(Terminé)[E3]Entre alliés ...[Caius]

[Camila]

Le corps expéditionnaire est partie voilà quarante-huit heures. Des soldats, des hommes, des femmes ayant chacun des fonctions bien précises et biens définies pour cette mission que je ne cesserai de qualifier de suicide pour permettre à la population romaine de mieux se nourrir. 5 000 âmes en moins dans la cité seraient comme retirer une énorme épine du pied pour permettre à tous ceux qui sont restés de vivre à leur faim. Mais c’est avant tout la folie d’un homme tout puissant : Mettius Aurelius Aguila. Rome est ainsi soulagé d’une partie de sa force armée. Lui-même a placé ses ennemis dans cette expédition pour ne plus jamais les voir revenir. Que pouvait-il se passer au cœur de notre ville, aujourd’hui ?

Le désert est calme. Même trop. C’est effrayant quelque part. Bien que le chemin soit encore long, aucune créature n’a croisé notre route. Découvrir de nouvelles contrées. Approcher le Mont Olympe. Revenir en vie pour tenir une promesse faite et pour lire sur les visages de ceux qui nous attendent l’espoir et la fierté. Pour le moment, j’ai dressé ma tente au milieu de notre campement. Le feu éloigne les bêtes étranges. A trop s’éloigner, comme certains, cela pourrait être aussi leur dernière nuit. Mais chacun tente de calmer sa peine et de trouver le courage de poursuivre sans se retourner. La température chute de presque vingt degrés dans le désert, et si les journées sont étouffantes, la différence se fait vite ressentir lorsque le soleil se couche. Drapée dans une longue et épaisse cape-manteau, le vent nocturne venait de se lever. Il était encore tôt et chacun se retrouvait devant des petits feux de camps allumés un peu partout. Tous les chevaux étaient parqués dans un enclos que l’on montait et démontait, gestes que les soldats et les écuyers allaient devoir refaire sans cesse durant tous ces mois.

Mes cheveux flottaient dans cette brise fraiche. Je détaillais avec attention le campement : certains riaient, buvaient, chantaient, discutaient devant les flammes flamboyantes. D’autres étaient plus en retrait, seuls ou accompagnés, écrivant des mots pour leurs bien-aimées. L’odeur des rations se distillaient autour de moi. Je mangerai plus tard. Pour le moment, c’était un homme que je voulais voir en tête à tête. Je le savais très occupé mais je ne pouvais pas ne pas le prévenir ni de lui faire part des plans que Tibérius m’avait remise. Je le connaissais peu mais j’avais confiance en lui. Plus en Caius Aquilius qu’au Prélat qui avait signé notre prochaine mort. C’était un homme intègre. J’avais pu observer cet homme dans ses agissements comme dans ses paroles. C’était un soldat et aussi un père de famille qui était parti sans pouvoir apprécier la naissance de ses enfants.

Mes pas fermes s’enfonçaient dans le sable alors que je me dirigeais vers l’immense tente qui se dressait non loin de moi et qui abritait le préfet, commandant de cette expédition. Sous mon manteau, j’avais avec moi, une besace dans laquelle j’avais placée avec soins tout ce que Tibérius m’avait donnée avant de partir. Deux gardes montaient l’entrée et lorsqu’ils s’aperçurent de mon arrivée, ils se portionnaires devant moi m’interdisant tout accès.

- Sénatrice Veturia !

- Je dois voir le commandant. Je dois discuter de la suite de l’expédition.

Je ne mentais pas, et pour preuve, je leur montrai ma besace emplie de cartes et de plans.

- très bien, vous pouvez entrer.

- Par contre, empêchez quiconque de franchir la tente du préfet. Notre conversation doit rester strictement confidentielle et personnelle. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour expliquer à tous ceux qui souhaiteraient lui parler, hors mis un problème de la plus haute urgence, de nous déranger sous aucun prétexte.

- Cela sera fait selon vos ordres, Sénatrice !

Je glissais ma main entre les pans de la tente pour pousser le lourd tissu et m’engouffrer à l’intérieur. Caius était de dos, devant une grande table où étaient étalés des plans. Il se retourna au moment où j’avançais à son niveau.

