[E3]Chasser les énergies [pv Caecilius]

[Nox]

[Caecilius]

Les choses changent, le temps passe, la ville avait été secouée par ce qui est arrivé, quand à moi, je n’approuvais toujours pas le départ du corps armé. Il m’arrachait Camila, une femme plus importante dans ma vie que je ne voudrai l’admettre, tout du moins au public car elle savait ce que je ressentais, cet amour débutant que je cherchais à enfouir sous ma décision de ne pas la regarder. De cette ville de Rome, je craignais que bientôt, il ne me reste plus personne si même les jeudi je n’avais plus le droit au concert de ma douce amie Laelia, accaparée par les prêtresses de Venus m’avait-on dit, je ne pouvais rivaliser avec une Déesse. Quand même je le pus, je ne le voudrai pas, quel intérêt aurai-je à y trouver de toute façon ? La journée se passe, pour moi jour et nuit ne sont pas si différents l’un de l’autre. Des voyants, amis ou simple passants, avec qui j’en avais parlé avaient essayé de me faire comprendre. Au final tout se rapportait à leur vue, le jour ils se sentaient plus en sécurité car ils pouvaient voir ce qui arrivaient, ils pouvaient voir venir le danger, ils pouvaient voir les choses, ça leurs procurait le sentiment de la sécurité. La nuit ils étaient perdus car le soleil n’éclairait pas les rues, que les ténèbres empêchaient de prévenir le danger ou de voir venir une opportunité. Voilà ce que les voyants semblaient voir dans le jour et la nuit, le premier était rassurant, serein et réchauffant comme les rayons du soleil, la seconde était obscure, triste, elle était ténébreuse et faisait froid dans le dos comme elle laissait les corps refroidir. Pour moi jour et nuit n’avait pas tant de nuance, le jour était ce moment où la ville vivait, où les fleurs était en santé et laissaient sentir leurs odeur, les pétales ouvertes et épanouis, le doux contact du soleil sur ma peau. La nuit était pour moi ce moment apaisant où la vie se tait finalement, la cité qui s’endort paisiblement pour laisser place à un univers de calme et bruits différents. Les ronflements de certains, les animaux de nuit qui s’éveillent, ça ne semble pas plus menaçant. Le voyant dans la nuit va s’effrayer du vent, ce même vent qui fait le même bruit le jour mais auquel il ne prête aucune attention, pour moi jour et nuit ne sont pas si différents.

Alors cette nouvelle nuit qui vient ne sera occupée à rien de particulier car même si j’y suis aussi à l’aise qu’en plein jour, la ville est éteinte la nuit, elle vit au rythme du soleil et de sa chaleur agréable. Je dormirai donc. Bien sûr ce n’était jamais que le milieu de l’après-midi, mais si déjà j’y pensais, c’est que je pouvais sentir la fin de journée approcher, je l’entendais dans ce petit regain d’entrain que trouvaient les travailleurs, comme si soudainement l’idée de finir venait renforcer leur courage et leur capacité à encore endurer un peu de travailler ce reste de temps. Les fleurs commençaient doucement à comprendre elles aussi que l’astre solaire allait disparaître, mais je restais parmi mes fleurs, l’endroit où je me sentais le mieux et le plus vivant, un endroit si revitalisant et agréable. Je n’attendais aucune visite, mais tandis que je me déplaçais dans cette villa que m’avait laissé mon frère, j’approche de quelqu’un, d’une femme, son parfum n’est pas habituel ici mais il ne me dérange pas, au contraire, il éclaire mon visage d’un sourire, j’entends ses pas, elle s’arrête face à moi et moi face à elle. Je connais sa taille et peux donc aisément mettre mon visage face au sien pour éclairer d’un sourire mes lèvres.

- Je ne connais dans la ville de Rome qu’une femme qui porte cette odeur et la sentir m’est toujours aussi agréable. Cela faisait bien trop longtemps, Nox.

