de la renommée,
Vous êtes bien mal embouchées...
Ceci est une prise d'otage et je suis presque sûre que tu n'as pas le droit de faire ça...
Sophia est plantée devant un miroir, sous le joug d'une androïde très - trop - enthousiaste, qui refuse de démordre de son acharnement à la coiffer. Moult compliments sur ses cheveux se mêlent à des commentaires en tous genres sur la soirée qui doit se jouer, en un débit de paroles presque pathologique. Quelque part, la belle comprend pourquoi celle-là a été tenue de rester en coulisse le temps d'une nuit. Elle pourrait porter un panneau "plot inactivé et j'en suis fière" que ce ne serait pas beaucoup moins discret. C'en est presque gênant. Et lui avoir répété dix fois qu'elle était en retard et que la ponctualité était peut être prioritaire sur cette "fichue mèche qui ne veut pas se mettre comme elle veut", ça n'a eu pas l'air de beaucoup l'affecter...
Sophia perd patience quand elles en viennent à des conseils sur le comportement à adopter ce soir. Elle lui fait remarquer dans un souffle crispé qu'elle a servi un prélat pendant dans années et que sa réinitialisation date de bien avant : traduction, je me souviens encore comment avoir l'air d'une plante verte, merci.
"Ah oui, oui, c'est vrai, tu es une androïde d'honneur" serait-ce de la jalousie que l'on sent poindre ? Elle lui tire les cheveux un peu plus brutalement.
- Je dois y aller, Dominus m'attend."
De la colère, cette fois, carrément, à l'évocation de celui qui a visiblement osé l'évincer pour un soir. Maison de fous. C'est épuisant d'avoir l'air un peu discipliné au milieu de cette anarchie générale, quand même. Suis-je la seule à avoir un gramme d'instinct de survie dans cette foutue baraque ?
La demoiselle lui demande si le résultat lui plaît, Sophia répond en un sourire tendu que c'est sûrement très bien. Ce qui ne manque pas de rappeler le fameux plot à l'esprit de la petite puce, qui en profite pour lui saisir le visage et planter ses mirettes noisettes dans son regard froid. On va lui régler son compte, va, t'en fais pas. C'est ça. Essaye toujours, qu'on rigole, de me faire cracher mon plot...
Quelques passes d'armes plus tard, elle est enfin libre. Sophia avale les couloirs au pas de course, dévale les escaliers de marbre et ne s'autorise à s'arrêter qu'une fois derrière les portes. Le brouhaha de l'assemblée lui parvient, à peine étouffé par les lourds battants de pierre. La belle ferme un instant les paupières, le temps d'une inspiration profonde. Une poids insensé lui serre le coeur. Quelque part, cette nuit ne va pas être facile. Il va probablement falloir déjouer un certain nombre de pièges et sa réputation d'assassin, même réinitialisé, à tendance à rendre tous les interrogatoires assez insistants. Tout le monde ne se souvient pas de cet incident mais les quelques personnes qui s'en rappellent ne le lui pardonneront jamais. Un délit de faciès assez tordu, quand on y pense. Et puis, si elle devait être complètement sincère, elle admettrait avoir perdu l'habitude de ce genre de mondanités, depuis son ermitage avec un sculpteur qui rechignait à l'idée même qu'on pose un oeil sur elle - ce qui est assez paradoxal. On n'achète pas une plante verte qui coûte un bras pour la laisser dans un placard. Là dessus, au moins, le comportement du Consul est d'avantage cohérent. Pour le reste, c'est un peu plus alambiqué...
Elle fait son entrée dans une robe blanche, plutôt simple, cousue dans l'humilité, mais éternellement assez échancrée pour laisser voir la qualité de la marchandise. Principe de la plante verte, bis. Elle progresse au milieu des gens avec un sourire dont la douceur est voilée d'une couche d'humilité plus ostensible encore que d'habitude et tâche de repérer son maître. Presque aucun des visages présents ne lui évoque encore quelque chose. C'est que les choses tournent vite, à Rome. Les hommes vivent vieux mais ne durent pas longtemps. Assassinats, complots, réputation... la nature humaine dans toute sa splendeur. Elle n'a même jamais vu le Prélat qui a succédé à son ancien maître. Sa famille se serait étripée vive, à l'époque, plutôt que de recevoir ce tristement célèbre successeur et ils étaient bien aise, en un sens, que ce soit un artiste méconnu et reclus qui lui passe dessus après le très noble et défunt prélat de ces temps là...
Quelques prêtres, des politiques, de belles femmes, des artistes, un melting-pot du tonnerre pour cette soirée placée sous le signe de la réussite. Elle reconnaît un prêtre de Pluton à son immanquable masque, ainsi que l'androïde qui l'accompagne, pour les avoir déjà croisés lors de ses prières. Elle ne leur a jamais parlé mais l'allure de ces deux individus a quelque chose de touchant. Puis une femme dont la beauté fait passer n'importe quel androïde pour une poupée sans âme. Mon cher Consul, tu ne gagneras peut être pas le prix de la plus belle parure, ce soir.
Quand elle le repère enfin, Prometeus est en conversation avec une très jolie femme, d'une blondeur éclatante, que Sophia reconnaît très vaguement comme une artiste en vogue. Une inspiration plus brève que la précédente, plus intime, et elle traverse la salle à leur rencontre.
La première chose à savoir, dans ce monde là, c'est qu'il ne faut jamais regarder. Même quand on vous le demande, ne pas regarder. Laisser flotter dans son regard cette espèce de vide informe qui rassure tellement les hommes et les laisse penser qu'il n'y a rien à voir derrière ces beaux yeux. Les humains sont des êtres terriblement dépendants de ce qu'ils pensent être la réalité, et il suffit parfois de leur donner l'illusion que cette réalité est avérée pour les convaincre. Comme s'ils avaient perpétuellement peur que leurs confortables et partielles certitudes s'effondrent. Comme ce Consul qui se cache derrière des manières infâmes, garde jalousement les choses auxquelles il tient pour lui et se paye le luxe de voir le monde tel qu'il n'est pas complètement. Ce n'est pas tant que les Hommes sont faibles, c'est surtout qu'ils sont enfermés dans des choses un peu absurdes, parfois.
Arrivée près d'eux, elle s'incline devant l'inconnue qu'il vient de quitter avec un sourire paisible et avale les dernières mètres vers son maître pour le saluer avant de glisser d'une petite voix, en n'oubliant pas d'afficher, en plus de la désolation, une légère once d'inquiétude sur son visage, des fois qu'il faille assurer la réputation du Consul en matière de rigueur.
"Pardon, Dominus, je suis en retard. Une sombre histoire de coiffure. "
Ah, elle t'arrange bien mon obéissance, ce soir, au final.
Tu t'entêtes à te foutre de tout
Mais pourvu qu'elles soient douces...