- Commandant Aquilius, pardonnez-moi de vous déranger. Je souhaiterai m’entretenir avec vous sur un point très important qui concerne notre mission.

J’ouvris ma besace devant lui, sortant en premier lieu, le carte que nous avions tous, et qui nous avait été remis avant notre départ. Je la plaçais sur la table.

- Je suppose que vous la connaissez ?

Puis, je sortis une seconde et une troisième carte que je gardais en mains.

- Si nous continuons à suivre cette carte, nous allons droit en enfer.

J’avais murmuré cette dernière phrase pour éviter qu’une personne mal avisée puisse nous entendre. Rien ne devait sortir de cette tente. Personne pour le moment ne devait être au courant. Je poursuivis sur le même ton bas.

- Le Grand prêtre de Vénus m’a remis des plans qui sont totalement différents.

J’espérai tout de même qu’il me croit et qu’il ne me prenne pas pour une femme politique à demi-folle qui voulait jouer les guerrières.

[Caius Aquilius]

Assis dans ma tente, j'observe les plans de l'expédition. Deux jours que nous sommes partis et les hommes sont encore confiants. Le peu de dangers présents aux abords de la ville ne représentent rien face à une armée de cinq milles hommes. Cela ne durera pas, je le sais que trop bien. Dans quelques jours, le désert accueillera les premiers squelettes de ceux qui mourront pour la folie d'un homme.... Tout ce que je peux faire c'est m'arranger pour que les prétoriens soient les premiers à périr ainsi, en les plaçant à des endroits exposés....

Je souffle alors que j'entends dehors du bruit. Les sentinelles que j'ai placé à ma porte me sont fidèles, j'y ai veillé. Pourtant, visiblement elles laissent passer la personne qui s'est présenté.... Sans doute est-ce là une membre d'importance de l'expédition.

Je me retourne alors pour regarder celle qui a présent me fait face. C'est la sénatrice Camilla, une femme qui comme moi n'est guère dans les bonnes grâces du tyran. C'est donc naturellement que je la salue avec le respect du à son rang, inclinant la tête à son égard.

Sénatrice Veturia, soyez la bienvenue dans cette tente.

Je l'écoute me raconter les raisons de sa venue. J'observe sans rien dire les cartes qu'elle sort de sa besace, symbole d'une mince espérance de réussite de cette expédition... D'un échec annoncé transformé par un coup du destin en une réussite triomphale...

Je ne sais que trop bien que nous allons en Enfer... Les plans que vous a confié le grand prêtre Tiberius nous seront sans doute plus utiles que ceux que nous avons.

Je ne mens pas et lui indique de les déposer sur la table pour que nous puissions les étudier. Elle est une des rares politiques à avoir suivi l'expédition, allant plus loin que de simplement la voter au sein du sénat, allant jusqu'au bout de ses convictions.

Mon souci principal est de trouver un trajet suffisamment pourvu en point d'eau potable.... Plus que les créatures hostiles, ce sont les conditions climatiques qui me posent soucis

Le désert, ses tempêtes, sa chaleur.... C'est là un ennemi terrible, insidieux qui détruit plus qu'un adversaire en armure. Limiter les pertes dans les troupes est pour moi un imperatif majeur..... Sans hésiter, je me dirige vers un coffre pour en sortir une bouteille de vin dont le bouchon est scellé à la cire.

Permettez moi de vous offrir un verre de vin.... Comme vous le voyez, cette bouteille a un bouchon scellé.... Je pense que notre bien aimé prélat a joint à l'expédition un certain nombre d'hommes chargés de nous surveiller et d'assaisonner au besoin nos mets.

Je ne me fais pas d'illusion. Mettius a beau avoir beaucoup de défauts, il n'est pas totalement stupide. Il doit s'assurer que l'expédition soit un échec et que ses ennemis n'en reviennent pas. Sortant deux coupes, je les remplis de liquide carmin.

A votre avis.... Qu'est ce que nous trouverons là bas ?

La gloire ou la mort ? La question mérite de se poser

L'objectif est de revenir avec quelque chose..... Je sais que nous ne trouveront sans doute aucune ville dans ce voyage dément mais il nous faut revenir avec de quoi nourrir les aspirations d'un peuple trop longtemps prisonnier de ses propres murailles.

