[E3] Sexuel ? ça veut dire quoi![pv Mortis]

[Euterpe]

[Nero Horatius]

La journée a été rude, éreintante. Elle n’est que l’une des premières d’une longue série. Je ne dois pas baisser les bras maintenant, fléchir non. Tant de choses restent à faire. Ce n’est que le commencement ! J’ai passé ma journée à voyager entre les différentes salles du Temple, répondant aux questions de certains prêtres de Pluton, participant à de longs débats ennuyeux et stériles pour enfin trouver le calme apaisant de l’immense bibliothèque du Temple. Là, j’ai longuement étudié et j’ai enfin eut accès à la salle interdite, contenant les ouvrages condamnés, censurés, prohibés par le Grand Prêtre. Tant de savoir ne devrait pas rester enfouit de la sorte, à l’abri des regards, des chercheurs, des érudits ayant une soif de connaissance comme la mienne. J’ai passé de longues heures ainsi dans pièce recelant autant de trésors, sans prendre le mesure du temps qui s’écoulait lui à l’extérieur. Ma présence ici sera mal vue, critiquée, je le sais que trop bien. Je connais parfaitement les mentalités chez certains prêtres de ce Temple. Fidèles adeptes du Grand Prêtre, ils n’ont de talents que celui d’exécuter aveuglement la volonté de celui qui, aujourd’hui, reste introuvable. Et quand le berger n’est plus là, les brebis cèdent à la panique, font n’importe quoi…

La nuit tombe vide, l’activité incessante au sein du Temple s’apaise au fur et à mesure que l’astre diurne se dissimule lentement mais surement, derrière l’horizon. Si je suis tenté d’agir rapidement, il me faut prendre mon mal en patience. Chaque chose arrivera en son temps, j’en suis convaincu. Satisfait de ma journée, de ma progression dans l’élaboration, l’accomplissement de mon plan, je regagne mes quartiers. Euterpe m’y attend, pleine de fougue, d’énergie, sautant sur ma couche. Ce n’est pas maintenant que je vais souffler. Si j’avais l’intention de me reposer, au calme, c’était sans compter sur l’envie de l’androïde d’assouvir à son tour, sa soif de connaissance. Les questions pleuvent comme des flèches sur le champ de bataille et tandis que je lui tourne le dos, pour commencer à me déshabiller, je ne peux m’empêcher de sourire derrière mon casque lugubre et effrayant. Elle est d’une innocence touchante, désarmante. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, j’ai su qu’elle m’accompagnerait dans ma montée, ma gloire. Je rigole presque en l’entendant dire qu’elle m’aime. Dans sa bouche, ce sont des mots magnifiques, qui me font réellement chavirer. Mais je n’en laisse rien paraître…

"Tu m’aimes ? Et bien j’en suis touché Euterpe… mais il me faudra détailler l’explication de celui-ci qui a cru bon te donner cette définition."

Encore un idiot qui ornera les jardins. Finalement, si au départ j’ai vu dans le pouvoir de l’androïde, une malédiction, je dois avouer que parfois, comme en cet instant, je suis heureux qu’elle possède un pareil don. Un moyen efficace, utile de faire disparaître des personnes devenues gênantes. L’épaisse cape qui couvre mes épaules s’envolent dans les airs, alors que je l’a dépose sur le meuble, commençant par retirer mes vêtements pour enfin pouvoir gagner ma couche. J’écoute attentivement mon androïde, comme toujours, mes pensées ne s’arrêtant pas à cet exercice cependant. Depuis mon voyage dans l’Autre Monde, je suis comme plus intelligent. Difficile à expliquer, mais je suis certain d’être capable de penser à diverses choses en même temps, avec la même attention, le même sérieux pour toutes. Une prouesse si elle en est une ! J’ouvre les yeux en grand en entendant les mots qui sortent de la bouche de mon androïde…

"Esclave sexuelle ?"