J’approche d’elle d’un pas, la serrant avec douceur contre moi. Nox. Elle était une amie de mon frère, avant qu’ils ne soient amoureux et ne partagent quelques temps une relation. Du moins je l’imaginais car mon frère n’en parlait jamais, sur certains points de sa vie, il était le silence même, sa tombe ne parlait pas plus. Si j’avais souffert de sa mort, Nox avait partagé mon chagrin et ma douleur, nous avions pleuré certains soirs ensemble, notre amitié s’était renforcée, je lui avais dis pour mes yeux, ma capacité, mon don. Elle était une des rares à savoir et ceux qui savaient se comptaient sur les doigts d’une seule main. Je la serre contre moi, mes doigts glissant doucement dans son dos, je découvre sa tenue et comprend la raison de sa venue. Si elle savait pour mon don c’était que nous nous étions entrainés ensemble, j’empruntais ses yeux pour voir ses attaques et parer, elle m’avait beaucoup aidée je dois dire à réaliser ce qui était un tour de force. Toutefois je respectais une promesse, si j’usais de ses yeux pendant nos entrainements, je le faisais après lui avoir demandée uniquement et j’arrêtais sitôt l’entrainement finis. Je respectais cela scrupuleusement. Je me recule d’un pas, toujours avec le sourire :

- J’ai appris pour le prêtre, toutes mes condoléances.

Il usait d’elle, abusait d’elle, mais je ne disais rien, je ne voulais entacher la réputation d’un mort … pour l’instant. Toutefois je préfère porter le sujet de suite à autre chose :

- Ta tenue me laisse deviner que souhaites t’entrainer. Je suis tout à fait partant mais il me faut t’avertir, je me suis entrainé à ton absence. Il ne te sera peut-être pas si facile cette fois de me battre !

Quoi que je ne doutais pas que le jour où elle se battrait vraiment, elle me botterait les fesses. Je veux dire par là qu’elle le ferait plus qu’elle ne le fait déjà aujourd’hui.

[Nox]

[Caecilius]

Elle est insaisissable, je suis assez bien placé pour le savoir. Elle avait longtemps fréquenté un prêtre qu'elle n'aurait pas dû fréquenter, malheureusement elle n'arrive pas à ouvrir les yeux sur la réalité. J'ai essayé de l'aider à se rendre compte qu'il abusait d'elle, qu'elle serait tellement mieux sans lui, tellement plus libre, qu'elle souffrirait tellement moins. Malheureusement comme toute personne prise dans ce genre de relation, Nox n'avait pas écouté mes mots, elle n'avait pas entendu ma voix, préférant suivre la voie que le prêtre traçait pour elle, une voix que je n'aurai pas voulu la voir prendre. Parfois je me disais que si mon frère n'était pas mort, les choses seraient différentes, l'amour qu'elle lui avait portée, celui que mon frère lui avait donné, je crois qu'ils auraient été de puissants remparts contre l'infection que le prêtre répandait dans le sang de Nox. Oh il ne l'avait pas empoisonnée par un quelconque poison qu'il aurait tiré d'une plante ou d'une alchimie, non il l'avait empoisonnée par de belles paroles, de belles promesses, en s'emparant lentement mais surement des pensées de la belle jeune femme. Et je le regrettais, impuissant, complètement impuissant, incapable de faire quelque chose pour prévenir que le mal grandisse, incapable de l'aider à se délivrer du joug de cet homme qui profitait de son corps, son coeur et son âme. Nox était mon amie, elle est chère à mes yeux, aujourd'hui plus encore que jamais auparavant car pour la première fois elle a l'opportunité de vivre libre, la seule chose qui me fasse encore peur pour elle est qu'elle choisisse de suivre la voie toute tracée du prêtre, celle qu'il lui avait appris à vivre. J'aimerai tant qu'elle voit comme je vois sa relation, mais pour un aveugle, n'est-il pas paradoxal de vouloir partager sa vision du monde ?