Et surtout.... Avez-vous une idée sur comment nous ferons pour éviter l'exécution qui nous attend ? Vous savez comme moi qu'on nous a condamné... Condamné car nous faisons de l'ombre à un être qui se croit au dessus même des lois divines, qui pervertit notre ville.

Le prélat a commencé les hostilités envers nous. Jusqu'à présent, je ne me mêlais guère de politique mais à présent puisque Mettius en a décidé ainsi....

A notre santé.... Puissent les dieux nous guider.

Je porte ma coupe à mes lèvres alors, buvant gorgée par gorgée le liquide alcoolisé tout en réfléchissant à un projet fou suivant cette expédition....

Les dieux et non les prêtres.... C'est peut être là la solution.

[Camila]

Sommes-nous seulement les jouets du prélat ? Comment les Dieux peuvent laisser partir leurs enfants, leurs fidèles à une mort qu’ils savent certaine ? Enorme échiquier humain sur lequel nous avançons comme des pièces. Et une après l’autre, elles tomberont, s’essouffleront, et se disperseront sous la chaleur de l’astre solaire et dans les tempêtes du désert. J’ai toujours dit que j’étais réaliste mais pas fataliste. Ce n’est pas parce que j’avais choisi de suivre les soldats que j’allais mourir sans m’être battue jusqu’au bout ! Tibérius m’avait remis des cartes et des plans différents de celles que nous avions dans l’armée. Je ne savais pas où il les avait récupéré, notre dernière conversation avait été beaucoup trop houleuse pour penser à cela sur le moment. Et même si je lui avais posé la question, je n’étais pas certaine qu’il m’aurait donnée les réponses, le connaissant. J’avais donné des ordres aux soldats qui gardaient la tente du commandant. Personne ne franchirait les tentures sans que j’en sois averti, Caius comme moi. Je voulais une conversation intime et en toute confidence.

Je me présentais à cet homme dont je devinais le poids énorme de cette expédition sur ses épaules. Je m’inclinai devant son rang, tout comme il me saluait de mon titre de Sénatrice qui n’avait plus lieu d’être ici.

- Merci de me recevoir, commandant.
Je suis consciente que ma démarche peut vous paraitre déplacer mais j’avais besoin de vous voir au plus vite.

Je m’employais à ne pas lui faire perdre du temps, commençant à sortir de ma besace la carte militaire que nous avions tous, puis celles que Tibérius m’avais donnée avant de partir.

- Les plans de l’armée sont faussés. Il manque beaucoup de routes et de chemins qui n’apparaissent pas sauf sur ces anciennes cartes. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce parce qu’au final des années, nos anciens ont préféré taire ses indications qui ne nous serviraient plus ? Est-ce un piège de plus pour nous faire mourir en plein désert ? Aucune idée mais nous ne devons pas nous jeter dans la fosse aux lions sans nous battre.

Je déposais toutes les cartes, bien à plat sur la grande table. Nous devions étudier tout cela avec plus de précisions. Caius était un homme de terrain. Moi, plus une femme politique même si je ne reculais pas devant les dangers. Il avait beaucoup plus de compétences et possédait un esprit vif et aiguisé. J’écoutais attentivement ses mots, observant en même temps les nouveaux plans. Je relevais mes yeux vers lui lorsqu’il m’invita à partager un verre avec lui. La bouteille était scellée. Il n’avait pas tort de se méfier de tout ce qui pouvait nous entourer. Silencieuse, je continuais à apprécier ses paroles, récupérant entre mes doigts la coupe qu’il me tendit. Je la levais face à moi pour trinquer avec lui avant de la porter à mes lèvres.

- A notre santé !
Puissent les Dieux nous montrer le bon chemin !

Doux nectar qui glissait dans ma gorge avant de revenir étudier les cartes. Je posais ma coupe sur le coin de la table, effleurant de mon index la multitude de routes et de chemins qui étaient dessinés.

- Je ne sais ce que nous trouverons la bas. Derrière cette mascarade, nous sommes l’espoir de notre peuple. On nous a envoyé pour trouver de nouvelles contrées mais en existe-t-il vraiment ? Trouverons-nous d’autres fortifications, une autre ville ? Arriverons-nous au pied de l’Olympe et surtout dans quel but ?
J’ai l’impression de marcher dans le noir. D’avoir un bandeau sur les yeux et d’avancer sans savoir où je vais. C’est une sensation terrible mais on ne peut se laisser abattre ainsi. Il faut motiver les troupes.

