par Nero Horatius le 03 Octobre 2012, 14:15
La journée a été rude, éreintante. Elle n’est que l’une des premières d’une longue série. Je ne dois pas baisser les bras maintenant, fléchir non. Tant de choses restent à faire. Ce n’est que le commencement ! J’ai passé ma journée à voyager entre les différentes salles du Temple, répondant aux questions de certains prêtres de Pluton, participant à de longs débats ennuyeux et stériles pour enfin trouver le calme apaisant de l’immense bibliothèque du Temple. Là, j’ai longuement étudié et j’ai enfin eut accès à la salle interdite, contenant les ouvrages condamnés, censurés, prohibés par le Grand Prêtre. Tant de savoir ne devrait pas rester enfouit de la sorte, à l’abri des regards, des chercheurs, des érudits ayant une soif de connaissance comme la mienne. J’ai passé de longues heures ainsi dans pièce recelant autant de trésors, sans prendre le mesure du temps qui s’écoulait lui à l’extérieur. Ma présence ici sera mal vue, critiquée, je le sais que trop bien. Je connais parfaitement les mentalités chez certains prêtres de ce Temple. Fidèles adeptes du Grand Prêtre, ils n’ont de talents que celui d’exécuter aveuglement la volonté de celui qui, aujourd’hui, reste introuvable. Et quand le berger n’est plus là, les brebis cèdent à la panique, font n’importe quoi…
La nuit tombe vide, l’activité incessante au sein du Temple s’apaise au fur et à mesure que l’astre diurne se dissimule lentement mais surement, derrière l’horizon. Si je suis tenté d’agir rapidement, il me faut prendre mon mal en patience. Chaque chose arrivera en son temps, j’en suis convaincu. Satisfait de ma journée, de ma progression dans l’élaboration, l’accomplissement de mon plan, je regagne mes quartiers. Euterpe m’y attend, pleine de fougue, d’énergie, sautant sur ma couche. Ce n’est pas maintenant que je vais souffler. Si j’avais l’intention de me reposer, au calme, c’était sans compter sur l’envie de l’androïde d’assouvir à son tour, sa soif de connaissance. Les questions pleuvent comme des flèches sur le champ de bataille et tandis que je lui tourne le dos, pour commencer à me déshabiller, je ne peux m’empêcher de sourire derrière mon casque lugubre et effrayant. Elle est d’une innocence touchante, désarmante. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, j’ai su qu’elle m’accompagnerait dans ma montée, ma gloire. Je rigole presque en l’entendant dire qu’elle m’aime. Dans sa bouche, ce sont des mots magnifiques, qui me font réellement chavirer. Mais je n’en laisse rien paraître…
"Tu m’aimes ? Et bien j’en suis touché Euterpe… mais il me faudra détailler l’explication de celui-ci qui a cru bon te donner cette définition."
Encore un idiot qui ornera les jardins. Finalement, si au départ j’ai vu dans le pouvoir de l’androïde, une malédiction, je dois avouer que parfois, comme en cet instant, je suis heureux qu’elle possède un pareil don. Un moyen efficace, utile de faire disparaître des personnes devenues gênantes. L’épaisse cape qui couvre mes épaules s’envolent dans les airs, alors que je l’a dépose sur le meuble, commençant par retirer mes vêtements pour enfin pouvoir gagner ma couche. J’écoute attentivement mon androïde, comme toujours, mes pensées ne s’arrêtant pas à cet exercice cependant. Depuis mon voyage dans l’Autre Monde, je suis comme plus intelligent. Difficile à expliquer, mais je suis certain d’être capable de penser à diverses choses en même temps, avec la même attention, le même sérieux pour toutes. Une prouesse si elle en est une ! J’ouvre les yeux en grand en entendant les mots qui sortent de la bouche de mon androïde…
"Esclave sexuelle ?"
C’était à prévoir. Euterpe a besoin de recevoir un enseignement. Pour bien faire, il faudrait presque je lui donne des cours chaque jour. Ce n’est pas de sa faute, ça non, c’est ce qui la rend si unique, si attachante. Pour rien au monde je voudrais l’échanger contre une autre androïde. De nouveau je rigole, même si je suis mal à l’aise face à ce genre de conversation, de sujet. Je m’approche d’elle, venant m’asseoir sur le côté du lit, tourné vers elle pour mieux la contempler au travers de mon masque, effleurant lentement et tendrement sa joue pour replacer une mèche de ses cheveux avec affection derrière son oreille…
"Tu n’es en rien une esclave sexuelle Euterpe. Considérer les androïdes ainsi, c’est être à mille lieux de comprendre la complexité de ton espèce. C’est de rabaisser, ignorer le but de votre conception."
Je ne devrais pas partir sur ce genre d’explication, trop complexes peut-être pour elle en cet instant. Je crois qu’elle a besoin d’être rassurée quelque part. J’hausse les épaules et rigole de nouveau…
"Euterpe, tu n’es pas une esclave. Encore moins sexuelle. Mais les androïdes dans notre société, sont considérés ainsi. Ne fais pas attention à ça. Quant à sexuel et bien…"
Je me sens rougir derrière mon masque. Sa question est légitime. J’aimerais pouvoir éviter le sujet mais il reviendrait un jour ou l’autre…
"Je pense qu’il ne parlait pas de coucher avec ce sens. Bien sur, nous dormons ensemble et il n’y a strictement rien de mal là-dedans non. Cet idiot faisait référence à un autre sens du mot coucher. Quand deux personnes s’étreignent, se câlinent, s’accouplent. Tu comprends ? Pour le plaisir, pour prouver son amour à l’autre, pour satisfaire un besoin, une envie, les couples font ce qu’on appel l’amour. Un acte charnel, sexuel."
Là j’ai chaud et je déteste définitivement parler de ça. Elle change de sujet et j’en suis plus que ravi. Je soupire, satisfait intérieurement que cette androïde puisse ainsi jongler entre les idées, les questions, les sujets de conversations. Non elle est parfaite, il n’y a pas à dire…
"Oui tu pourras danser, même s’il pleut. Tu ne risques pas d’être malade de toute façon. Il faudra faire attention cependant, il ne faudrait pas que l’on assimile tes statues, aux personnes disparues. Et puis, on ne va plus savoir où les mettre à force Euterpe !"
J’éclate de rire tandis que je me relève pour commencer à souffler sur les quelques bougies allumées ici et là. Il ne reste plus qu’une lampe à huile installée sur un petit meuble près du lit, servant de lumière de chevet. La chambre est plongée dans la pénombre, lui conférant une aura agréable, apaisante presque romantique. Je finis de me dévêtir, déposant en dernier mon masque sur son reposoir, ouvrant en une série de bâillement ma bouche pour détendre ma mâchoire. Un rituel que j’effectue chaque soir et qui me rappel malgré moi, que je suis bien humain, vivant. Personne ne pourrait comprendre ce que je ressens alors en ces instants. Je rejoins lentement mon lit, m’installe nu sous le drap, en position semi assise, oreiller dans le dos, faisant une place à l’androïde…
"Demain, je te ferais visiter la crypte. Nous aurons beaucoup de travail. J’aurais d’ailleurs besoin de toi Euterpe."