Au moins elle est là, en quête de réconfort, de douceur ou je ne sais quoi, mais elle est là. Alors que son corps est contre le mien, que la chaleur se partage, mes doigts ne peuvent s'empêcher de caresser un peu son dos, comme on le ferait d'une personne qu'on veut apaiser. Cela me permet de découvrir sa tenue et avec un sourire de savoir que je vais bientôt me faire ridiculiser par cette jeune femme qui semble tant apprécier ma chaleur à cet instant. Elle n'est pas là pour me tuer, même si les assassinats semblent désormais dans l'air du temps, mais pour s'entrainer, à quoi je l'ignore car pour un entrainement je devrai être son dernier choix. Elle me ridiculiserait en deux temps, trois mouvements si elle voulait vraiment le faire. Elle vient sans doute plus parce qu'elle apprécie ma compagnie, tout comme j'apprécie la sienne. Je me demande parfois si elle et mon frère auraient eu un avenir ensemble s'il n'était pas mort, elle aurait été une belle-soeur formidable, quoi que mon égo aurait sans doute souffert de savoir qu'elle pourrait me battre sans même s'essouffler. Ses mots en revanche font horriblement mal à mes oreilles, non seulement elle attend et espère le retour du prêtre qu'elle ne veut pas croire mort mais en prime elle souhaite le revoir. Que dois-je faire ? M'écrier qu'elle se trompe, qu'il fait d'elle son jouet et qu'elle se laisse trop aisément faire ? Qu'elle pourrait lui arracher le coeur avant qu'il n'ait le temps d'esquisser une autre parole pour l'asservir un peu plus à sa cause ? Je ne dis rien mais je n'en pense pas moins, ce que mon visage ne montre pas, mes pensées l'expriment malgré tout, ouvre les yeux Nox, c'était un manipulateur.

Elle dévie par chance la discussion vers l'entrainement qu'elle semble être venue réclamer. Je ne m'attends pas à la battre, du moins pas si elle ne se laisse pas battre et curieusement je doute qu'il soit dans son caractère de se laisser vaincre trop aisément. Elle est une battante, on ne dicte pas sa conduite, elle en décide. Sauf pour le prêtre bien sûr. Pourquoi lui entre tous les hommes ? Parce qu'il avait dû venir au moment propice, avec l'attitude propice, les mots propices, les circonstances propices, allez savoir. Il avait donné à Nox sa force qui était sienne aujourd'hui, mais c'était dans l'unique but de s'en servir pour ses propres deseins et le personnage ne devait pas vouloir d'une Rome joyeuse et pleine de fleurs comme celle que Laelia et moi pourrions construire, il voyait plutôt du sang, des ruelles sombres et des armes de fer. Elle me tire de ces pensées en prenant ma main, je la serre avec douceur et emmène avec moi la jeune femme. Je connais ma demeure par coeur, je sais où sont les meubles, je peux m'y déplacer avec l'aisance d'un voyant, aucun obstacle, je les connais tous de toute façon. Nous arrivons dans la cour où un petit bassin est entouré d'une herbe verte et douceur, un endroit parfait pour s'entrainer. Serrant ma main sur ma canne je me poste face à elle, lâchant sa main je lui demande doucement :

- Je peux ?

Et j'attends son autorisation pour laisser faire mon pouvoir. Je vois à travers ses yeux, ce n'est pas comme quelqu'un verrait au quotidien, au lieu de la voir elle, je me vois moi, c'est étrange je dois dire. Au moins je ne dois pas avoir l'air trop ridicule dans ce que je porte, sauf dans l'hypothèse où les couleurs sont complètement dépareillées mais là je n'en saurai rien puisque je ne vois que par nuance de gris. Nox connait mes limites, je ne peux voir que ce qu'elle voit et me défendre que si elle me regarde. Elle n'a jamais triché, de toute façon elle n'en a pas besoin pour me ridiculiser. Il reste étrange de me voir ainsi, je n'ai que peu entrainé ce pouvoir, redoutant les usages que je pourrai en avoir si je le souhaitais. M'éloignant d'un pas, je lui souris et me mets en garde comme on le ferait avec une épée. Ma canne est de métal, son manche de bois, c'est principalement ce que j'utilise pendant nos entrainements, je la nargue :

- Prête à te faire battre par un infirme, blondinette ?