Condamnés. Effectivement, nous le sommes. Certains plus que d’autres. Voir des personnalités partir avec les soldats ne pouvait qu’amuser notre cher Prélat.

- Si nous revenons. Et nous devons revenir ! Nous aurons un pouvoir sur lui …
Nous serons ces hommes et ces femmes qui sommes revenus de cette expédition. Nous serons vus comme des héros par la population, et de ce fait intouchables pour un moment. C’est une carte à jouer. Mais avant toute chose, il faut aller au bout de cet Enfer.

Je reposais mes yeux sur les plans. Je n’avais pas oublié ses premières paroles : « trouver un trajet suffisamment pourvu en point d'eau potable » et nous abriter.

- Regarder commandant ! Ici. Ce chemin qui s’arrête. Sur cette carte, on voit très bien qu’il y a une cette colline rocheuse et sous celle-ci, une sorte de galerie. Il est noté : « lac et galeries souterraines ».
Ceci ne figure pas sur la carte militaire, seulement sur celle que le grand prêtre de Vénus m’a donnée.
Il commence là et passe sous les dunes pour en ressortir de l’autre côté. Un passage qui nous permettrait de suivre un lac, donc d’avoir de l’eau potable et d’être à l’abri des tempêtes.

Je n’oubliai pas de discuter avec Caius à voix basse. Personne même les soldats à l’extérieur de la tente devaient percevoir notre conversation.

[Caius Aquilius]

La sénatrice n'est pas dupe. Elle sait que ce voyage est un moyen fort pratique pour le prélat de renforcer son pouvoir, se moquant bien des pertes que cela entraîne. Nous, nous n'avons pas le choix, il nous faut arriver au bout de l'expédition pour rentrer avec les honneurs voir plus.... Les symboles comptent à Rome et s'attaquer à ceux qui rentreront victorieux causerait une révolte populaire dont le pouvoir du prélat ne pourrait se relever, même avec tous les complots possibles.

J'étudie la carte alors que j'entends la sénatrice s'interroger sur ce qui nous y attend. Avancer dans le noir, l'obscurité est une chose désagréable et je peux la comprendre.... J'ai moi même ma propre idée sur la question et je ne peux réprimer un sourire lorsque j'entends un nom de sa bouche.

Le mont Olympe.... C'est peut être.... Une solution.

Mon doigt suit le trajet qu'elle m'a indiqué... Des cavernes, un lac souterrain, c'est sans doute une solution, même si on ne peut savoir ce qu'y nous y attend.... Combien de créatures ont elle pu élire domicile dans un tel endroit ? Combien périront dans ces obscurs boyaux ?

Pourtant mourir au combat est préférable à périr de soif dans le grand désert. Les morts seront autant de martyrs à la cause de l'expédition, autant de sacrifice à la gloire de Rome. En mon cœur, je pleure ces morts futurs mais je ne dois pas le montrer, je dois rester un chef digne aux yeux de ceux qui me suivent dans ce dédale.

Nous informerons certains centurions de Pluton pour préparer des unités d'éclaireurs spécialisés dans ce genre d'endroit et nous ferons analyser l'eau pour vérifier qu'elle soit bien potable.... Soyez en tout cas louée de m'avoir apporter cela sénatrice...

Je m'interromps alors un instant.... Elle a été honnête avec moi et je me sens son obligé ? Me redressant, je la fixe dans les yeux avant de commencer à parler pour lui dévoiler certaines choses... Un plan qui s'est dessiné dans ma tête depuis que le prélat m'a déclaré la guerre.

Vous avez en tout cas raison sur un point, Sénatrice.... Mettius dans son orgueil a commis une erreur, celle de négliger la source même du pouvoir Romain, à savoir les dieux.

Je souris alors me dirigeant vers un coffre où je garde un certain nombre de documents, des récits légendaires des temps passés.

