par Nero Horatius le 04 Octobre 2012, 21:41
"Tu es un incapable, tu le sais ça j’espère ?"
"Mais !"
"C’était pourtant simple ce que je t’ai demandé ! Tu comptes devenir un jour prêtre de Pluton ? En étant si incompétent ?"
Ni une ni deux, je me lève, furieux face à ce novice qui n’est doué que pour s’attirer des ennuis. Ma colère semble sans limite en cet instant. Dans le regard de mon interlocuteur, je devine sa peur croissante. Il faut dire qu’ajouter à ma tenue déjà impressionnante, ma voix déformée par la structure même de mon masque, rendue plus caverneuse, grave, je suis également quelqu’un doté d’une grande force, héritage encore bien présent de mon passé de légionnaire. Mes deux mains s’emparent du bord de la table qui me sert de bureau pour le moment, et d’un geste précis, je la renverse sur elle-même, laissant ce qui était disposé dessus voler par la même occasion dans un bruit de fracas. Ma réaction semble démesurée très certainement mais cela participe à la réputation de mon personnage. Je suis déjà de nature coléreuse au naturel, alors je n’hésite pas à laisser celle-ci s’exprimer totalement, sans entrave quand elle souhaite se manifester chez moi. J’ouvre les portes vivement de mon bureau, donnant sur l’antichambre où m’attend celle que j’ai convoqué. Au moins, elle est ponctuelle, un bon point pour elle. Décidément, elle fait tout pour bien jouer son rôle elle. J’attrape le novice par le col de sa bure et sans ménagement, je l’éjecte de mes quartiers, le jetant comme un vulgaire morceau de bois dans l’antichambre…
"Hors de ma vue misérable !"
Le pauvre adolescent n’a d’autres choix que de voler dans les airs pour se réceptionner lourdement sur le sol de marbre sombre, pleurant toutes les larmes de son corps. Visiblement, il est aisé de voir sur son visage que l’expérience qu’il vient de vivre a été traumatisante pour lui. Il ne pourra que mieux en retenir la leçon ainsi. Mon regard fixe la jeune femme assise et qui m’attend, et je reste sans aucune gêne à soutenir ainsi le sien de longues secondes. On dirait alors que nous nous affrontons mentalement, par le biais de nos pensées. Puis, aussi soudainement qu’imprévu, je rentre dans mes quartiers en claquant de nouveau les portes. Mon pied vient cogner dans les parchemins au sol, les faisant voler dans les airs, tandis que je continue de râler, crier de rage durant de longues minutes…
"OH TOI NON PLUS C’EST PAS LE MOMENT ! T’ES MORT ! JE NE VEUX PLUS T’ENTENDRE !"
Face à moi, l’esprit du Grand Prêtre de Pluton qui ne trouvera le repos que lorsqu’il se sera vengé de moi apparemment. Cela peut être très long, car maintenant qu’il est mort, que Pluton semble lui refuser l’accès aux Enfers, il n’a d’autres occupations que de me taper sur le système du matin jusqu’au soir. Finalement, après m’être passablement calmé, je redresse la table rapidement, replaçant dans le désordre le contenu étalé au sol, pour présenter un intérieur un peu plus organisé à mon invitée. Mais avant de l’accueillir dans mes quartiers, il me faut encore terminer une étape avant de pouvoir la faire entrer, et débuter notre entretien. Lentement, je me dirige devant un miroir atteignant la hauteur des deux mètres aisément et qui trône sur un mur, dans une alcôve qui lui est entièrement dedans. Ainsi paré, ce mur semble davantage être une porte qu’un simple miroir. Encadré dans un bois usé par le temps, il semble venir d’un autre temps. Le visage baissé, dissimulé sous mon épais capuchon, je ferme un instant les yeux et commence à réciter des prières, dictées e plus en plus rapidement. Il est certain que ma voix doit s’entendre depuis l’antichambre, les murs n’étant pas si épais que cela…
Les mains tendues vers le miroir, mes paroles deviennent comme une musique envoûtante. Les mots s’enchainent de plus en plus rapidement, toujours dans le même ordre, sous la même intonation de voix. L’atmosphère semble petit à petit changer à l’intérieur de mes quartiers. L’air se fait plus frais, jusqu’à finalement, de la vapeur s’échappe de ma bouche, de mon nez à chaque inspiration et expiration. Phénomène pourtant visiblement uniquement en plein hiver. La prière s’intensifie, une fumée bientôt blanchâtre apparaît dans le miroir, commence à s’écouler par le bas de celui-ci, pour se répandre lentement mais surement sur le marbre de la pièce, telle une rivière se frayant un chemin. Les flammes des bougies chancellent sans pourtant qu’un quelconque courant d’air ne se fasse sentir. Et bientôt, ils sont là : les gémissements, les pleurs, les supplications de l’Autre-Monde. Une cascade de cris, de pleurs, de gémissements plaintifs, d’appels résonnent dans le bureau. Son qui glace le sang à ceux qui n’en sont pas habitués. D’ailleurs, qui peut y être ? Il faut être mort ou dans l’Autre Monde pour avoir entendu pareil son...
"Toi qui erre de l’autre côté, par delà les frontières invisibles… les abimes… entend mon appel !"
Ce n’est pas qu’une simple prière, mais plutôt un ordre. Je sais que celle à qui j’ai demandé de venir doit tout écouter derrière la porte. Et tandis que j’intime à l’entité de venir à moi, la prière que je récitais juste auparavant tel une chanson envoûtante continue de se faire entendre. Sauf que la voix n’est plus la mienne, mais une chorale de voix lugubres, sombres venues toute droite du néant. Je romps finalement le lien que je viens d’établir avec l’Autre Monde pour me diriger vers les portes de mon bureau, les ouvrant soudainement et énergiquement. Toutes les voix se sont tuent au même instant, dans une coordination parfaite. Seule un froid surnaturelle règne à l’intérieur de mes quartiers, une fumée blanchâtre, semblable à de la vapeur, ou à un léger brouillard recouvre et reste à quelques centimètres au dessus du marbre sombre de mon bureau…
"Tu peux entrer."
Ma voix est froide, sèche et autoritaire. Il n’y a pas de place pour discuter, pour questionner, pour protester. Je laisse les portes ouvertes et rejoins mon bureau pour m’installer derrière, assis confortablement dans le siège tout en guettant l’arrivée de la jeune femme dans mon bureau. Ainsi vêtu, je dois lui renvoyer une image étrange. Habillé entièrement de noir, je ne laisse strictement rien paraître de ma peau naturelle. Même mes mains sont protégées dans des gants noirs. Mon visage dissimulé sous mon masque me confère une aura mystérieuse. Je la laisse entrer à sa guise, puis, attend qu’un silence s’installe entre nous. Pour le moment, je me contente de la fixer du regard, de la détailler ouvertement voir même outrageusement, comme-ci silencieusement, je l’accusais déjà de quelque chose, attendant de voir si elle allait se placer immédiatement sur la défensive ou non…
"Alors… te voilà donc… tu as eut raison de te présenter spontanément à moi, c’est mieux ainsi, pour toi Fauta."
Je sais d’hors et déjà que mes mots vont la mettre dans une colère significative. C’est le but. Je veux la tester, la pousser à bout, la provoquer. D’ailleurs, un sourire narquois apparait sur mes lèvres, mais ça, elle ne peut en rien le voir, juste peut-être le percevoir…
"On m’a dit beaucoup de choses sur toi. Tu es une Romaine bien secrète. Mais j’en oublie toute forme de politesse. Je t’en prie, installe toi, prend un siège. Toi et moi allons discuter."