Parfois, tout semble vouloir se compliquer. J’ai beau être d’une nature joyeuse, optimiste, il m’arrive néanmoins de craquer. La journée d’aujourd’hui a été horrible. Je n’ai cessé de repenser au corps de Tiberius parsemé de coups de couteaux, à la vue de Lucretia en tenue de guerrière, tout en pensant à cette expédition venant de quitter tout juste notre si belle Cité, pour affronter les dangers extérieurs. Le monde semble vouloir devenir fou depuis quelques jours et cela me pèse. Soit je suis trop fragile, soit je ne suis pas faite pour supporter tout ceci. Heureusement, il me reste Justina, l’androïde que j’ai sauvé d’un retour au marché aux esclaves. Qui aurait cru qu’un jour, moi, celle qui déteste ces machines, puisse voler au secours de l’une d’elle ? C’est dire comme je suis perdue en ce moment ! Allongée dans mon lit, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Agitée, stressée, je tourne et me retourne sur ma couche trop grande et trop vide en cette nuit à mon goût. Le Temple me paraît bien silencieux, je n’aime pas cela. Pire que tout, je suis à l’affût de chaque bruit suspect que je parviens à entendre. Je ne suis pas rassurée, ça non. Mikalus, mon androïde à la si belle musculature, a beau être fort et musclé, je ne sais même pas s’il est présent au Temple ce soir. Oh je ne l’en blâme pas, je lui ai donné quartier libre chaque soir lors de son achat…
Allongée sur le côté, le drap couvrant juste la moitié de mon corps totalement dénudé dessous, je contemple la fenêtre de ma chambre donnant sur le jardin du Temple. Un doux et léger vent s’engouffre, se perd dans les teintures qui descendent en cascade du plafond vertigineux et je demeure pensive tandis que mon regard se perd dans la nuit bleutée. Une foule de questions assiègent mon esprit, m’empêchant de me reposer comme j’en aurais pourtant tant besoin. La vision de ce corps ressemblant trait pour trait au Grand Prêtre m’hante. Je ne comprends comment une telle chose a été possible. Il fallait être proche du vrai Tiberius pour connaître des détails que seules ses amantes pouvaient connaître. Tout le monde ne pouvait connaitre les tâches de naissance dissimulées sur son corps non. Et puis, pour obtenir une telle ressemblance, Tiberius avait du savoir longuement de modèle. Depuis quand d’ailleurs l’androïde avait remplacé le véritable Grand Prêtre ? Penser que Tiberius avait été depuis toujours un androïde m’est impossible, même si la réalité s’imposer d’elle-même…
"Je ne comprends plus rien…"
Je soupire, je ferme les yeux, je verse quelques larmes et mon esprit gagne enfin le repos tant attendu, le pays des songes. Combien de temps s’écoule ainsi ? Je ne puis le dire. Je sais que je me réveille subitement et soudainement, totalement désorientée, apeurée, la respiration coupée par le stress, tandis que je reste assise dans le lit, criant sans parvenir à me contrôler…
"AAAAAAAH au secours"
Mon regard encore plein de sommeil fouille inlassablement les environs, l’obscurité de ma chambre, cherchant la présence d’une personne qui n’y aurait pas sa place en cette heure tardive. Je frisonne et portant j’ai l’impression d’avoir de la fièvre. Ma main tremblante cherche à tâtons dans la pénombre de quoi me défendre. Hélas, je n’ai guère l’habitude de dormir avec une dague sous l’oreiller. Je ne suis pas une prêtresse de Vénus pour être prête à me défendre, à me battre, à protéger ma vie à chaque respiration. Je rapproche mes genoux contre ma poitrine, me recroqueville assise sur mon lit avant de fondre en sanglots. Un mauvais rêve. Je redoute l’instant déjà où je devrais de nouveau fermer les yeux pour trouver le sommeil. J’ai peur de cet instant, des visions qui m’attendent pour mieux m’effrayer, m’éreintant toujours plus. Un cycle vicieux et infernal. Et puis j’entends des pas, un bruit sourd. Mon cœur s’accélère si soudainement et puissamment, que j’ai l’impression que mes oreilles vont exploser de l’intérieur…
"Y a… quelqu’un ? Qui qui est là ?"
Je tremble, ma voix est paniquée, tremblante. Un autre bruit chose, quelqu’un ou quelque chose vient de cogner contre le meuble dans le couloir menant à ma chambre. Il me semble deviner une main effleurant le mur sur sa longueur, comme pour se guider dans le noir. Mon esprit suit cette avancée rapidement, échafaudant de sa propre initiative, mille et une thèses plausibles sur les causes et l’origine de tout ceci. Un assassin, venu finir sa mission en me tuant ici, dans mon lit. Je revois les nombreux coups de couteau parcourant le corps de Tiberius, j’imagine quelle mort horrible a du être la sienne. Un autre bruit sourd suivit aussitôt d’un bris de glace. Pour finir, j’entends comme des excuses. Là je comprends. Ca ne peut être qu’elle, Justina. La catastrophe ambulante de ce Temple…
"Justina c’est toi ?"
Un petit oui s’échappe de derrière la porte, me voici rassurée. J’ai presque même envie de rire. Surement les nerfs qui se préparent à lâcher le trop plein d’émotions. Cette androïde, entrée pour servir le Temple s’est rapidement faite connaître de toutes et tous ici. Dotée d’une maladresse sans limite, elle aura réussit à venir à bout de la patience de notre prêtresse la plus sage et calme du Temple. Et pour finir, alors qu’une prêtresse s’apprêtait à la ramener au marché des esclaves, j’ai eut la bonne idée de la garder à mon service. Non pas que j’avais besoin d’une androïde de plus à mon service, mais bien parce que sa détresse m’a profondément touché, interpellé. Oui, c’est bien moi qui dit ça. Les portes s’ouvrent lentement et j’implore déjà du regard Justina de venir me rejoindre. J’ai une envie folle et irraisonnée de me blottir contre elle, de sentir sa présence…
"Justina…"
Je retiens mes larmes, la fixe intensément…