Mettius a depuis son investiture eu de cesse que de prendre son pouvoir au sénat. Il se veut dirigeant incontesté et à ce que j'en sais, aimerait faire de sa fonction une fonction héréditaire. Par cela, il insulte les dieux.... Car si on y réfléchit, le fait que le sénat soit l'expression de la dévotion des Romains à leurs divinités est la preuve que ces derniers entendent peser sur la politique de la cité. En les privant de leurs pouvoirs, Mettius oublie que ce sont les dieux qu'il insulte et non seulement le peuple Romain.

Je caresse alors les parchemins.... Ils m'ont donné le secret, le moyen de gagner la partie d'échec que le prélat a commencé dans ma direction.

Je veux donc me trouver des alliés pour réduire son pouvoir.... Et je ne cache pas que les habitants du mont Olympe seraient idéaux pour cela d'autant que ces derniers semblent avoir décidé de se montrer plus présents que jamais à Rome...

J 'hésite... Ce que je vais lui dire est un autre de mes secrets.... Des signes apparus peu de temps avant mon départ, alors que j'étais à Rome.

Venus est intervenue directement deux fois dans mes affaires en peu de temps.... Elles est apparue une fois à ma femme lui annonçant qu'elle portait en son sein des jumeaux, fruit de notre union. Mais et c'est là le plus étonnant, elle est aussi apparue à Roenna, l’androïde chargée de la sécurité de ma domus.... Les dieux semblent décidés à se montrer plus intrusif que jamais dans les affaires humaines.

Un dieu apparaissant à un androïde.... La chose est unique en son genre et cela m'a posé nombre d'interrogations dans ma tête.

Je veux parler aux dieux.... Je veux leur faire comprendre que Mettius les méprise et constitue un danger pour leur création, notre cité...

Peut être Camila me prendra t'elle pour un fou.... Mais nous sommes tous les deux des condamnés en puissance si nous ne trouvons un moyen de nous en sortir...

[Camila]

[HJ : navrée pour tout ce long retard ]

A l’abri des regards et des oreilles indiscrets, je trouvais un allié en la personne du commandant des armées de cette expédition suicide. Je ne le connaissais que très peu mais mon instinct ne m’avait jamais trompé sur les personnes et leurs caractères. C’était un homme doté d’un esprit finement affuté, et notre échange fut dès plus agréable même si le sujet était grave et impliqué de nombreuses vies ainsi que les nôtres. Nous avions les mêmes interrogations, les mêmes doutes en tête. Pourtant, nous n’étions que des pions, et il allait falloir énormément d’ingéniosité pour revenir vivant.

Je suivis du regard le tracé de son doigt sur le chemin que j’avais découvert, et qui pourrait nous sauver et nous donner cet avantage que nous n’avions pas pour le moment.

- J’espère sincèrement que cela pourra nous aider. Ni vous ni moi, nous ne nous voilons les yeux. Il y aura des pertes. De nombreuses pertes malheureusement.

Je n’allais pas le déranger bien plus que cela. Je me doutais de tous ces problèmes, ces inquiétudes et ces réflexions dont il était assailli. Posséder entre ses mains toutes ces vies à cause de la folie d’un seul homme qui veut gouverner une ville et s’imposer comme le plus puissant. Je termine ma coupe la reposant sur la table, non loin de la carte que je commence à rouler et à remettre dans son fourreau. Je la lui laisserai. Il en aurait plus besoin que moi. Je l’ai tant détaillée, tant apprise par cœur qu’elle est gravée dans ma mémoire. Mais avant de partir, quelque chose semblait le perturber. La suite de son discours rejoignait mon opinion sur le Prélat. Opinion que je partageais aussi avec le grand prêtre de Vénus. Nous avions un ennemi commun, et quelle meilleure solution de s’allier pour tenter de lui prouver qu’il ne nous enterrerait pas aussi facilement ? Silencieuse, j’écoutais avec attention ses mots, observant ce coffre qu’il ouvrit sortant des parchemins avec précautions.

Il avait éveillé ma curiosité. Piqué au vif, je lui laissais finir son laïus dont le sujet n’était d’autre que Mettius. Je hochais la tête, par moment, acquiesçant à ses paroles. Je pensais exactement comme me commandant. Enfin ! Des personnes comme lui avaient ouvert les yeux sur cette dictature infâme. Trouver en les Dieux des alliés de choix. Etait-ce si facile ? N’y aurait-il pas de sanctions en allant trouvant les Divinités et leur prouver que celui qui symbolise la force et la gloire de leur cité ne serait qu’un imposteur ?