C’était à prévoir. Euterpe a besoin de recevoir un enseignement. Pour bien faire, il faudrait presque je lui donne des cours chaque jour. Ce n’est pas de sa faute, ça non, c’est ce qui la rend si unique, si attachante. Pour rien au monde je voudrais l’échanger contre une autre androïde. De nouveau je rigole, même si je suis mal à l’aise face à ce genre de conversation, de sujet. Je m’approche d’elle, venant m’asseoir sur le côté du lit, tourné vers elle pour mieux la contempler au travers de mon masque, effleurant lentement et tendrement sa joue pour replacer une mèche de ses cheveux avec affection derrière son oreille…

"Tu n’es en rien une esclave sexuelle Euterpe. Considérer les androïdes ainsi, c’est être à mille lieux de comprendre la complexité de ton espèce. C’est de rabaisser, ignorer le but de votre conception."

Je ne devrais pas partir sur ce genre d’explication, trop complexes peut-être pour elle en cet instant. Je crois qu’elle a besoin d’être rassurée quelque part. J’hausse les épaules et rigole de nouveau…

"Euterpe, tu n’es pas une esclave. Encore moins sexuelle. Mais les androïdes dans notre société, sont considérés ainsi. Ne fais pas attention à ça. Quant à sexuel et bien…"

Je me sens rougir derrière mon masque. Sa question est légitime. J’aimerais pouvoir éviter le sujet mais il reviendrait un jour ou l’autre…

"Je pense qu’il ne parlait pas de coucher avec ce sens. Bien sur, nous dormons ensemble et il n’y a strictement rien de mal là-dedans non. Cet idiot faisait référence à un autre sens du mot coucher. Quand deux personnes s’étreignent, se câlinent, s’accouplent. Tu comprends ? Pour le plaisir, pour prouver son amour à l’autre, pour satisfaire un besoin, une envie, les couples font ce qu’on appel l’amour. Un acte charnel, sexuel."

Là j’ai chaud et je déteste définitivement parler de ça. Elle change de sujet et j’en suis plus que ravi. Je soupire, satisfait intérieurement que cette androïde puisse ainsi jongler entre les idées, les questions, les sujets de conversations. Non elle est parfaite, il n’y a pas à dire…

"Oui tu pourras danser, même s’il pleut. Tu ne risques pas d’être malade de toute façon. Il faudra faire attention cependant, il ne faudrait pas que l’on assimile tes statues, aux personnes disparues. Et puis, on ne va plus savoir où les mettre à force Euterpe !"

J’éclate de rire tandis que je me relève pour commencer à souffler sur les quelques bougies allumées ici et là. Il ne reste plus qu’une lampe à huile installée sur un petit meuble près du lit, servant de lumière de chevet. La chambre est plongée dans la pénombre, lui conférant une aura agréable, apaisante presque romantique. Je finis de me dévêtir, déposant en dernier mon masque sur son reposoir, ouvrant en une série de bâillement ma bouche pour détendre ma mâchoire. Un rituel que j’effectue chaque soir et qui me rappel malgré moi, que je suis bien humain, vivant. Personne ne pourrait comprendre ce que je ressens alors en ces instants. Je rejoins lentement mon lit, m’installe nu sous le drap, en position semi assise, oreiller dans le dos, faisant une place à l’androïde…

"Demain, je te ferais visiter la crypte. Nous aurons beaucoup de travail. J’aurais d’ailleurs besoin de toi Euterpe."

[Euterpe]

[Nero Horatius]

De nouvelles questions, toujours et encore, tel un torrent de montagne puissant et fougueux. Euterpe a cette soif de connaissances, d’informations illimitées. Résultat de sa défaillance ou simple véritable désir d’en savoir toujours plus ? Parfois cela m’agace, mais le plus souvent, je trouve cela touchant. Elle est semblable à une enfant qui découvre sans cesse la vie, le monde et à travers son regard, je retrouve une part d’innocence, de naïveté que j’ai perdu trop brutalement. Le monde n’est pour moi qu’un cimetière géant, où nous attendons tous, l’heure du passage vers l’Autre Monde, par delà l’autre rive. Je la contemple se dénudée, glisser sous les draps pour immédiatement venir se blottir contre moi. Naturellement, dans une tendresse, une affection que je partage avec elle, que je manifeste et éprouve uniquement pour elle, je l’enlace pour la garde contre moi. Elle ne souffre pas du froid et pourtant, j’aime à penser qu’ainsi, elle n’en ressentira pas les effets. Discrètement, je me plais même à humer le parfum de ses cheveux. Ma main, sensuelle et délicate parcourt son dos, tandis que je plonge mon regard dans le siens pour mieux captiver son écoute…

"Euterpe, tu apprendras par toi-même certains sens des mots… certaines vérités. Tu ne pourras découvrir la vie, son sens, qu’à travers les livres. Il te faut expérimenter, tester, découvrir par toi-même. Si tu crois que ce que tu ressens pour moi, c’est de l’amour, alors n’hésite jamais à dire, affirmer, penser que tu m’aimes. Tu comprends ?"