Blondinette, insulte ridicule venant d'un aveugle et puis je ne crois pas qu'elle ait un problème avec sa couleur de cheveux, si tant elle qu'elle ne soit pas rousse et brune et qu'elle m'ait mentis tiens ! En tous les cas, j'attaque et la vois parer avec aisance, oui bien sûr, elle est bien plus douée que moi. Qui sait, peut-être qu'aujourd'hui elle aura la clémence de me laisser gagner ? On peut rêver n'est-ce pas ?

[Nox]

[Caecilius]

Adorable mais abusée. En vérité c'est souvent le cas, plus quelqu'un est doux et attachant, plus il sera abusé. Moi-même je sais que ma cécité me rend parfois candide, qu'elle me fait faire des choix qui ne sont pas les meilleurs, qu'un voyant aurait fait différemment, j'en suis conscient et je l'accepte. C'était également le cas de Nox. Elle était une amie importante à mon coeur, elle était une amie pour qui j'avais beaucoup d'affection, elle avait été avec mon frère, formant tous deux un couple plein de vie, un couple aimant. Ca n'avait pas eu la chance de durer, mon frère m'avait été arraché, il avait été arraché à Nox et à Rome toute entière, à toute ma famille et tous ses amis. Nox en a souffert autant que moi, nous partagions souvent notre chagrin, c'est là sans doute que notre amitié s'est bâtie pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Ensemble à porter un deuil, nous parlions beaucoup certains soirs, certaines après-midi sans laisser le temps à un silence de s'installer comme si il risquait de se permettre de nous faire revenir des souvenirs que nous ne voulions. Et parfois c'était l'inverse, parfois nous passions des heures assis l'un à côté de l'autre, elle dans mes bras, dans un silence parfait que nous ne voulions pas rompre comme si un mot pouvait soudainement devenir douloureux. Alors nous étions devenus amis, à travers la mort de mon frère et notre deuil, ce n'était pas la plus belle façon de devenir des amis, mais cetet amitié que j'avais aujourd'hui avec Nox était importante pour moi. Nox était importante pour moi. Elle avait ce don de rendre les choses légères, et elle me laissait voir à travers ses yeux. Sans cesse, chaque fois que je demandais, elle me disait que je pouvais le faire, qu'elle n'y voyait aucun inconvénient mais chaque fois je demandais parce que j'avais peur qu'un jour elle dise "non", qu'un jour elle ne veuille pas que je vois quelque chose. Alors je demandais encore et toujours même si cela semblait l'exaspérer à chaque nouvelle demande. Ainsi que je l'ai dis, mon amitié avec elle compte énormément, je ne voudrai la briser pour avoir vu quelque chose que je ne devrai pas avoir vu, alors je me méfiais. J'étais conscient que mon don pourrait faire de moi un espion particulièrement efficace, tout comme j'avais déjà imaginé parfois l'utiliser pour faire chanter certaines personnes. Voir à travers les yeux de quelqu'un sans qu'il le sache, découvrir ses secrets ou un secret inavouable et ensuite avoir ce précieux moyen de pression sans pareil pour provoquer une obéissance sans faille. Nox ne faisait pas parti des personnes que je voulais contraindre par le chantage, le prêtre qui avait bien trop abusé de sa candeur en revanche figurait en haut de la liste, au même titre que Tibérius y figurait pour ne jamais avoir fait de Camila la femme heureuse qu'elle mérite d'être.

- Merci.

