Pas même Venus ne semblait pouvoir arrêter la chute du soleil. Il allait bientôt se marier avec les flots de Neptune. Les chaudes lueurs du crépuscule venaient caresser mon visage. J'étais en nage, méconnaissable. Je ne me rasais plus depuis le départ du corps, depuis l'officialisation de ma mort. Le corps expéditionnaire était à peine parti à la recherche d'une autre civilisation qu'on avait tenté de m'assassiner. Je n'étais pas la seule cible. Valentina avait failli mourir et je m'en voulais profondément. D'autres sénateurs et un Consul avait disparu. Lui, on n'avait même pas retrouvé son corps..
Mais avec Sapiens, nous avions déjà mis en place notre atout. L'androïde aux mille visages avait copié mon visage, mimé ma gestuelle et pris ma place dans ma couche. Je n'avais pas de regret malgré la beauté plantureuse de la prêtresse partageant ma sa couche en début de nuit. Le veinard ! Mais la chance tourna immédiatement. Durant son sommeil, une androïde que je nous pensais fidèle l'avait frappé à maintes reprises avec une dague. L'androïde que Sapiens m'avait offert fut le cadavre de mon corps. Et ainsi la nouvelle de la mort de Tiberius Scribonus Festus fit le tour de Rome et Lucretia fut nommée Grande Prêtresse jusqu'à mes funérailles. J'aurai pu nommer Thalie, mais je ne pouvais me résigner à la perdre une seconde fois. J'avais également eu une autre requête : celle de retarder au maximum mes funérailles.
Mais les raisons de ma présence sur cette plage furent toute autre. Les romains cataloguaient rapidement Venus et ses adeptes comme des forniqueurs fainéants. Mais nous défendions également les Arts. Les Arts et leurs conséquences extraordinaire ! Le morale des troupes dictait ma présence sur les plages de Mediterranée . Des champs de maïs me cachait Rome, un quart de lieue derrière moi. Les gardes de Pluton avait fini leur ronde. Le désert était étrangement calme. Aucune incursion dans les plaines ne furent signalées. Je n'avais plus qu'à attendre Laelia. Viendrait-elle ? Je l'ignorai.
J'essuyai la sueur de mon front. Orgueilleux, je me disais que mon plan était presque parfait. Presque ? Oui, j'avais besoin d'un grand feu. Et je n'avais pas pensé qu'il y avait si peu de bois sur une plage. J'avais mis deux bonnes heures à ramener cette épave de charrette sur la plage. Il m'avait fallu encore une heure pour la débiter en planche et y mettre le feu. Je relevai les yeux sur l'horizon. Voilà ! Le soleil flirtait avec Neptune et commençait à sombrer dans les flots.
Leila viendrait-elle ? J'étais confiant. Notre entrevue avait été brève, particulière également. Sa musique m'avait transporté comme la voix de Livia le faisait. Elle se trouvait dans les jardins suspendus et j'avais même cru voir des poupées danser autour d'elle. C'était un homme mal rasé, mal fagoté qui l'avait approché. Elle dansait en musique pour qui voulait l'entendre. Son violon se mariait à ses mouvements. J'étais sous le charme. Je reconnaissais qu'il m'en fallait bien peu. Je m'étais approché et la voix assurée, en opposition avec mon allure, je l'avais invitée à venir le soir même sur la plage pour un concert autour d'un feu de joie. Je n'avais pas attendu sa réponse. Je lui avais demandé de venir seule. Je lui avais dit que Thalie, la prêtresse de Venus, lui prêterait un cheval si elle le souhaitait. Je n'avais pas entendu sa réponse, mais je restais confiant. Les artistes meurent pour leur Art.
-- Tu crois qu'elle va venir Venus ?
-- Je guide le coeur des humains, je ne le dirige pas Tiberius
J'entendis encore sa voix. Étais-je fou ? Non ! Enfin pas totalement...