Cette androïde est d’une complexité étonnante. Elle pourrait sembler au premier regard fragile, désorientée, complètement déconnectée de la réalité, de ses fonctions de machine. Pourtant, elle est dotée d’un potentiel énorme, d’une intelligence certaine et surtout, d’une capacité extraordinaire à s’adapter, évoluer, apprendre. Elle est unique et c’est aussi pour cela, qu’elle tient une si grande place à mes côtés. Je dépose une tendre bise sur son front, comme pour la rassurer sur ses sentiments. Comment une androïde pourrait-elle comprendre quelque chose là dedans, alors que nous, humains, nous nous y perdons nous-mêmes ? L’amour peut être une maladie qui vient à bout des plus grands hommes, des plus robustes. Il s’insinue encore et toujours dans les âmes, les cœurs, jusqu’à les détruire entièrement. Et pourtant, grâce à l’amour, des hommes sont capables de prouesse inimaginable ! C’est à y perdre son latin. Alors comment expliquer tout ceci à une androïde qui semble découvrir la vie ?

"Demain, à la crypte, je te montrerais quelque chose. Une façon de rendre hommage au dieu Pluton encore meilleure. Je t’expliquerais ce qui fait encore plus plaisir à Pluton, que de simplement casser tes statues Euterpe."

Redoutable androïde capable de figer le pire de mes ennemis avec un simple regard. J’ai beau trouver quelque part son don effrayant, j’aimerais pourtant entamer une collection variée grâce à son don. Un couloir souligné par un alignement de statues, représentant tous ceux qui ont osé me barrer le chemin un jour, se moquer de moi. Ses dernières questions me gênent plus encore. Elle a le droit de savoir pourtant. Je n’ai pas spécialement envie de répondre et pourtant, je me dois de l’enseigner, de lui expliquer, de lui transmettre mon savoir, mes connaissances. Je souris malgré moi, tout en la contemplant, effleurant la peau satinée de son dos lentement…

"Euterpe… question après question…il est tard tu sais pour moi, je ne suis pas certain d’arriver à te suivre comme ça encore longtemps…"

Je reprends le fil de mes idées, réfléchis un cours instant. Je lis dans son regard une pointe de jalousie. Elle a besoin d’être rassurée et je ne peux que la comprendre…

"Tout d’abord, non, je n’ai pas de relations charnelles avec une femme. Je n’aurais pas d’enfant non plus Euterpe. Il y a des hommes qui ont pour destin de fonder une famille, prendre soin de leur épouse. D’autres, ont un autre destin, une autre vocation."

Je lui fais tourner le visage délicatement du bout de mes doigts, plongeant mon regard dans le sien, emplit d’une sincérité, franchise certaine…

"Et détrompe-toi. Tu as tout d’une femme. Tu es faite pour aimer, pour ressentir du plaisir, de l’amour. Tu es capable de comprendre et avoir des sentiments, tout comme moi. Pour l’accouplement maintenant… il faudrait peut-être que nous allions au Temple de Vénus. Les prêtresses là-bas sont plus à même de t’expliquer, te montrer que moi je crois. Qu’en dis-tu ? "

Je n’aime pas le clergé de Venus, pourtant, il faut bien reconnaître qu’en plaisir charnel, ils sont champions. C’est bien là leur domaine spécifique. Et si Euterpe se pose autant de questions, éprouve des envies, alors, peut-être que cette idée n’est pas si mauvaise…

"Pourquoi je ne t’en ai jamais parlé ? Et bien, je crois que tu ne te posais pas ce genre de questions auparavant pour commencer Euterpe. Je ne savais pas non plus que cela t’intéressait. Il te manque quelque chose à mes côtés Euterpe ?"