Ca aussi, je sais qu'elle ne veut pas l'entendre, mais comme chaque fois je demande, chaque fois je la remercie, avant même d'oser regarder à travers ses yeux. Je me souviens des premières fois que je me suis vu, chaque fois la surprise de me voir "je ressemble vraiment à ça ?" et chaque fois la même remarque "Faut que je fasse quelque chose pour mes cheveux". Aujourd'hui ne déroge pas à la règle, je suis correctement habillé, en espérant que les couleurs s'accordent et qu'elles soient ce qu'on m'a dit qu'elles étaient, la prochaine fois j'irai choisir des vêtements avec Flora, elle au moins à des yeux et puis elle tient tant à m'être dévouée que ça lui fera plaisir. Faire plaisir à un androïde, moi ... Ouais comme quoi tout arrive. Quand à mes cheveux ? Comme d'habitude juste un peu trop long pour tenir correctement avec un coup de brosse, comme toujours un peu n'importe comment, comme toujours pas ordonnés, en somme ils sont comme d'habitude, rien d'affolant, mais quand même, faut que je fasse quelque chose pour mes cheveux. Elle sourit à ma remarque et je hausse un sourcil à la sienne, amusé moi aussi :

- Beau brun ? Je devrai pas être étonné, j'oublie tout le temps mon charme tapageur.

Et finalement notre affrontement s’engage dans ce sursaut de bonne humeur. Je suis conscient qu’à se battre vraiment, elle pourrait assez aisément me vaincre et cela sans doute sans même avoir à se donner du mal, mais elle joue le jeu et me laisse une chance. Ce n’était pas facile au début, apprendre comment se battre en se voyant soi-même à travers les yeux de son adversaire, j’avais commencé à apprendre grâce à mon frère, puis beaucoup avec la gentille jeune femme qui aujourd’hui encore s’entrainait avec moi. Pourtant ce n’est pas comme d’habitude, elle est moins présente, du moins c’est le sentiment que j’en ai, comme si elle avait la tête ailleurs, pas que la tête d’ailleurs. Rapidement j’ai le sentiment qu’elle a du mal à suivre alors que mon rythme est ridicule à côté de celui qu’elle pourrait donner au combat si vraiment elle le voulait. Elle perd l’équilibre, je tends ma main pour l’arrêter dans sa chute mais elle ne fait que m’entrainer avec elle puisque moi-même je tombais dans mon élan idiot pour la rattraper. C’est le drame de ne pas voir habituellement, difficile d’avoir les bons réflexes, rester en appuis pourtant semblait logique, l’aurait été pour un voyant, pour moi c’était différent, je ne voyais pas ce genre de scènes d’habitude, pas surtout de la part de Nox. Je me retrouve au-dessus d’elle, me voyant moi-même au-dessus de son corps et là … elle m’embrasse. Ses mains parcourent mon bras et s’arrête sur le bracelet qu’elle m’a arrachée en tombant, rien de grave, il n’a de valeur que sentimental et soudainement elle prononce le prénom de mon frère. Je réalise alors qu’elle vient d’avoir une vision. Si elle sait pour mon pouvoir, je sais pour le sien. Je la regarde sans comprendre, elle semble … perdue dans ses visions, je l’appelle une fois, deux fois, de mes doigts je cherche son visage, a-t-elle mal ? Est-elle consciente au moins ? Je suis à nouveau dans le noir, j’ai arrête d’user de mon pouvoir, et je caresse son visage, trouvant un sourire apparemment bienheureux que je ne comprends pas. Cherchant sa main, j’y trouve le bracelet et je comprends.

- Je te demande pardon, Nox.

Je retire l’objet de sa main, la sortant de ses visions. Je suis toujours au-dessus d’elle mais n’y prête plus aucune attention. Inquiet je lui demande :

- Tout va bien ?

[Nox]

[Caecilius]