Quelques minutes s’écoulèrent avant que je ne prenne la parole. Mes yeux n’avaient pas lâché le regard de cet homme qui cherchait en moi des réponses. Peut-être pensait-il que je le prendrai pour un fou, un de ces êtres aux grandes théories complètement stupides ?

- Réduire son pouvoir est un grand projet, commandant.
Trouver en les Dieux des futurs alliés tout autant. Les Divinités ne sont pas aveugles. Du moins c’est ce que je pense. Maintenant, la question est de savoir pourquoi elles laissent Mettius avoir une si grande influence sur Rome ? Pourquoi elles laissent faire tout ceci ?

Je m’approchais de lui, effleurant du bout de mes doigts les parchemins qu’il tenait contre lui.

- Une personne de confiance m’a révélée quelques semaines avant les élections des détails impressionnants. Rome se meurt parce qu’elle ne peut plus subvenir à toute sa population. Les champs de récoltes s’amoindrissent avec le temps. Il y a trop de bouches à nourrir.
Vous comprenez où je veux en venir ?

Je lui laissais le temps de reconstruire dans sa tête ce puzzle complexe.

- Il faut donc trouver le moyen de diminuer la population J’écartais grand les bras . Et c’est nous ! Comment les Dieux ne peuvent-ils ne pas être au courant des magouilles et des plans de Mettius ? Je vous suivrai commandant mais j’ai des doutes sur l’aide des Dieux. Je suis persuadée qu’ils savent tout cela et qu’ils attendent comment va se finir cette partie d’échec. Peut-être décideront-ils de prendre parti pour un camp ou l’autre. Peut-être nous donneront-ils cet avantage de combattre les pièges du Prélat. Ou alors cette expédition a un tout autre but dont nous ne savons pas encore les conséquences. Qu’ils ont laissé faire pour nous conduire vers une nouvelle voie qui pourrait tout changer.

J’inspirai nerveusement. Plus les jours s’écoulerait, plus le danger comme l’inconnu se dessineraient autour de nous jusqu’à ce que les Dieux veuillent bien nous montrer le bon chemin. Je remontais la manche de mon long manteau, lui dévoilant un tatouage dès plus étrange qui ornait mon poignet et ma main.

- Je voudrai partager avec vous un secret. Ceci est un talisman magique très puissant sous forme de tatouage. Un cadeau de mon mentor avant mon départ. Personne ne peut me le retirer, il est gravé sur ma peau, ne fait plus qu’un avec moi. Grace à ses pouvoirs, je peux protéger le campement et les hommes mais comme vous le savez, rien n’est jamais gratuit. A chaque fois que j’utiliserai ce talisman, j’en subirai de lourdes conséquences. Au début, de simples symptômes comme une grande fatigue, de l’épuisement. Mais au fil du temps, si je l’utilise beaucoup trop, cela pourrait devenir dangereux pour ma propre vie.
Ce que je veux vous dire par là, c’est que jamais je n’hésiterai à faire appel à ce pouvoir pour nous protéger tous, et n’hésitez pas à venir me trouver pour mettre en pratique ce pouvoir. Qu’est ce une vie pour en sauver des centaines, commandant ?

[Caius Aquilius]

J'écoute attentivement ce que la femme face à moi à à me dire. Dans l'espace exigu de cette tente, j'apprends nombre de choses, bien plus en tout cas que dans les alcôves du sénat, repaire de politiques bien plus intéressés par leur réélection que par le bien de Rome. Une à une, Camilla m'apprends des choses qui apportent réponses à nombre de questions que jusqu'à présent je me posais...

Il n'y a donc que deux issues pour cette expédition.... Ou nous mourrons et la population de Rome se verra diminuée, le pouvoir du prélat s'en retrouvant renforcé ou nous réussissons par miracle et nous pouvons espérer de nouvelles terres. Mettius a parié sur la première possibilité.