Avec toutes ces questions, j’en viens à me demander si elle n’éprouve pas tout simplement un manque. Je sais que les androïdes sont capables de nous copier en quelque sorte, de s’adapter à nous, de faire en sorte de nous ressembler. Alors j’en viens à me demander si, au fond d’elle, elle n’éprouve pas un manque quelconque. La plupart des humains possédant un esclave auraient sans douté déjà usé de leurs esclaves pour leur plaisir propre. On ne peut même pas parler de viole dans ces conditions. Mais je ne suis pas de ceux là. Je suis sincèrement et réellement intrigué par les pensées de l’androïde, ses besoins, ses interrogations…

[Euterpe]

[Nero Horatius]

Lorsque je lui parle d’aller demander conseil à d’autres que moi, je ne peux m’empêcher de remarquer la colère de l’androïde. En cet instant, je ne puis faire autrement que de me souvenir de l’inactivité de son plot désactivé. Il me serait tout à fait possible de l’emmener auprès d’un réparateur, pour le faire fonctionner de nouveau, mais je perdrais une amie, une enfant, une confidente, une aide, ma complice. Euterpe est tellement plus encore à mes yeux. Si parfois sa capacité à m’assaillir de question me fatigue, que me surprend, me décourage, elle reste un soutien précieux pour moi. Sans elle, la vie me semblerait encore plus vide qu’elle ne l’est déjà. Je souris alors que je sens la colère, la jalousie, la déception dans son regard. Elle ne comprend peut-être pas toute la signification de ses sentiments et pourtant, elle les exprime avec brio. Sa mémoire défaillante n’est que le résultat d’une maladresse, d’un accident. Si elle continue de penser qu’elle est diminuée à cause de son expérience malheureuse, je sais voir tous les progrès qu’elle fait au quotidien. Euterpe est une androïde exceptionnelle, capable d’apprendre de tous, rien qu’en contemplant, observant son entourage, ou les personnes qu’elle peut croiser…

"Euterpe ! Tu n’es pas stupide. Arrête immédiatement de penser que tu es diminuée, moins importante qu’une autre. Tu es unique à mes yeux."

J’ai envie de lui faire comprendre qu’elle représente tellement à mes yeux, que je tiens véritablement à elle. Ce n’est certainement pas chose facile pour moi. Jamais auparavant je n’ai éprouvé pareil sentiment à l’égard de quelqu’un. Bien sur, j’ai ressenti par le passé de la peur, de l’amour pour ma mère, pour mes frères d’armes, de l’affection. J’ai même connu la plus grande des peurs, face au dieu des Enfers, lorsque je lui faisais face dans l’Autre Monde. Mais Euterpe fait naître en moi tellement plus. J’aimerais pouvoir lui expliquer ce que je ressens, ce que je vis grâce à elle, avec elle. Mais aucun mot ne sort de ma bouche. Je suis incapable de me confier. Mon corps est mort, je suis prisonnier de celui-ci. Et quand elle s’avance au dessus de moi, à quatre pattes, dans une grâce, une sensualité indescriptible, semant le trouble en moi, une gêne sans nom, je reste comme pétrifié. Ses lèvres se posent sur les miennes et je réponds à ce baiser avec douceur. Le geste semble lent, perdu dans le temps. Mon cœur s’accélère, je ne peux m’empêcher de la contempler sous un regard nouveau. L’androïde perdue, devient une autre, une femme. La métamorphose du papillon s’opère sous mes yeux, témoin privilégié de cet instant magique…

"Euterpe…"

Je sens une douce chaleur envahir mes joues. Il est bien rare de pouvoir me voir rougir de la sorte. Tout d’abord, parce que je porte quotidiennement mon masque. Ensuite, la nudité n’a pas plus d’impact sur moi que cela. En cette cité, époque, la nudité est constante, naturelle. Aux bains, les gens sont tous nus, hommes comme femmes, se côtoient, se regardent sans pudeur, sans gêne. Et pourtant, après cet échange précieux, cette marque d’affection unique d’Euterpe pour moi, je la contemple sous un jour nouveau. Ma main vient effleurer avec douceur, lenteur sa joue, imprimant sous le bout de mes doigts les traits de cette partie de son visage, comme pour s’en souvenir à jamais, tandis que mon autre main effleure sa chute de rien sensuellement…

"Merci. Tu en avais l’envie ?"