Réunis dans la peine mais finalement aujourd’hui deux bons amis qui se respectent et s’apprécient énormément. Je n’aimerai pas qu’il en soit autrement c’est vrai mais pourtant cette amitié porte toujours un petit goût amer, sans la mort de mon frère, elle ne serait peut-être pas ainsi qu’elle est aujourd’hui, peut-être Nox ne serait-elle pas une amie mais une membre de la famille, une sœur par son mariage avec mon frère. Bien malin qui saurait le dire, ce qui est sûr c’est que autant que j’aime cette amitié qui nous unit, elle est parfois étrange quand on y pense de trop, elle s’est basée sur la mort d’un être cher et paradoxalement, n’aurait pu vivre si ça n’avait été pour avoir commencé par une mort. Nox pourtant était une amie, une amie importante, que j’appréciais énormément même s’il m’était douloureux de l’avoir vue tellement accaparée par ce prêtre qui faisait d’elle ce qu’il voulait. Elle, si forte, avait été une poupée de chiffon entre les mains de cet homme et désormais elle le pleurait et portait son deuil alors même qu’il avait été pour un véritable bourreau. J’imagine que parfois certaines choses ne sont pas être pour comprises et qu’il vaut mieux ne même pas tenter de les comprendre. Pourquoi avait-elle laissé faire, pourquoi semblait-elle incapable de se défendre face à lui alors qu’elle pourrait botter les fesses de quelques soldats qui la prendraient à la légère parce qu’elle ne semble pas être la plus forte. Nox était par ça un véritable paradoxe que je peinais à comprendre mais encore une fois, il y a parfois des choses qui ne sont pas faites pour être comprises mais simplement pour être vécues.

Alors que l’entrainement commence, j’ai le sentiment qu’elle a la tête ailleurs, d’habitude je ne tiens guère longtemps face à elle, elle est guerrière douée bien plus que moi et je ne crains pas de l’admettre. Après tout je peux aisément l’admettre, je e suis qu’un aveugle pour nombre de romains, alors qui attendrait d’un aveugle qu’il sache tenir une arme et se défendre ? Pas grand monde, donc dire que Nox me ridiculise régulièrement en entrainement n’a strictement rien d’humiliant, en un sens c’est plutôt normal non ? Elle semble toutefois moins présente, comme si son esprit vagabondait ailleurs et que son corps réagissait simplement par réflexes. Elle se défend pas correctement, c’est étrange, presque trop facile, même trop facile tout simplement d’ailleurs. Je semble la battre, voilà bien une première tiens ! Les choses deviennent étranges, au sol, elle m’a arrachée un bracelet dans sa chute, propriété de mon défunt frère et tout devient plus étrange encore alors qu’elle m’embrasse, qu’elle prononce le nom de mon frère. Je comprends soudainement, comme une gifle en pleine figure, le bracelet, son pouvoir, son sourire bienheureux alors que la vision se laisse aller en elle. Je retire le bracelet d’entre ses doigts, c’est cruel de l’arracher à une vision qui lui semblait si plaisante. Elle ne semble pas s’en offusquer outre mesure, m’indiquant d’abord qu’elle allait bien, puis me faisant remarquer que c’était sans doute à elle de s’excuser. Elle m’a embrassée en prononçant le nom d’un autre, combien d’hommes auraient été furieux de cela ? Pas moi, je comprenais e qui était arrivé, ça m’aidait à hausser les épaules en répondant :

- Qu’importe, je ne t’en veux pas pour ça.

Toutefois la suite se veut pleine de surprise. Alors que je pensais que cet évènement serait un point dans notre relation qui serait oublié dans quelques temps, Nox en demande encore, loin de s’embarrasser d’une réponse de ma part, elle décide de prendre, de profiter. Je la vois approcher, plutôt je me vois approcher tandis qu’elle s’avance, cette façon de voir est parfois déroutante, je cligne, cesse d’user de mon pouvoir, je savoure le contact doux des lèvres de la jeune femme. Elle est douce et tendre, tellement à l’inverse des moments où nous nous entrainons. Le baiser est agréable, envoutant, ses mains sont des caresses extrêmement agréables et je me laisse bien docilement faire, répondant avec la même douceur qu’elle met à cœur de mettre à cet échange. Je finis par attraper ses poignets, reposant ses mains à côté de sa tête, tandis que je suis toujours au-dessus d’elle. Je secoue doucement la tête, le baiser trotte toujours dans ma tête, si agréable et plein de promesses :

- Nox, on ne devrait pas …

Oui mais la belle romaine est envoutante, mes lèvres retrouvent les siennes dans un chaste baiser duquel je me recule à nouveau :

- Dis-moi juste que c’est moi que tu embrasses et pas le fantôme de mon frère.