Le prélat est fin politique, cela je ne l'ai jamais nié. La seule chose qui joue contre lui est qu'il souffre d'une maladie propre à un être ne respectant guère l'ordre divin que l'on nous a imposé. Il est temps pour moi d'exposer à la demoiselle ma théorie sur la question.

Les dieux.... Je les respecte, je crois en eux et je les prie. Mais il y a une chose que je soupçonne depuis des années... Leur propre puissance est directement tributaire du nombre de leurs adorateurs. Plus les Romains les prient, croient en eux, plus ils sont puissants. C'est pour cela que les sénateurs sont nommés selon le nombre d'adorateurs de chaque dieu, c'est pour cela qu'ils protègent Rome.

C'est logique si on y réfléchit.... Lors de ma jeunesse, j'avais eu la chance d'apprendre l'histoire, l'interdiction du monothéisme, la naissance d'une liberté de culte... Nous, adorateurs étions la source même de la puissance des dieux, une sorte de symbiose où chacun sortait gagnant.

Mettius ne sert que ses propres intérêts. Jusqu'à présent, les dieux s'en moquaient car le prélat n'interférait pas dans leurs affaires.... Mais comme nombre de personnages légendaires, il a été victime de ce que les anciens appelaient l'Hubris, cet orgueil démesuré qui lui fait à présent se croire presque un de leurs égaux. Sa manipulation des élections a touché pour la première fois à la hiérarchie des temples.

Un soupir s'échappa de mes lèvres tandis que j'allais me rasseoir. Rome continuant sur cette voie et c'était sa fin que nous verrions arrivé. La cité éternelle ne le serait peut être pas au final.

Mais je n'étais pas au bout de mes surprises.... La révélation du don qu'avait reçu Camilla me fit avoir une lueur de surprise dans mon regard. Ce cadeau n'était certes pas sans contreparties mais je commençais à déjà en voir les avantages...

Il ne faut pas que vous périssiez, Sénatrice.... Votre pouvoir est bien plus utile que simplement la protection de ce camp...

Voila que je réfléchis à présent comme un politicien. Je hais ces compromis, ces manipulations de l'opinion mais ce sont là les armes de mon ennemi.

Votre pouvoir est un symbole.... Vous êtes la protectrice de cette expédition et en tant que telle, je ne peux vous laisser mourir. Voyez-vous sénatrice, les symboles sont bien plus importants que les pouvoirs en eux même car ils donnent aux hommes l'espoir et c'est cet espoir qui nous fait avancer.

Je secoue la tête.... Non, Camilla ne doit pas mourir car cela signifierait la perte de cette expédition.

En protégeant l'expédition à un moment critique, vous deviendrez une héroïne. Les hommes croiront en vous et leur moral sera d'autant plus fort que vous vous tiendrez à leur coté. Si jamais vous périssiez et bien..... Le moral chuterait et j'ai bien peur que cela ne cause bien plus de morts.

Je m'interromps.... Camilla est peut être une solution possible aux problèmes de Rome mais consentira t'elle à me suivre sur cette pente glissante.

Si vous devenez une héroïne, les hommes vous respecteront et accepteront de vous suivre.... Il faut savoir que... La moitié de ces troupes me suffirait pour prendre Rome... Mettius est paranoïaque et la plupart des commandants qu'il a placé sont incompétents.... Nous pourrions rendre le pouvoir au sénat et aux temples, en finir avec ce dictateur....

Je ne fais là qu'exprimer ce que je ressens. Un coup d'état, non pour confier le pouvoir à un dictateur mais pour le rendre au peuple c'est là un vœu pieux.

Bien sur vous pouvez aussi considérer que mes paroles sont de la trahison.... Dans ce cas vous pouvez me faire mettre aux arrêts. J'ai toujours aimé Rome et respecter les dieux, je n'i jamais cherché les honneurs.... Mais cette mascarade doit s’arrêter....

Camilla a les cartes en mains.... C'est à elle de décider à présent

[Camila]

Quelque part, j’étais soulagée.
Soulagée de trouver en Caius Aquilius, un allié, un homme qui avait les mêmes visions que moi, qui savait où se dissimulait le danger à Rome. Il aurait pu me prendre pour une conspiratrice, et fort heureusement, cela n’avait pas été le cas. Je hochais la tête à ses mots. Il avait raison. Il n’y avait que deux solutions possible pour notre destin et ceux de tous ces soldats réunis dans cette expédition. Je restais silencieuse, ne rajoutant rien à son commentaire. Tout avait été dit par le commandant.