Je suis curieux de savoir ce que ressent en cet instant l’androïde, à quoi elle pense. Elle a beau me dire que rien ne lui manque, je la connais assez pour savoir que sa soif de connaissance la rend parfois malheureuse. Il lui est certainement difficile de trouver les réponses qu’elle souhaite. Je me penche lentement pour soulever ma tête, approchant pas à pas mon visage du siens, avant de déposer à mon tour, un tendre baiser sur ses lèvres, que je prolonge durant quelques secondes, afin de mieux apprécier le contact, la douceur de ses lèvres sur les miennes. C’est comme découvrir une nouvelle personne en cet instant. Jamais je n’aurais cru vivre cela un jour. Intérieurement même, je crois que je me l’étais interdit. Mais il est trop tard pour moi. Je ne peux plus faire marche arrière et quelque part, cela me chagrine, voir m’angoisse. L’amour détourne, embrume les pensées…

"Tu sais Euterpe, tu fais aussi partie de mon univers. Je crois que nous sommes liés dans ce destin qui est le notre. Montre-toi patiente. Chaque chose arrive au moment voulu."

Mon regard glisse de son regard vers son cou, descendant vers sa poitrine nue, libérée. Je sens le trouble m’envahir et il me faut redoubler d’effort pour détourner mes pensées vers autre chose…

"Nous dormons ? Ou il faut que je te lise quelque chose pour que tu puisses trouver l’envie de te reposer ?"

Euterpe a toujours aimé ces instants de complicité, tout comme moi. C’est un cadeau unique, précieux, rien qu’à nous. Personne ne pourra jamais nous priver de cela. Si j’aime étudier, me plonger dans des études approfondies de sujets divers et variés, l’androïde aime encore plus que je lui fasse la lecture, comme à une enfant…

[Euterpe]

[Nero Horatius]

Elle a toujours aimé que je lui fasse la lecture. Une passion que nous partageons depuis que l’androïde est à mes côtés. J’aime plus que tout lire, m’instruire, apprendre, étudier, enrichir mes connaissances. Plus encore depuis mon retour. Est-ce là les effets de mon voyage dans ce monde souterrain ? Je pense que c’est lié oui. A vrai dire, je ne me suis jamais posé autant de questions jusqu’à aujourd’hui. Quelque chose est en train de changer, je le sais, mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Euterpe s’installe sur moi, comme à son habitude. Dans ces gestes, je perçois toujours cette même innocence, ce naturel que j’aime tant. Elle ne se pose pas de questions, ne se demande si elle peut ou non, elle se contente de faire, choisir selon son envie, sa pensée du moment. Avec elle, rien n’est jamais compliqué, sauf sa pensée encore chaotique. Bien sur, elle n’est pas responsable. Je crois même qu’elle en souffre. Mais cela n’est aucunement un obstacle. J’espère qu’elle me croit, me comprend quand je lui dis que je l’aime ainsi. Durant de longues secondes, mon regard se perd de nouveau dans le sien. J’essais d’y lire ses pensées du moment. Puis, je penche la tête sur le côté, cherchant un ouvrage qui me permettrait de lui faire la lecture. Au moins, absorbé par cette lecture, je serais moins tenté de songer à l’androïde, nue, couchée sur moi de la sorte…

"Alors, voyons vois ce que nous pourrions lire ce soir…"

Je cherche, je lis les couvertures. D’ordinaire, la présence d’Euterpe ne me gêne aucunement. Mais ce soir, elle semble différente, tout comme moi. Peut-être est-ce le baiser qui me fait prendre conscience qu’il pourrait y avoir plus que de l’amitié entre elle et moi, une autre forme d’amour ? Je ne me suis que trop rarement posé la question à vrai dire. En réalité, je m’y refusais le plus souvent. J’aurais pu songer à trouver une femme, en faire mon épouse. J’aurais pu prendre à mon service, une esclave sexuelle, afin d’assouvir en sa compagnie, mes pulsions. Mais à quoi bon ? Je ne suis pas ainsi, non moi je suis différent. Malgré tout, Euterpe est une androïde à la beauté parfaite, exprimant ce soir, une féminité qui ne peut me laisser insensible. Et pourtant, je ne veux rien casser, changer dans notre relation. Je crois qu’au fond de moi, j’ai peur de la perdre si jamais notre lien devait évoluer. Elle est délicate, fragile encore, tout comme moi en vérité…

"Oh mais que voilà, un nouvel ouvrage : le Voyage. Mmmh il taquine ma curiosité celui-ci."