[Nox]

[Caecilius]

Il y a des terrains qu’il est particulièrement dangereux d’approcher. Avec Nox, je ne savais plus sur quel pied danser en cet instant, tout avait toujours été facile avec elle, d’abord parce qu’elle était avec mon frère dans une relation de couple plutôt agréable à côtoyer, ensuite parce que jamais je n’avais vu en Nox plus qu’une amie. Elle était là pour moi après la mort de mon frère, j’étais là pour elle, nous avons passé beaucoup de temps en silence à simplement discuter, nous avons passé du temps dans un silence qui en disait plus que les mots, jamais je n’avais vu en elle une amante ou imaginé la possibilité d’une relation plus intense que l’amitié. Elle est comme Laelia, une amie proche, sincère mais avec qui je ne pourrai imaginer autre chose, peut-être parce que Laelia est libre comme l’air même si celui ou celle qui la canalisera dans une relation amoureuse sera chanceux. Quand à Nox, il est temps qu’elle goûte et découvre la liberté dont le prêtre l’avait privée, désormais libre, il fallait qu’elle expérimente, qu’elle découvre sans les limites de ce cruel mentor. Je serai là pour la voir retrouver ses libertés, je serai là pour la voir redevenir la jeune femme libre vivant ses envies mais je m’interrogeai sur mon droit à participer. Surtout de la façon dont elle m’impliquait en cet instant même par les jeux qu’elle lance et qu’elle semble vouloir jouer. L’entendre m’appeler par le prénom de mon frère est une claque cruelle et virulente, cruellement douloureuse, brusque retour à la réalité qui me donne l’envie de m’assurer, vérifier, qu’elle n’embrasse pas un fantôme, qu’elle est là avec moi et pas avec les souvenirs de mon frère que j’évoque dans son cœur et sa tête. Sa réponse me rassure, elle fait naitre un sourire sur mon visage qui avait vu mon sourire disparaitre un peu plus tôt :

- D’accord, dans ce cas, c’est parfait, tout va bien.

Ses baisers sont doux, son corps est chaud, c’est un moment terriblement agréable que je savoure avec passion. Nox est une amante qui se révèle formidable, à quoi devais-je m’attendre de toute façon ? En tous les cas, c’est agréable, elle est pleine de douceur avec juste ce soupçon d’autorité qui doit venir de son entrainement martial. J’apprécie ce qu’elle fait quand elle commence avec douceur à explorer mon corps, d’abord mon dos puis sans pudeur aucune mes fesses. Ses contacts sont vraiment agréables, je savoure chaque seconde, je me laisse docilement faire, répondant de mes mains qui se promènent sur son corps au gré de leurs envies, son dos, ses hanches, ses bras, son visage. Un mouvement et je me retrouve sous son corps, quand je vous dis qu’elle me botterait le cul les yeux fermés avec une facilité si déconcertante que je passerai pour un nourrisson. Lentement mais surement elle devient indécente, elle éveille mon corps qui s’enflamme, je regrette de ne pas pouvoir la voir faire, je pourrai toujours demander à Flora de nous regarder et je regarderai à travers ses yeux mais cela semble horriblement déplacé et pervers. Soudainement Nox passe sur ma virilité dans une première caresse, mes mains se posent sur ses épaules et la repousse avec douceur mais également maladresse.

- Attends, non.

Je respire profondément, me frottant le front du bout des doigts, les yeux clos avant de secouer la tête :

- Ca ne va pas. Je suis désolé.

Je me lève, pensif :

- Je ne peux pas, je suis désolé, ça ne me semble pas juste envers mon frère, c’est déplacé et … malsain. Je sais que ce que je vais te demander est malpoli mais j’aimerai que tu me laisses. S’il te plait.

Je n’entendais de toute façon pas revenir là-dessus, prenant immédiatement le chemin vers l’intérieur de ma demeure.