Le sujet revint sur le Prélat et son pouvoir, ou sa dictature, comme vous le souhaitiez. J’observais les traits du visage, sérieux et fermés, de l’homme qui se tenait près de moi. La révélation qu’il me faisait ne me surpris pas vraiment.

- Je sais. Du moins, c’est ce que j’ai toujours cru comprendre. Il est facile de se reporter aux années précédentes, et de voir quel Dieu ou quelle Déesse avait remporté les autres élections. Cette année, Rome est sous la puissance de Minerve ainsi donc, Mettius a tout fait pour pousser le Sénat a accepté ce corps expéditionnaire. Je suis d’accord avec vous. Tout est lié et le Prélat s’en sert à chaque fois.

Nos raisonnements, nos réflexions s’unissaient avec perfection. Mettius était arrivé à manipuler les élections, à toucher l’ordre des temples bien que Tibérius avait eu son mot à dire, cela n’avait pas véritablement suffit. Je bus la dernière gorgée de mon verre, balayant de mon regard la tente du commandement avant de revenir poser mes yeux sur lui.

Il faut montrer à Rome que le Prélat n’a plus sa place au cœur de Rome. Il ne peut plus représenter la ville et les citoyens. Son pouvoir ne s’arrêtera pas là maintenant qu’il a pu voir combien son tour de passe-passe a été gratifiant durant les dernières élections.
Vous êtes le seul à pouvoir vous opposer à cet homme. Le seul à avoir une aura puissante pour être Notre guide.

On aurait pu refaire le monde de cette façon. Pour le moment, il fallait prendre les soucis par ordres prioritaires. Et avant de laisser le commandant tranquille, et de rejoindre ma propre tente, je ne pouvais partir sans lui faire cette révélation : le talisman en forme de tatouage que m’avait offerte Sapiens, mon mentor. Mon sourire s’esquissa sur mes lèvres.

- Ce talisman n’est pas pour moi, Commandant. Il est pour tout le camp. Pour tous les hommes. Je l’ai accepté uniquement pour cela. Je mourrai pour chacun des soldats s’il le faut, pour vous donner la force nécessaire et l’espoir de rentrer à Rome sain et sauf.

Je secouais ma tête devant ses propos :

- Moi ? Une héroïne ? Non, je ne veux pas de ce titre. Je ne veux rien de glorieux. Je ne fais pas cela pour le prestige, Préfet, je le fais pour toutes ces vies. Mais, j’avoue que votre idée rejoint la mienne avec une force égale : Je vous aiderai à renverser Mettius. Vous avez tout mon soutien, sans failles.
Ce n’est pas d’une héroïne ou d’un héros dont les hommes, les femmes ont besoin.
Ils ont besoin de lumière, d’un renouveau, d’une paix et d’espoirs concrets. Mettius a gouverné avec ses beaux discours chimériques. A nous, à vous de changer la donne.
Si avec ce talisman, je peux regrouper les hommes derrière vous, alors, je le ferai, oui mais sans contrainte, juste avec des mots. Ne devenons pas comme Aurelius.
Une nouvelle voie s’ouvre à nous.

Rendre le pouvoir au peuple, arrêter l’asservissement, la pauvreté, toutes ces magouilles, toutes ces pertes inutiles. Ma main se posa, doucement sur son épaule.

- Jamais je ne vous verrai comme un traitre, soyez-en certain.
Et si on doit parler de traitrise, alors nous sommes deux, non ?
Vous êtes un homme bon et fort.
Que les Dieux vous écoutent et vous protègent, Caius Aquilius.

Je retirai ma main, geste trop familier, je ne pouvais me le permettre plus longtemps , le saluant avec honneur et respect.

- Je vous laisse, à présent, je vous ai assez fait perdre de votre temps précieux.
Et… N’hésitez pas à faire appel à moi et au talisman.
N’hésitez pas un seul instant, commandant. Chaque bataille de gagner nous rapproche un peu plus de Rome et de ceux que nous aimons.