Je souris à Euterpe. Je connais les livres qui trainent sur le petit meuble de chevet. Celui-ci n’y était pas hier soir. Une seule réponse à ce mystère : Euterpe a trouvé un nouvel ouvrage à me faire lire. C’est une habitude, une parmi tant d’autres qu’elle a. Elle aime me faire découvrir d’autres choses, partager avec moi sa curiosité sur un sujet donné. C’est tacite, muet, mais elle comme moi, savons de quoi il en retourne, comment cela fonctionne. Alors je ne pose pas de questions, je ne dis rien, je joue l’étonné, à chaque fois et je sais qu’elle est heureuse ainsi. Pourquoi changer notre univers alors que nous y sommes si bien ? J’ouvre le livre, adresse un clin d’œil à mon androïde, comme pour la remercier, puis, entame la lecture. Le prologue est loin et ennuyeux. L’auteur avertit que ce livre est censé nous plonger dans un état de réflexion sur la mort et son voyage. Comme-ci quelqu’un pouvait vraiment savoir. Je roule des yeux, puis continue ma lecture pour Euterpe et pour moi-même, m’appliquant, tâchant de lire avec une voix douce…

"Déjà le début est ennuyeux… c’est un livre pour nous faire mourir de suite en fait"

J’éclate de rire, retournant le livre pour y trouver l’auteur, avant de replonger dans la lecture. Le premier chapitre passe plutôt bien. On y découvre des informations sur les croyances concernant la mort, les sacrements sur la mise en terre, les traditions autour des morts. Rien de bien nouveau, ni de bien intéressant. Au chapitre deux, l’auteur s’essai à décrire le voyage du mort dans l’Autre-Monde. Je soupire en roulant des yeux, me forçant néanmoins à continuer ma lecture pour Euterpe. Et plus j’avance, plus le style, l’écriture, les inepties de l’auteur m’énervent. En colère, je claque le livre pour le balancer au dessus du lit dans la chambre…

"Non mais… pour qui il se prend cet auteur ? Il croit savoir, connaître alors qu’il ne sait rien ! Encore un idiot qui veut se rendre intéressant en écrivant n’importe quoi. Comment ceux qui n’ont pas rencontré Pluton peuvent se permettre de le décrire ?"

Je suis en colère. Je peux entrer dans des colères froides comme celle-ci très rapidement, sans aucun signe annonciateur parfois. Je regarde Euterpe qui n’a pas bougé, je lui souris pour lui faire comprendre que je ne lui en veux absolument pas, naturellement, avant de venir caresser sa joue sensuellement, ses cheveux affectueusement…

"Tu vois, les gens qui ne savent pas, préfèrent faire croire qu’ils savent, plutôt que de reconnaître leur manque de savoir. Il faut oser tout de même, se permettre de décrire un dieu ! Tous ne méritent pas d’être instruits, enseignés. Comment tu l’imagines toi Pluton Euterpe ?"

Une question qui ne tombe pas dans la conversation par hasard. Je suis sincèrement curieux de savoir la représentation que ce fait Euterpe au sujet du dieu…

[Euterpe]

[Nero Horatius]

