Le corps expéditionnaire est partie voilà quarante-huit heures. Des soldats, des hommes, des femmes ayant chacun des fonctions bien précises et biens définies pour cette mission que je ne cesserai de qualifier de suicide pour permettre à la population romaine de mieux se nourrir. 5 000 âmes en moins dans la cité seraient comme retirer une énorme épine du pied pour permettre à tous ceux qui sont restés de vivre à leur faim. Mais c’est avant tout la folie d’un homme tout puissant : Mettius Aurelius Aguila. Rome est ainsi soulagé d’une partie de sa force armée. Lui-même a placé ses ennemis dans cette expédition pour ne plus jamais les voir revenir. Que pouvait-il se passer au cœur de notre ville, aujourd’hui ?
Le désert est calme. Même trop. C’est effrayant quelque part. Bien que le chemin soit encore long, aucune créature n’a croisé notre route. Découvrir de nouvelles contrées. Approcher le Mont Olympe. Revenir en vie pour tenir une promesse faite et pour lire sur les visages de ceux qui nous attendent l’espoir et la fierté. Pour le moment, j’ai dressé ma tente au milieu de notre campement. Le feu éloigne les bêtes étranges. A trop s’éloigner, comme certains, cela pourrait être aussi leur dernière nuit. Mais chacun tente de calmer sa peine et de trouver le courage de poursuivre sans se retourner. La température chute de presque vingt degrés dans le désert, et si les journées sont étouffantes, la différence se fait vite ressentir lorsque le soleil se couche. Drapée dans une longue et épaisse cape-manteau, le vent nocturne venait de se lever. Il était encore tôt et chacun se retrouvait devant des petits feux de camps allumés un peu partout. Tous les chevaux étaient parqués dans un enclos que l’on montait et démontait, gestes que les soldats et les écuyers allaient devoir refaire sans cesse durant tous ces mois.
Mes cheveux flottaient dans cette brise fraiche. Je détaillais avec attention le campement : certains riaient, buvaient, chantaient, discutaient devant les flammes flamboyantes. D’autres étaient plus en retrait, seuls ou accompagnés, écrivant des mots pour leurs bien-aimées. L’odeur des rations se distillaient autour de moi. Je mangerai plus tard. Pour le moment, c’était un homme que je voulais voir en tête à tête. Je le savais très occupé mais je ne pouvais pas ne pas le prévenir ni de lui faire part des plans que Tibérius m’avait remise. Je le connaissais peu mais j’avais confiance en lui. Plus en Caius Aquilius qu’au Prélat qui avait signé notre prochaine mort. C’était un homme intègre. J’avais pu observer cet homme dans ses agissements comme dans ses paroles. C’était un soldat et aussi un père de famille qui était parti sans pouvoir apprécier la naissance de ses enfants.
Mes pas fermes s’enfonçaient dans le sable alors que je me dirigeais vers l’immense tente qui se dressait non loin de moi et qui abritait le préfet, commandant de cette expédition. Sous mon manteau, j’avais avec moi, une besace dans laquelle j’avais placée avec soins tout ce que Tibérius m’avait donnée avant de partir. Deux gardes montaient l’entrée et lorsqu’ils s’aperçurent de mon arrivée, ils se portionnaires devant moi m’interdisant tout accès.
- Sénatrice Veturia !
- Je dois voir le commandant. Je dois discuter de la suite de l’expédition.
Je ne mentais pas, et pour preuve, je leur montrai ma besace emplie de cartes et de plans.
- très bien, vous pouvez entrer.
- Par contre, empêchez quiconque de franchir la tente du préfet. Notre conversation doit rester strictement confidentielle et personnelle. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour expliquer à tous ceux qui souhaiteraient lui parler, hors mis un problème de la plus haute urgence, de nous déranger sous aucun prétexte.
- Cela sera fait selon vos ordres, Sénatrice !
Je glissais ma main entre les pans de la tente pour pousser le lourd tissu et m’engouffrer à l’intérieur. Caius était de dos, devant une grande table où étaient étalés des plans. Il se retourna au moment où j’avançais à son niveau.
- Commandant Aquilius, pardonnez-moi de vous déranger. Je souhaiterai m’entretenir avec vous sur un point très important qui concerne notre mission.
J’ouvris ma besace devant lui, sortant en premier lieu, le carte que nous avions tous, et qui nous avait été remis avant notre départ. Je la plaçais sur la table.
- Je suppose que vous la connaissez ?
Puis, je sortis une seconde et une troisième carte que je gardais en mains.
- Si nous continuons à suivre cette carte, nous allons droit en enfer.
J’avais murmuré cette dernière phrase pour éviter qu’une personne mal avisée puisse nous entendre. Rien ne devait sortir de cette tente. Personne pour le moment ne devait être au courant. Je poursuivis sur le même ton bas.
- Le Grand prêtre de Vénus m’a remis des plans qui sont totalement différents.
J’espérai tout de même qu’il me croit et qu’il ne me prenne pas pour une femme politique à demi-folle qui voulait jouer les guerrières.