Naturelle, innocente, naïve, Euterpe est l’androïde destinée à m’accompagner dans ma montée au pouvoir. Dotée d’une réelle malice, tout en perdant à aucun moment sa fraîcheur, sa douceur, elle est un soutien nécessaire pour moi. Plus je l’observe et plus je me réjouis de sa présence à mes côtés. Je fus un homme bien avisé de ne pas renoncer à la faire réparer. J’aurais aimé pourtant faire tellement plus pour elle. Parfois, alors que je la regarde silencieusement, j’en viens à me demander intérieurement, si je ne suis pas en train de développer des sentiments interdits, ou du moins, malvenus à son encontre. Ais-je peur du jugement des autres ? Certainement pas. Ils sont légions les citoyens de cette ville à assouvir fantasmes et pulsions dans la couche de leurs esclaves, ayant pour fonction unique, celles d’amantes, de jouets sexuelles. Je ne suis pas de ceux là, certainement pas ! Mais je ne peux pas nier le fait que je suis profondément attacher à elle oui. Je la détaille de mon regard affectueux. Elle est d’une beauté envoûtante et j’aime particulièrement son côté joyeux, enfantin un peu. Oh je sais que ce n’est qu’une façade. Derrière ce visage inoffensif se cache aussi un monstre sans pitié. Tout comme moi. C’est peut-être cela qui nous lie ainsi, qui nous rassemble, nous rattache. Pour Euterpe, je dois être surtout avant tout son sauveur en quelque sorte. Je l’écoute m’expliquer qu’elle n’a jamais cherché à savoir à quoi ressemblait Pluton. J’aimerais lui faire ce cadeau. Un jour, peut-être, si le Dieu accède à me requête, ma demande…

"Ce sont de sages paroles là Euterpe… tu as une manière de pensée à son sujet parfaitement adéquate je trouve. Et tu as raison également, il a de beaux yeux bleus, aussi terrifiants qu’expressifs."

Je n’aime pas me forcer à me souvenir de mon voyage dans l’Autre Monde. J’en ai gardé des séquelles indélébiles, immuables. J’ai surement vécu une expérience que personne de vivant en ce monde, ne peut raconter. Du coup, il me serait aisé d’en jouer, de raconter ce que je souhaite à qui veut bien l’entendre. Mais j’ai trop peur et trop de respect aussi envers Pluton pour agir de la sorte. Ce ne serait que blasphème et sacrilège. A ce compte là, je ne vaudrais guère mieux que le Grand Prêtre que j’ai fait disparaître pour les mêmes raisons. Mais il est vrai que rencontrer un Dieu n’est pas aussi fabuleux, merveilleux que ne voudraient le croire certains prêtres ici et dans les autres temples. Euterpe se redresse et je peux alors observer avec gêne mais aussi surprise, sa nudité, ses courbes somptueuses, délicates. Quelque chose a attiré son attention…

"Quoi ?"

Elle se précipite à la porte, pour ramener avec elle un chaton. Avoir Euterpe à mes côtés est non seulement un plaisir, mais c’est aussi très utile. Car si je ne me sens pas particulièrement en danger, je sais qu’elle fera toujours tout en son pouvoir pour me protéger. Et puis, ses sens bien supérieurs aux miens sont très efficaces, la preuve en est. Je souris face au joli minois du chaton, mais aussi devant la joie de l’androïde, caressant la tête poilue de l’animal…

"Bonbon… il est très mignon oui Euterpe… tu peux le garder mais !"

Mais, parce qu’il y a un mais oui. Je me souviens des nombreux chatons qui ont fini leurs vies dans les mains de l’androïde. Tués d’une façon peu réjouissante, si l’on peut voir la mort d’une façon pareille. J’attrape le petit chaton, le garde dans mes bras tout en le caressant, regardant attentivement l’androïde, me faisant beaucoup plus sérieux pour l’occasion…

"A une condition Euterpe. Tu en prends bien soin et surtout, je ne veux pas que tu essais de le manger comme les autres celui-ci. Tu ne devras pas le laisser courir partout non plus. Il reste ici, dans mes appartements, tu peux le sortir dans le jardin de ma chambre et c’est tout. Je ne veux pas te voir courir après partout dans le Temple d’accord ?"

Autant bien préciser les choses d’emblé de jeu avec Euterpe. Pas qu’elle soit idiote ou sotte, loin de là. Mais elle est imprévisible et souvent, prise dans le jeu, je sais qu’elle serait capable de venir troubler une importante réunion, rien que pour chercher bonbon. Autant dire que cela ne serait pas vraiment une gêne, mais voilà, je ne suis pas seul ici. Les autres prêtres doivent déjà suffisamment comploter contre moi à l’heure actuelle, pour que je puisse me permettre de leur donner l’occasion de me discréditer. Délicatement, je lui rends le chaton, la contemplant jouer avec…